Prévention

LA PROMOTION DE LA PRÉVENTION EN SALLE D’ATTENTE EST INEFFICACE

Publié le 06/04/2018
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La salle d’attente du généraliste est logiquement un lieu idéal – puisque contextualisé – d’affichage de messages sanitaires, notamment ceux en rapport avec la vaccination anti-grippale. Voici une étude qui bat en brèche l’efficacité de ces stratégies de promotion de la prévention. 
Salle d'attente

Salle d'attente
Crédit photo : SPL/PHANIE

Promotion de la vaccination anti-grippe dans les salles d’attente : un essai randomisé en grappes Berkhout C, Willefert-Bouche A, Chazard E et al. Randomized controlled trial on promoting influenza vaccination in general practice waiting rooms PLoS ONE 13(2):e0192155.

CONTEXTE

Chaque automne, les Caisses d’assurance maladie et la Haute autorité de santé incitent les plus de 65 ans et les patients atteints de certaines affections de longue durée (ALD) à se faire vacciner contre la grippe. Cependant, sous l’influence de groupes de pression, le taux de vaccination de cette population cible qui bénéficie de la gratuité a fortement diminué (1) entre 2009 et 2011 et n’a jamais atteint le taux minimal recommandé (2). Dans ce contexte, les salles d’attente des médecins sont considérées par les autorités comme un endroit pertinent pour promouvoir la santé, même si l’impact des interventions éducationnelles en ces lieux est controversé (3).

OBJECTIFS

Évaluer l’impact d’une affiche et de dépliants promotionnels déposés dans les salles d’attente des médecins généralistes sur le taux de vaccination de la population cible qui les fréquente.

MÉTHODE

Essai randomisé en grappes ayant alloué 50 cabinets de médecine générale au groupe témoin et 25 au groupe intervention du nord de la France pendant la campagne 2014-15. Ces derniers devaient déposer 135 dépliants incitant à la vaccination dans leur salle d’attente, installer une affiche promotionnelle sur un mur et retirer toutes les autres. Les patients concernés étaient ceux de la population cible pour laquelle la vaccination est gratuite. Le critère de jugement principal unique était le taux de vaccination dans les deux groupes évalués par la délivrance du vaccin en pharmacie recueillie dans la base de données SIAM-ERASME du district de Lille-Douai. En partant d’une hypothèse d’un taux de vaccination de 65 % dans le groupe intervention et de 60 % dans le groupe témoin, avec un coefficient intraclasse de 0,02 lié à la randomisation en grappes, il fallait recruter 75 cabinets. L’analyse statistique a été faite à l’aide d’une régression de Poisson ajustée sur le taux de vaccination de l’année précédente.

RÉSULTATS

Les caractéristiques des 10 597 patients éligibles et des 75 cabinets de médecine générale étaient comparables au cours de l’essai, y compris en termes de taux de vaccination l’année précédente. Sur le critère principal, il n'y a pas eu de différence entre les groupes : 49 % des patients du groupe témoin ont été vaccinés vs 48,9 % dans le groupe intervention : RR = 1,01 ; IC95 % = 0,97-1,05, p = 0,56. Il y a eu en moyenne 3 consultations pendant la période de l’essai dans les 2 groupes, et la vaccination l’année précédente augmentait très fortement la probabilité d’être revacciné également dans les 2 groupes : RR = 5,63, IC 95 % = 5,21-6,10.

COMMENTAIRES

Les essais randomisés français, pertinents pour la médecine générale et publiés dans une bonne revue, sont suffisamment rares pour s’intéresser à celui-là. Conçu et piloté par un généraliste enseignant Lillois valeureux et dynamique et soutenu par des collègues chercheurs Anversois, il a pris le parti de la simplicité et de la rigueur scientifique : une question de recherche, une méthode, un critère principal, une analyse statistique, un seul résultat, sans autre fioriture. Il faut se réjouir de cette qualité méthodologique peu commune, quel que soit par ailleurs le résultat, qui montre que la promotion en santé dans les salles d’attente n’est pas efficace à elle seule pour inciter les patients à se faire vacciner contre la grippe. Ce résultat confirme les données de la littérature qui montrent que l’intervention directe du médecin envers le patient est le facteur principal de l’amélioration du taux de vaccination et que les patients sont plus sensibles aux messages éducationnels déposés dans les salles d’attente s’ils sont relayés par le médecin au cours de la consultation (4).

Le taux de vaccination a augmenté dans les deux groupes par rapport à l’année précédente alors qu’il a diminué au niveau national. C'est l’effet Hawthorne, régulièrement observé dans les études en médecine générale, obstacle à anticiper dans la conception d’un essai d’intervention.

En pratique, malgré l’efficacité relativement modeste du vaccin anti-grippal (5), il peut être utile chez les sujets à risque de complications sévères et c’est au médecin (essentiellement généraliste) qu’il revient de repérer et de convaincre les patients les plus susceptibles d’en bénéficier.

Bibliographie

1- Tuppin P, Choukroun S, Samson S, et al. Vaccination against seasonal influenza in France in 2010 and 2011: decrease of coverage rates and associated factors. Presse Medicale 2012; 41:e568±576. https://doi.org/10.1016/j.lpm.2012.05.017

2- Böhmer MM, Walter D, Falkenhorst G, et al. Barriers to pandemic influenza vaccination and uptake of seasonal influenza vaccine in the post-pandemic season in Germany. BMC Public Health 2012;12:938. https://doi.org/10.1186/1471-2458-12-938

3- Gignon M, Idris H, Manaouil C, et al. The waiting room: vector for health education? The general practitioner's point of view. BMC Res Notes 2012;5:511. https://doi.org/10.1186/1756-0500-5-511

4- Rolland MA, Gignon M. Immunization educational game in general practice waiting rooms. A comparative study. Santé Publique Vandoeuvre lès Nancy Fr 2015;27:159-65.

5- Demicheli V, Jefferson T, Ferroni E, et al. Vaccines for preventing influenza in healthy adults. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Feb 1;2:CD001269. doi: 10.1002/14651858.CD001269.pub6.

 

Dr Santa Félibre (Généraliste Enseignant, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr