Métabolisme

LA CARENCE EN VITAMINE B12

Publié le 21/06/2019
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La carence en vitamine B12 est une pathologie en lien avec une insuffisance d’apports (surtout carnés) ou avec une maladie digestive perturbant l'absorption vitaminique (atrophie gastrique le plus souvent). Les signes cliniques sont trompeurs. Le traitement repose sur la supplémentation orale ou parentérale en cas de malabsorption.
Cliché 1

Cliché 1
Crédit photo : Dr Frances

Arlette, âgée de 68 ans, présente depuis plusieurs mois une asthénie et une gêne pharyngée. Elle a noté une importante modification de la couleur de sa langue (plus lisse) et une perlèche (photo ci-dessus). Cette patiente est diabétique (HbA1C à 6,5 % le mois dernier) depuis deux ans, traitée par biguanide (2 g/j) et depuis trois ans par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) en raison d’un RGO. Compte tenu de la symptomatologie, nous avons prescrit un bilan (NFS, bilan hépatique, glycémie, et TSH) révélant une anémie macrocytaire normochrome non régénérative – Hb à 8,5 g/100 ml (N entre 12 et 16), un VGM à 108 µ3 (N entre 80 et 95), une CCMH à 34 g/100 ml (N entre 32 et 36), un TCMH à 29 pg (N entre 27 et 30) et un taux de réticulocytes à 19 320/µl (N entre 25 000 et 75 000). Un dosage de vitamine B12 est motivé par l’anémie, les manifestations buccales et la prise concomitante de biguanides et d’IPP. Il a objectivé un déficit important en vitamine B12 avec un taux à 93 pmol/l (N entre 150 et 569).

La vitamine B12 est une vitamine hydrosoluble non synthétisée par l’homme. Avec l’aide du facteur intrinsèque (formé au niveau gastrique), elle peut être absorbée au niveau de l’iléon terminal. L’apport alimentaire provient surtout des protéines animales.

Dans les pays industrialisés, cette carence est observée chez 15 à 20 % des patients ; notamment chez les sujets en institution (entre 30 et 40 % des cas).

LES ORIGINES DE CETTE CARENCE

Défaut d’apport alimentaire (fréquent chez les végétariens, végans et végétaliens).

• Défaut d'absorption gastrique : achlorhydrie, gastrectomie (cas d’une chirurgie bariatrique), maladie de Biermer, gastrite atrophique, maladie de Zollinger-Ellison. Chez les personnes de plus de 65 ans, cette carence est imputable à une atrophie gastrique dans 50 à 70 % des cas.

• Origine digestive non gastrique : insuffisance pancréatique, résection iléale, mucite chronique, pullulation microbienne.

• Pathologies auto-immunes (maladie de Basedow, vitiligo).

• Iatrogénie : prise au long cours de biguanides, d’IPP ou d’alcool.

ÉLÉMENTS CLINIQUES

Au niveau cutanéo-muqueux. On note une glossite souvent associée à des paresthésies pharyngées. Il s’agit le plus souvent de macules ou de placards érythémateux mal définis au niveau de la langue et parfois de la joue, ou d'une chéilite angulaire. Lorsque la carence est prolongée, on note une glossite de Hunter avec une atrophie lisse de la langue et des érosions aphtoïdes. Les papilles linguales ont disparu. Il est aussi possible d’observer des vaginites et des ulcères cutanés.

→ Au niveau digestif. Des troubles du transit à type de diarrhée ou de constipation sont mis en évidence.

→ Au niveau neurologique. Les tableaux observés sont très variés. Il peut s’agir de paresthésies au niveau des membres, de troubles de la sensibilité profonde, une polyneuropathie. Dans certains cas, des troubles des fonctions supérieures (assimilables à une démence) comme une perte de mémoire et des confusions sont objectivés.

Le patient peut également être dépressif.

ÉLÉMENTS PARACLINIQUES

– La NFS met en évidence une anémie macrocytaire normocytaire non régénérative, et le myélogramme objective une mégalobastose médullaire.

– Le dosage de la vitamine B12 confirme le déficit si le taux est inférieur à 150 pmol/l.

– Un dosage d’anticorps anti-F1 est réalisé en cas de maladie de Biermer.

– Le test de Schilling évalue un déficit d’absorption. Ce test est contraignant et n’est réalisé qu’en cas de normalité du dosage des anticorps anti-F1.

– La fibroscopie gastrique recherche une atrophie gastrique, l’existence d’Helicobacter pylori, mais aussi une néoplasie gastrique qui est parfois associée.

LE TRAITEMENT

Il repose sur la vitamine B12, dont la voie d'administration diffère selon l'origine de la carence.

– En cas de carence alimentaire, la voie orale est intéressante. L’apport journalier est de 250 µg par jour (voir tableau 1), en ampoules, gélules, ou comprimés chez les végétariens, végétaliens ou végans.

– En cas de problèmes d’absorption, il faut recourir à un traitement injectable (par voie IM) à raison de 1000 µg/j durant 7 jours, puis 1000 µg par semaine durant 1 mois (puis reconduction mensuelle).

Bibliographie

1- Bosco C, Favrat B, Cheseaux M. Carences en vitamine B12 et fer : du diagnostic au suivi. Revue Médicale Suisse 2012 ; 8 : 1348-1351.
2- Chatelier A. Macrocytose et carence en acide folique et en vitamine B12. Le Médecin du Québec 2003 ; 38 (10) : 62-71.
3- Andrès E, Noël E, Maloisel F, Affenberger S. Les carences en vitamines B12 et leur traitement. Médecine Thérapeutique 2004 ; 10 (2) : 92-98.
4- Kuffer R, Lombardi T, Husson-Bui C, Courrier B, Samson J. La muqueuse buccale. De la clinique au traitement. Ed. MED’COM 2009.


Dr Pierre Frances (médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer). Dr Quentin Chevrier (médecin biologiste, Argelès-sur-Mer). Mélanie Jardot (interne en médecine générale, Montpellier). Dr Hannah Wright (médecin généraliste, Programme Hippokrates, Newcastle. UK).

Source : Le Généraliste: 2877