Ophtalmologie

LE CARCINOME BASOCELLULAIRE DE LA PAUPIÈRE

Publié le 27/03/2020
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Le carcinome basocellulaire est la pathologie maligne la plus fréquente au niveau de la paupière. Dans 80 % des cas, il s’agit d’une forme nodulaire multilobée avec des télangiectasies. L’évolution métastatique reste exceptionnelle et le traitement repose avant tout sur la chirurgie.
Lésion nodulaire multilobée de la paupière inférieure.

Lésion nodulaire multilobée de la paupière inférieure.
Crédit photo : Dr Frances

Francis, 55 ans, viticulteur, travaille beaucoup, en semaine comme le week-end. Il consulte car depuis quelques mois, il présente une lésion nodulaire au niveau de sa paupière inférieure gauche (cliché 1).

L’examen permet d’observer la présence de croûtes, télangiectasies et perles (formations translucides). Cette description est assez caractéristique d’un carcinome basocellulaire. La confirmation du diagnostic est apportée après une biopsie exérèse de la lésion.

INTRODUCTION

Les tumeurs palpébrales représentent 15 % des pathologies malignes de la face. Le carcinome basocellulaire est rencontré dans 80 % des cas au niveau de la face ou du cou, et dans 20 % des cas au niveau des paupières. De toutes les pathologies néoplasiques des paupières, le carcinome basocellulaire est la plus fréquente (90 % des tumeurs palpébrales). L’âge moyen de survenue se situe entre 60 et 80 ans, le plus souvent chez les hommes. Le potentiel métastatique de ce carcinome reste exceptionnel (entre 1,5 et 2,5 % des cas).

À l’origine de cette affection maligne, il existe plusieurs facteurs inducteurs : exposition aux UV (facteur le plus souvent incriminé), exposition à de l’arsenic, radiothérapie sur cette région (3 à 6 fois plus de carcinomes basocellulaires observés par rapport aux carcinomes spinocellulaires), traumatismes itératifs, immunosuppression.

CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES

Autour de l'œil, ces formes tumorales se répartissent : dans 65 % des cas au niveau de la paupière inférieure ; 15 % au niveau du canthus médial (angle interne) ; 15 % au niveau de la paupière supérieure ; 5 % au niveau de la partie latérale du canthus (angle externe).

La lésion de base se caractérise par une formation rose ou blanc perlé (éléments nodulaires translucides), avec souvent des télangiectasies sur la lésion.

Plusieurs formes cliniques au niveau des paupières sont décrites :

La forme nodulaire (cas de notre patient) est la plus fréquente (80 % des cas). Souvent, il s’agit de nodules en dôme non douloureux avec des télangiectasies éparses. Une évolution est souvent observée avec mise en évidence d’une formation multilobée qui présente parfois des squames, des croûtes ou des ulcérations.

• La forme superficielle (5 à 10 % des cas) est la forme la moins agressive. Elle est souvent constituée d’un placard maculeux discrètement érythémateux avec parfois des croûtes, et au niveau des bords des élevures (les perles).

• La forme sclérosante (comme une morphée ou sclérodermie cutanée) est plutôt rare (moins de 2 % des cas). Elle se caractérise par une plage maculaire qui s’apparente à une cicatrice, plage le plus souvent hypopigmentée. Cette forme est agressive et se développe facilement vers le système lacrymal ou l’orbite.

• La forme pigmentée, qui représente près de 10 % des formes observées.

Chez le sujet âgé (surtout chez les patients qui négligent leur santé), il est possible de noter un développement en profondeur creusante (avec atteinte osseuse) : l’ulcus rodens.

DIAGNOSTIC

L’examen clinique est l’étape clé pour poser le diagnostic. Pour l’affiner, il est possible de recourir à la dermatoscopie. On peut observer des globules bleus (nids de cellules regroupées de couleur gris-bleu), des structures en feuilles d’érable ou en roue dentée, des ulcérations et des télangiectasies en tronc d’arbre (vaisseaux très ramifiés).

Néanmoins, malgré l’examen clinique et la dermatoscopie, pour confirmer le diagnostic, l’analyse anatomopathologique est indispensable. Elle met en évidence des cellules tumorales avec des noyaux de grande taille, et un cytoplasme réduit basophile.

TRAITEMENT ET ÉVOLUTION

L’option en premier lieu choisie demeure le traitement chirurgical, pour assurer une exérèse complète de la lésion. Pour les formes peu accessibles au traitement chirurgical, mais peu importantes, il est possible de recourir à la cryothérapie.

Un traitement photodynamique qui associe un agent photosensibilisant (ALA) et une source de lumière bleue ou rouge est parfois utile pour les formes superficielles. Toujours pour les formes superficielles, d’autres traitements comme l’imiquimod en topique ou le 5 FU en crème peuvent être utiles.

Dans le cas de formations volumineuses, et ne pouvant être prises en charge au niveau chirurgical, il est possible d’effectuer une radiothérapie.

Très récemment il a été mis en évidence l’intérêt du vismodégib (inhibiteur de la voie Hedgehog), surtout indiqué dans les formes très avancées ou métastatiques de carcinome basocellulaire.

À l’issue d’une prise en charge d’un carcinome des paupières, les risques de récidives sont compris entre 5 et 15 % des cas.

Bibliographie

1. Mandava S, Sweeney T, Guyer D. Atlas de poche d’ophtalmologie. Ed. Flammarion Médecine-Sciences 2001.
2. Shields JA, Shields CL. Eyelids, Conjunctival, and Orbital Tumors. Ed. Wolters Kluwer 2016.
3. Bugic M, Iljazovic E, Nadarevic A, et al. Clinical characteristics and outcome of malignant eyelid tumors: a five-year retrospective study. Medical Archives 2019; 73 (3): 209-212.
4. Shi Y, Jia R, Fan X. Ocular basal celle carcinoma: a brief literature review of clinical diagnosis and treatment. OncoTargets and Therapy 2017; 10: 2483-2489.
5. Adenis JP, Sabatier A, Robert PY. Les tumeurs des paupières des personnes âgées. Journal Français d’ophtalmologie 2006 ;
6 : 687-693. 6. Habif TP. Maladies cutanées. Diagnostic et traitement. Ed. Elsevier Masson 2012.


Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Justine Chevrier (interne en médecine générale à Montpellier), Bruna Alves Neves (interne en médecine générale, programme Hippokrates, Ribeirao Preto, Brésil), Sonia Gille (externe à Montpell

Source : Le Généraliste: 2905