Pneumologie

LA SPIROMÉTRIE INFLUENCE-T-ELLE LA MOTIVATION AU SEVRAGE TABAGIQUE ?

Publié le 06/03/2015
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Lors du 9e Congrès de Médecine Générale sera présenté sous forme de poster un travail étudiant l'impact motivationnel de la spirométrie réalisée par le médecin généraliste à son cabinet, chez des fumeurs non motivés au sevrage. En voici les principaux résultats.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le tabac tue la moitié de ceux qui en consomment, soit un Français toutes les 7 minutes. Les dernières recommandations de la HAS sur le sevrage tabagique ont introduit la nécessité d’évaluer la motivation des fumeurs à l’aide des stades de Prochaska, afin de leur proposer une prise en charge adaptée. Au stade dit de la « précontemplation » - pas de projet de sevrage dans les 6 mois à venir -, qui concerne 40 % des fumeurs français, l’intervention idoine doit permettre d’« augmenter la conscience du problème au moyen d’une information personnalisée ; sensibiliser davantage aux dangers du statu quo comportemental; semer le doute, stimuler la réflexion ». La pratique de la spirométrie répond à ces critères ; il est par ailleurs désormais reconnu qu’elle est bénéfique pour le sevrage tabagique, en tout cas lorsqu’elle informe le patient de son âge pulmonaire. Moins de 1 % des généralistes sont actuellement équipés de spiromètres, mais la progression de l’exercice en groupe pourrait enfin faire décoller ce chiffre.
 

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MÉTHODE

C’est dans ce contexte qu’une thèse de médecine générale a été menée, évaluant pour la première fois l’impact motivationnel de la spirométrie réalisée par le médecin généraliste à son cabinet, chez des fumeurs initialement non motivés.

› L’étude a été menée entre janvier et avril 2013 dans un cabinet de médecine générale parisien, après qu’un comité d’éthique ait donné son feu vert au projet. 74 fumeurs « non motivés au sevrage » ont été inclus pour bénéficier d’une spirométrie, quel qu’était leur motif de consultation. Leurs résultats fonctionnels (rapport de Tiffeneau, âge pulmonaire) leur ont été expliqués et remis.

› Les fumeurs inclus avaient un profil proche de la patientèle que les généralistes français reçoivent quotidiennement : 56% de femmes, un âge moyen de 46 ans et demi, un tabagisme cumulé de 26 paquets-année en moyenne. La spirométrie retrouvait que 18 % avaient un trouble ventilatoire obstructif mais 38 % un âge pulmonaire pathologique. Cet écart s’explique par le fait que le calcul de l’âge pulmonaire utilise uniquement le VEMS, dont le déclin avec l’âge est accéléré par le tabagisme plus que tout autre.

RÉSULTATS

Neuf mois après la spirométrie, seuls 28 patients restaient « précontemplatifs ». 22 patients projetaient une tentative de sevrage dans les 6 mois à venir, 5 dans le mois à venir ; 11 patients avaient arrêté leur tabagisme depuis moins de 6 mois et 1 depuis plus de 6 mois. Cinq patients avaient fait une tentative mais avaient repris leur tabagisme, ce qui n’est pas un échec mais, au contraire, une progression

en terme de motivation sur le cycle de Prochaska. On note que seuls deux patients ont été perdus de vue.

Augmenter sa motivation n'était statistiquement lié ni à l'âge, au sexe, aux sevrages antérieurs, au tabagisme quotidien, à la dépendance nicotinique, ni à la normalité du rapport de Tiffeneau (p›0,75) mais significativement liée à la normalité -ou non- de l'âge pulmonaire (p=0,03). Cela correspond probablement au fait que la notion d’âge pulmonaire est plus intelligible par le patient, qui parvient mieux à se l’approprier que le rapport de Tiffeneau. Enfin, 9 mois après la spirométrie, la consommation quotidienne était passée de 13,33 à 10,94 cigarettes (p= 0,0254).

COMMENTAIRES

Cette étude a au final deux atouts essentiels :

– son originalité, puisqu’elle s’intéresse pour la première fois à l’impact motivationnel de la spirométrie ;

– et aussi le fait qu’elle ait été menée dans des conditions réelles de médecine générale, par et pour les médecins généralistes.

Les médecins généralistes ont en effet une place privilégiée : la connaissance qu’ils ont du patient dans sa globalité ainsi que le suivi dans la durée permettent une prise en charge personnalisée, plus efficace qu’une intervention unique standardisée et plus valorisante pour la mission de prévention du généraliste.

Le travail comporte néanmoins quelques failles méthodologiques : l’absence de groupe témoin et l’effectif restreint, recruté dans un seul cabinet. Les auteurs considèrent leur travail comme une étude pilote avant des travaux de plus grande envergure à venir sur ce thème.


Julie van den Broucke (médecin généraliste, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr