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INFECTION URINAIRE : DIAGNOSTIC TROP EMPIRIQUE

Publié le 13/10/2017
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Bandelette urinaire

Bandelette urinaire
Crédit photo : GARO/PHANIE

La prise en charge des infections urinaires (IU) a fait l’objet de recommandations en 2008 publiées par l’Assaps, puis d’une actualisation en 2014 par la SPILF, société savante d’infectiologie.

Des études publiées entre 2006 et 2011 montraient que les médecins généralistes suivaient rarement les recommandations sur la prise en charge des IU. Des départements de médecine générale et de recherche de Bordeaux et Lyon ont actualisé ces données et ont tenté d’identifier les raisons associées à la non compliance des MG aux recommandations de 2008. Les résultats de leur étude transversale ont été publiés dans la dernière édition de la revue Médecine et maladies infectieuses (1).

Les recommandations de 2008 stipulaient que la bandelette urinaire (BU)ou l’ECBU (pas d’ECBU dans les cystites simples) doivent être systématiques, car des études ont montré que les symptômes et l’examen clinique n’étaient pas suffisants pour affirmer le diagnostic d’infection urinaire.

► Réalisé dans le cadre de l’etude ECOGEN sur 340 consultations menées entre novembre 2011 et avril 2012, ce travail de médecine générale confirme des pratiques diagnostiques peu conformes aux recommandations. La BU est boudée, seuls 15 % des praticiens y recourent, l’ECBU est utilisée dans moins d’un cas sur deux (47,9 %) quand le jugement clinique seul l’emporte dans deux tiers des cas. Au total, 43 % des patients n’ont ni BU ni ECBU. L’âge, le sexe du patient, les habitudes du praticien et la durée de la consultation interviennent dans ces résultats hétérogènes.

► Paradoxalement, les sujets âgés, plus à risque de complications, sont ceux qui bénéficient le moins de bandelettes et d’ECBU. En cause, des contraintes organisationnelles plus chronophages (déclin cognitif, difficultés motrices) ou la difficulté d’y recourir en visite à domicile ou la péremption des bandelettes. à l’inverse, les patients jeunes bénéficient davantage d’une BU. Ils sont 22 % des moins de 20 ans contre 7,8 % chez les plus de 75 ans.

► Les médecins ne sont pas systématiques sur l’ECBU en cas d’IU masculine, alors qu'elle devait être considérée à l'époque comme une prostatite jusqu’à preuve du contraire.

► La durée de consultation plus longue (au-delà de 15 minutes) incite aux examens complémentaires, tandis que la notion de nouveau patient est associée plus fréquemment à l’examen clinique. Les praticiens les plus actifs sont les plus enclins à recourir à l’ECBU, peut-être en raison de leur emploi du temps chargé. Mais aucune étude n’a relié jusqu’à présent la charge de travail et le recours aux examens diagnostiques.

► Parmi les explications à ce manque d’appropriation des recommandations, figure le fait que les médecins considèrent que les recos ne se soucient guère de l’âge des patients, qu’elles elles n’intègrent pas la vision des médecins généralistes et que l’utilisation systématique de la bandelette ne correspond pas à leur pratique quotidienne. L’encouragement à l’utilisation de la BU venir de la mise à disposition du matériel comme pour les tests de diagnostic rapide de l’angine.
 

1- Kinouani S et al. Médecine et maladies infectieuses. 2017

Dr Muriel Gevrey

Source : lequotidiendumedecin.fr