Dans notre pays, les infections ORL représentent le principal motif de prescription d’antibiotique. En raison de l'émergence de certaines résistances, l'utilisation des antibiotiques doit donc être limitée à des situations précises.
C'est l'objet de la mise à jour des recommandations de la SPILF (Société de pathologie infectieuse de langue française), de la société française de pédiatrie et du GPIP (Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique) sur l'antibiothérapie par voie générale dans les infections respiratoires hautes de l'adulte et de l'enfant (1, 2). Précisons qu'aucun traitement antibiotique n'est requis en cas de rhinopharyngite, même lorsque les sécrétions nasales ont un aspect purulent ou mucopurulent.
UN PEU DE MICROBIOLOGIE
L'évolution récente des résistances bactériennes aux antibiotiques fait ressortir plusieurs tendances, certaines dans le sens d'une amélioration (pneumocoque, Haemophilus influenzae producteurs de bêtalactamases, streptocoques du groupe A résistant aux macrolides), d'autres au contraire étant problématiques (1).
-› La résistance aux bêtalactamines a diminué de façon significative pour le pneumocoque : on a ainsi observé une diminution globale de 47 % en 2001 à 32 % en 2008 du taux de souches de sensibilité diminuée ou résistantes à la pénicilline G pour les souches invasives.
À noter que l’existence de souches de pneumocoques de sensibilité diminuée aux bêta-lactamines ne contre-indique pas l’emploi de l’amoxicilline, sous réserve de prescrire une posologie permettant d’obtenir des concentrations supérieures aux CMI (concentrations minimales inhibitrices). Les souches réellement résistantes étant très peu fréquentes, l’amoxicilline per os reste l’antibiotique de choix pour le traitement des infections à pneumocoque des voies respiratoires.
Pour les macrolides et apparentés, la résistance est également en diminution. S'agissant des fluoroquinolones, la situation est stable entre 2001 et 2008 avec seulement 1 % de souches I (intermédiaires) ou R (résistantes) aux fluoroquinolones.
-› Pour Haemophilus influenzae, deux types de mécanismes de résistance coexistent. La sécrétion de bêtalactamases, principal mécanisme de résistance avant 2000, est en régression (15 % des souches sont concernées en 2009 contre 32 % en 2001). Ce mécanisme inactive l’amoxicilline et les céphalosporines de première génération, mais l’activité des céphalosporines de 3ème génération est préservée et l’association à l’acide clavulanique restaure l’activité de l’amoxicilline. Depuis le début des années 2000, un autre mécanisme de résistance vis-à-vis des bêta-lactamines, non enzymatique, correspondant aux souches BLNAR (souches résistantes à l’ampicilline sans production de bêtalactamase), a émergé. 16 % des souches d'Haemophilus influenzae étaient concernées en 2009 contre 1 % seulement en 1998. Certaines souches cumulent les deux types de résistance.
Cependant, les souches BLNAR peuvent être traitées par amoxicilline à forte dose ou céphalosporines de 3ème génération orales et injectables. Par ailleurs, les macrolides ne sont pas recommandés en cas d'infection par Haemophilus influenzae, la bactérie étant naturellement peu sensible à cette classe d'antibiotique.
-› Concernant Moraxella catarrhalis, plus de 90 % des souches sont résistantes à l’amoxicilline par sécrétion de bêta-lactamases. L’association amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines de 2ème et 3ème génération sont actives sur ces souches, de même que les macrolides et les sulfamides.
-› Le streptocoque pyogène reste sensible aux bêta-lactamines, tandis que la résistance aux macrolides a beaucoup diminué.
ANGINE À STREPTOCOQUE : FAIRE UN TDR (2)
-› Neuf millions de diagnostics d'angine sont portés en France chaque année, et 8 millions de prescriptions d'antibiotiques sont générées par cette indication. La majorité des angines est d'origine virale. L'angine à streptocoque ß-hémolytique du groupe A (SGA ; premier agent bactérien en cause dans l'angine) ne représente que 25 à 40 % des angines de l’enfant et 10 à 25 % des angines de l’adulte, avec un pic d'incidence qui se situe entre 4 et 15 ans.
L'utilisation d'un traitement antibiotique en cas d'angine à SGA se justifie par le risque de complications telles que rhumatisme articulaire aigu (RAA), glomérulonéphrite aiguë et complications septiques loco-régionales.
-› En dehors des angines bactériennes liées au bacille diphtérique, au gonocoque et aux bactéries anaérobies, seuls les patients atteints d’angine à SGA relèvent d’un traitement antibiotique. Chez l'adulte, devant une angine érythémateuse ou érythémato-pultacée, il est recommandé de calculer le score de Mac-Isaac (Voir encadré 2). Si celui-ci est inférieur à 2, la probabilité d’infection à SGA est au maximum de 5 %, et un simple traitement symptomatique (antalgique et/ou antipyrétique) suffit. Si le résultat est supérieur ou égal à 2, un test de diagnostic rapide (TDR) doit être réalisé.
-› Si le TDR est négatif, le traitement antibiotique n'est pas justifié, pas plus que la mise en culture du prélèvement pharyngé. Seul un TDR positif confirme l’étiologie à SGA et justifie la prescription d’antibiotiques, celle-ci devant être proscrite pour tout autre type d'angine. Il n’est pas recommandé non plus de donner à l’avance au patient une prescription antibiotique, puisque la preuve diagnostique est apportée en consultation par le TDR (1).
-› En cas d'angine à SGA, la durée des symptômes est réduite d'environ 24 heures par l'antibiothérapie, et le patient cesse d'être contagieux 24 heures après le début du traitement.
-› L'antibiotique recommandé en première intention chez l'adulte est l'amoxicilline par voie orale à la raison de 2 g/jour chez l’adulte en 2 prises quotidiennes durant 6 jours. Le traitement par pénicilline V orale n'est plus recommandé en raison de la longueur du traitement : 10 jours. À noter que le traitement différé n’altère pas l’effet protecteur de l’antibiothérapie vis-à-vis du risque de survenue d’un RAA : l’antibiothérapie peut être débutée jusqu’au 9ème jour après le début des signes et être encore efficace sur la prévention du RAA (1).
-› En cas d'allergie vraie aux pénicillines sans allergie aux céphalosporines, le céfuroxime-axétil (C2G), le cefpodoxime (C3G) ou le céfotiam (C3G) peuvent être utilisés.
-› L'utilisation des macrolides - azithromycine, clarithromycine, josamycine - est restreinte aux patients ayant une contre-indication à l'ensemble des bêta-lactamines, en raison du taux de résistance des SGA à cette classe d'antibiotiques, et ce malgré la diminution de la proportion de souches résistantes depuis 2005. La pristinamycine n'est plus recommandée dans l'angine à SGA.
L'OTITE DE L'ADULTE
-› L’otite moyenne aiguë (OMA) purulente est rare chez l’adulte. L'otalgie est souvent marquée, violente et pulsatile. Les bactéries en cause sont a priori les mêmes que celles de l’enfant : Hæmophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, Branhamella catarrhalis, mais la fréquence des souches résistantes est moindre que chez l’enfant. Attention cependant : 25% des méningites à pneumocoque de l’adulte ont pour point de départ une OMA purulente (1).
-› La prescription d’une antibiothérapie pour toute autre otite qu'une OMA purulente confirmée par la visualisation des tympans, ou lorsque les tympans n'ont pas été vus, doit être proscrite. Seules les otites moyennes aiguës purulentes confirmées par l'examen otoscopique doivent être traitées par antibiotiques, à prescrire d'emblée (2).
-› En première intention, l'amoxicilline est recommandée à la dose de 2 ou 3 g/j en 2 ou 3 prises pendant 5 jours (2).
En cas d’allergie aux pénicillines sans allergie aux céphalosporines, on peut recourir au cefpodoxime, au céfuroxime-axétil ou au céfotiam.
En cas de contre-indication aux bêta-lactamines (pénicillines et céphalosporines), la pristinamycine, le cotrimoxazole (triméthroprime-sulfaméthoxazole) ou la lévofloxacine peuvent être utilisés, sur la base d’arguments microbiologiques en l’absence d’étude clinique.
En cas d’échec du traitement de 1ère intention, on prescrit de l'amoxicilline-acide clavulanique.
Par analogie avec l’enfant de plus de 2 ans, la durée de traitement recommandée est de 5 jours.
-› Concernant les otites externes, les bactéries le plus souvent retrouvées sont Staphylococcus aureus, les streptocoques du groupe A et Pseudomonas aeruginosa (4). Le traitement de première intention de l'otite externe bénigne repose sur le nettoyage du conduit auditif externe et l'application d'un antiseptique (en l'absence de perforation du tympan). L'antibiothérapie n'est justifiée qu'en seconde intention. L'otite externe maligne (Pseudomonas aeruginosa), qui nécessite en urgence un traitement antibiotique injectable, se rencontre chez le diabétique, le sujet âgé ou immunodéprimé.
