Consommation de calcium et risque de fracture : revue systématique
Bolland MJ, Leung W, Tai V et al. Calcium intake and risk of fracture : systematic review
BMJ 2015 ;351:h4580 doi : 10.1136/bmj.h4580.
CONTEXTE
Pour les sujets âgés de plus de 50 ans, les recos (américaines ?) préconisent la consommation de 1 000 à 1 200 mg/j de calcium pour réduire le risque de fracture (1). Dans les pays développés, la consommation alimentaire moyenne de calcium est de 700 à 900 mg/j, ce qui fait qu’aux États-Unis 30 à 50 % des femmes âgées reçoivent une supplémentation calcique médicamenteuse (2).
OBJECTIF
Évaluer l’efficacité antifracturaire de la supplémentation en calcium qu’elle soit d’origine « naturelle » (alimentaire) ou médicamenteuse.
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MÉTHODE
Revue systématique (OVID, Embase, Medline, PubMed) des essais randomisés et des études prospectives de cohorte ayant évalué l’efficacité antifracturaire de la supplémentation en calcium chez des sujets > 50 ans, d’origine « naturelle » (laits, produits laitiers, alimentation riche en calcium) ou médicamenteuse (associée ou non à la vitamine D). Les essais randomisés ont été sélectionnés en priorité, et en cas de preuves insuffisantes, les études de cohorte supposées de bonne qualité ont été incluses dans cette revue. Le point commun de toutes les études retenues était d’avoir les fractures comme critère de jugement principal. Les risques de biais ont été évalués selon la méthode Cochrane (3). Pour l’analyse statistique, les essais randomisés ont bénéficié d’une méta-analyse avec un modèle de régression tenant compte des risques de biais (Funnel plot et régression de Eggers). Les études de cohortes étaient trop hétérogènes pour en faire une méta-analyse. Elles ont donc été décrites individuellement.
RÉSULTATS
> Essais randomisés de supplémentation « naturelle ». Les auteurs ont identifié 2 essais randomisés évaluant l’efficacité d’une supplémentation alimentaire en calcium. Dans le premier, il n’y a pas eu de différence entre le groupe augmentation de la consommation de lait et le groupe témoin sur le risque de fracture (p= 0,34). Le second (hydroxyapatite) a été reversé dans le volet supplémentation médicamenteuse.
> Études de cohorte de supplémentation « naturelle ». 43 des 58 études de cohortes explorant l’alimentation enrichie en calcium, ne montraient pas de bénéfice sur les fractures. Pour l’alimentation enrichie en lait ou en produits laitiers, 36 des 41 études de cohortes ne montraient aucun bénéfice.
> Essais randomisés de supplémentation médicamenteuse. La méta-analyse des 26 essais randomisés répertoriés a montré une réduction significative de l’ensemble des fractures : risque relatif (RR) = 0,89 ; IC95 % = 0,81-0,96 et, à la limite, des fractures vertébrales : RR = 0,86 ; IC95 % = 0,74-1,00. Il n’y avait pas de bénéfice significatif sur les fractures de hanche : RR = 0,95 ; IC95 % = 0,76-1,18, ni sur celles de l’avant-bras : RR = 0,96, IC95 % = 0,85-1,09. Cependant, le funnel plot et la régression de Eggers ont dévoilé que la majorité de ces essais était à haut risque de biais. En considérant seulement les 4 essais non biaisés, le bénéfice de la supplémentation médicamenteuse associée ou non à la vitamine D disparaissait sauf chez les femmes âgées institutionnalisées carencées : RR = 0,85 ; IC95 % = 0,74-0,98 sur l’ensemble des fractures.
> Études de cohorte de supplémentation médicamenteuse. Parmi les 20 études de cohorte, 13 avaient un résultat neutre, 5 étaient positives et 2 montraient un ratio bénéfice/risque défavorable.
COMMENTAIRES
La grande valeur de ce travail néo-zélandais est d’avoir rassemblé les essais randomisés et les études prospectives de cohortes ayant évalué le bénéfice antifracturaire d’une supplémentation en calcium, qu'elle soit « naturelle » ou médicamenteuse. Globalement, il conclut que cette supplémentation est inefficace pour prévenir les fractures chez les sujets de plus de 50 ans, car il n’y a pas de preuves assez solides pour l’argumenter.
Il n’y a aucun argument pour recommander cette supplémentation - alimentaire ou médicamenteuse - sachant que cette dernière est susceptible de provoquer des effets indésirables : événements CV (4), lithiase rénale (5), et hospitalisations pour événements digestifs aigus. Le ratio bénéfice/risque de la supplémentation calcium n’est donc pas favorable.
Seules les femmes âgées institutionnalisées ayant une carence avérée en calcium et en vit. D sont susceptibles de bénéficier d’une supplémentation médicamenteuse.
Il n'y a donc pas d’argument pour initier un traitement médicamenteux pour les prévenir. Pour les patients qui en prennent déjà, il serait judicieux de leur exposer l’absence de démonstration du bénéfice et les risques auxquels ils sont exposés afin que la décision de poursuivre le traitement soit partagée en toute connaissance de cause.
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