Mireille, 23 ans, qui consulte dans un centre de sans-domiciles, est paniquée car elle présente depuis plusieurs mois une aménorrhée, des métrorragies brunes et des nausées. Cette patiente explique avoir fait la connaissance d’un jeune homme avec lequel elle a eu des rapports non protégés. En plus d’un abdomen arrondi qui peut correspondre à une grossesse, au toucher vaginal on note la présence d’une voussure. Nous avons adressé cette patiente dans une unité gynécologique pour effectuer une échographie pelvienne et un bilan biologique. Le résultat est une élévation importante du taux de β HCG à 772 635 UI/l. L’échographie a montré une cavité amniotique avec une absence d’embryon et la présence d’un aspect en flocons de neige (photo). Ces éléments paracliniques permettent de poser le diagnostic de môle hydatiforme.
LES PRINCIPALES FORMES
La grossesse môlaire est due à une dégénérescence kystique des villosités choriales. Il existe également une prolifération trophoblastique, et une absence de vascularisation de cette formation.
La fréquence de cette pathologie est de 1 à 2 cas pour 2 000 patientes en Europe ; elle est plus courante au Moyen-Orient et en Asie.
→ Plusieurs facteurs sont jugés responsables de la môle hydatiforme, même si l’origine exacte n’est pour l’heure pas clairement identifiée : l’âge de la patiente (très jeune, ou âgée), les conditions socio-économiques (rôle important de la malnutrition), la multiparité, le tabagisme, un antécédent de môle hydatiforme, des facteurs infectieux (comme le VIH) ou immunologiques (rôle du groupe HLA).
→ Deux types sont classiquement identifiés :
La môle hydatiforme partielle (la plus fréquente)
♦ Sur un plan génétique, elle est triploïde dans 90 % des cas (fécondation d’un ovule normal par deux spermatozoïdes). Cela conduit à plusieurs genres de caryotypes (69, XXY/69, XXX/69, XYY), mais aussi des trisomies des chromosomes 2, 13, 16 et 18. Parfois le caryotype est normal. Le plus souvent, l’évolution du développement embryonnaire est stoppée vers la huitième semaine d'aménorrhée.
♦ Au niveau histologique, on retrouve une hyperplasie focalisée du cytotrophoblaste, et du syncytiotrophoblaste.
La môle hydatiforme complète (cas de notre patiente).
♦ Sur un plan génétique, cette forme de môle est le produit d’une conception entre un ovule dépourvu de noyau, et un (94 % des cas) ou deux spermatozoïdes. L’avortement a lieu le plus souvent au début de la fécondation.
♦ Au niveau histologique, on retrouve une dégénérescence hydropique du chorion, l’absence de tissu embryonnaire, l’hyperplasie diffuse du cytotrophoblaste et du syncytiotrophoblaste, une absence de vaisseaux fœtaux.
CLINIQUE ET PARACLINIQUE
→ Les signes généraux sont dominés par une anémie (fréquence comprise entre 5 et 50 % des cas), et une augmentation des signes « sympathiques » de la grossesse comme des nausées, des tensions mammaires… (30 % des cas).
→ Les signes fonctionnels se caractérisent par des métrorragies rouges, parfois noires, qui demeurent le signe cardinal (90 % des cas). Elles apparaissent le plus souvent à la fin du 1er trimestre.
On note aussi des troubles digestifs (vomissements, dyspepsie). L’existence d’une hypertension précoce.
→ L’examen clinique retrouve un utérus mou, avec un volume utérin trop important par rapport à la date de gestation, et une hauteur utérine aussi importante. A contrario, le volume utérin est moindre dans le cas d’une forme partielle. Au toucher vaginal, on objective la présence d’une voussure.
→ Le taux de β HCG est le plus souvent très élevé. Cependant, il arrive que ce taux soit normal.
→ L’échographie utérine est l’examen de choix. Elle permet d’objectiver l’absence de cavité amniotique ou d’embryon. Il existe une cavité ayant l’aspect en nid d’abeille ou de tempête de neige. On met aussi parfois en évidence de petites vésicules anéchogènes.
→ L’examen histologique est indispensable pour rechercher les anomalies trophoblastiques, et pour évaluer une éventuelle évolution maligne.
LE TRAITEMENT ET L’ÉVOLUTION
→ Le traitement est avant tout chirurgical. L’exérèse de la môle est effectuée par voie basse (curetage aspiratif), ou par voie haute. Une analyse par un anatomo-cytopathologiste est réalisée.
→ Les môles hydatiformes sont des formations bénignes dans 97 % des cas.
Cependant, une évolution en choriocarcinome est possible (surtout en cas de môles complètes, ou partielles avec une hyperplasie trophoblastique). Un suivi par dosage de β HCG est vivement recommandé pour les formes ayant un risque de transformation maligne.
Bibliographie
1. Candelier JJ. La môle hydatiforme complète. Médecine/Sciences 2015 ; 31 (10) : 861-868.
2. Attia J. Maladies gestationnelles trophoblastiques : diagnostic et prise en charge, article HAS, 2011.
3. Lamazou F, Frydman R. Urgences chirurgicales en gynécologie. Ed. Elsevier Masson 2009.
4. Sarmadi S, Izadi-Mood N, Sanii S, Motevalli D. Inter-observer variability in the histologic criteria of diagnosis of hydatidiform moles. Malaysian Journal of Pathology. 2019;41(1):15-24.
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)