LES SINUSITES (1 ; 2)
-› Le pneumocoque et l'Haemophilus influenzae sont les germes le plus souvent retrouvés dans les sinusites aiguës purulentes de l'adulte. La sinusite maxillaire aiguë purulente est la forme la plus commune, mais elle est parfois difficile à distinguer d'une rhinosinusite congestive d'origine virale (présence de douleurs sinusiennes lors des premiers jours d'une rhinopharyngite, témoignant d'une congestion des méats sinusiens). Par ailleurs, l'aspect puriforme de la rhinorrhée ne reflète pas toujours la présence d'une surinfection bactérienne. Celle-ci peut être suspectée par la présence d'au moins 2 éléments parmi les critères majeurs suivants :
- Persistance ou augmentation des douleurs sinusiennes infra-orbitaires malgré un traitement symptomatique d'au moins 48 heures ;
- Douleur unilatérale et/ou majorée lorsque la tête est penchée en avant, et/ou pulsatile, et/ou avec acmé en fin d’après-midi et la nuit ;
- Augmentation du volume et de la purulence de la rhinorrhée, surtout de façon unilatérale.
La persistance d'une fièvre au 3ème jour d'évolution, ainsi que la persistance au-delà de 10 jours de l'obstruction nasale, des éternuements, de la gêne pharyngée et de la toux constituent des signes mineurs qui renforcent la suspicion de sinusite aiguë purulente s'ils sont associés aux critères majeurs.
-› La sinusite frontale se manifeste par des douleurs frontales, la sinusite sphénoïdale par des douleurs rétro-orbitaires ou au niveau du vertex, et la sinusite ethmoïdale par un œdème périorbitaire, cas dans lesquels la réalisation d'un scanner est recommandée. Même chose en cas de sinusite maxillaire aiguë purulente compliquée.
En présence d'une sinusite maxillaire unilatérale sans contexte de rhinite, et lorsque la rhinorrhée est fétide, un avis odontologique est nécessaire.)
-› Lorsque les symptômes rhinologiques restent diffus, bilatéraux, modérés, dominés par une congestion avec une rhinorrhée séreuse ou puriforme banale, l’antibiothérapie n’est pas indiquée d’emblée, et l'on commence par un traitement symptomatique. Si les symptômes persistent ou s'aggravent sous traitement symptomatique, l'antibiothérapie est justifiée.
Le traitement antibiotique doit donc être envisagé en cas de sinusite aiguë maxillaire purulente, en cas d’échec d’un traitement symptomatique initial ou en présence de complications, et en cas de sinusite maxillaire unilatérale associée à une infection dentaire homolatérale de l’arc dentaire supérieur. Lorsqu'il existe une sinusite frontale, ethmoïdale ou sphénoïdale, l'antibiothérapie est également recommandée d'emblée.
-› L’antibiotique préconisé en première intention en cas de sinusite maxillaire aiguë purulente est l'amoxicilline, à la dose de 2 à 3 g/jour en 2 à 3 prises par jour durant 7 à 10 jours.
L'association amoxicilline-acide clavulanique peut être utilisée en cas d’échec de traitement d’une sinusite aiguë maxillaire par amoxicilline, en cas de sinusite aiguë maxillaire d’origine dentaire, et en cas de sinusite frontale, ethmoïdale ou sphénoïdale.
En cas d’allergie à la pénicilline sans allergie aux céphalosporines, on peut faire appel au céfotiam, au cefpodoxime ou au céfuroxime-axétil pendant 5 jours.
En cas de contre-indication à l'ensemble des bêta-lactamines, on utilise la pristinamycine durant 4 jours ou la télithromycine durant 5 jours. Attention au risque d'effets indésirables graves avec cette dernière molécule : aggravations de myasthénie, pertes de connaissances transitoires, troubles temporaires de la vision, atteintes hépatiques sévères.
Ce n'est que dans les situations les plus sévères ou à risque de complications (sinusites frontales, sphénoïdales, ethmoïdales, pansinusites ou en cas d’échec d’une première antibiothérapie dans les sinusites maxillaires) que l'on peut recourir aux fluoroquinolones actives sur le pneumocoque : lévofloxacine ou moxifloxacine.
Du fait un risque plus élevé d’effets indésirables graves (allongement de l'intervalle QT, troubles hépatiques sévères, réactions anaphylactiques, réactions cutanées bulleuses, ruptures tendineuses…), la moxifloxacine ne peut être choisie qu'en cas de sinusite radiologiquement et/ou bactériologiquement documentée lorsqu’aucun autre antibiotique ne peut être utilisé.
Les antibiotiques locaux par instillation nasale, endosinusienne ou par aérosol ne sont pas recommandés.
-› Les antalgiques complètent le traitement, avec éventuellement les vasoconstricteurs locaux (pas plus de 5 jours) et les lavages de nez. Les corticoïdes oraux en cure courte (7 jours) sont réservés aux sinusites aiguës hyperalgiques, en complément de l'antibiothérapie. Les AINS à dose anti-inflammatoire n'ont pas démontré leur efficacité.
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