Alors qu’environ 900 000 femmes accouchent chaque année en France, il n'existait pas jusqu’à présent de recommandations françaises globales pour guider leur prise en charge en post-partum. Le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (Cngof) a édité des préconisations pour la pratique clinique où l'allaitement maternel est conforté sans ambiguïté, et précise, ou pas, l’intérêt scientifique des pratiques. Seules les informations applicables en médecine générale sont présentées dans cet article.
TERMINOLOGIE
• « Il est recommandé de... » signifie qu'il existe un niveau de preuves suffisant pour agir dans le sens de la recommandation.
• « Il n'est pas recommandé de... » indique que le niveau d'argumentation scientifique est insuffisant pour se prononcer dans un sens ou dans un autre. La conduite à tenir est donc laissée à l'appréciation du prescripteur.
• « Il est recommandé de ne pas... » désigne des preuves scientifiques suffisantes pour recommander de ne pas agir dans le sens indiqué.
L’ALLAITEMENT MATERNEL
L’allaitement maternel concerne en France près de 70 % des enfants à la naissance. Sa durée médiane est de 15 semaines, et de 3 semaines pour l’allaitement exclusif. À 3 mois, seul un tiers des enfants allaités à la naissance le sont encore.
> Que cela s’explique par la composition du lait maternel ou par le comportement des mères avec leur enfant lorsqu’elles le nourrissent, l’allaitement maternel est associé à un meilleur développement cognitif des enfants. Cet effet est d’autant plus renforcé que les mères allaitent de façon exclusive et prolongée. Côté somatique, l’allaitement maternel exclusif et prolongé de 4 à 6 mois est recommandé en raison de son effet préventif sur un grand nombre de maladies susceptibles d’affecter l’enfant à plus ou moins long terme (otites, infections gastro-intestinales, maladies atopiques, obésité et maladies cardio-vasculaires…). Dans le dessein d’augmenter le taux d’initiation de l’allaitement maternel ainsi que sa durée, il est recommandé que les professionnels de santé accompagnent les mères dans leur projet ainsi que leurs conjoints.
> Il n’est pas recommandé de respecter un espacement strict des tétées toutes les quatre heures, car cette attitude est associée à plus de difficultés de l’allaitement et à des arrêts précoces. Il ne semble pas exister d’arguments pour favoriser l’allaitement d’un ou des deux seins au cours de chaque tétée. De même, aucune position particulière lors des tétées ne peut être recommandée, l’utilisation d’un sein ou deux lors des tétées ou encore de les débuter précocement.
> Si l’allaitement maternel n’est pas un moyen de prévention de la dépression du post-partum, en revanche, quand il est prolongé, il réduit l’incidence du cancer du sein chez la mère.
Les complications liées à l’allaitement
Les techniques de préparation de stimulation du mamelon ou de correction d’une variation anatomique du mamelon avant la naissance ne sont pas recommandées pour diminuer les pathologies mamelonnaires ou améliorer le succès de l’allaitement. Mais il semblerait que l’utilisation de lanoline et l’application de lait maternel aient un intérêt dans les affections du mamelon.
> L'engorgement mammaire. Les données de la littérature sont insuffisantes pour conclure à l’efficacité des écrans mamelonnaires à court, moyen et long termes. L’expression du sein de façon manuelle ou à l’aide d’un tire-lait semble en revanche avoir un intérêt dans la prévention de l’engorgement mammaire. Aucune étude n’a démontré l’efficacité de traitements topiques, pack de glace, acupuncture, physiothérapie par ultrasons, ocytocine dans leur traitement initial, et ils ne peuvent en conséquence être recommandés. De même, la restriction hydrique et les traitements par diurétiques ne sont pas recommandés.
> Les mastites et abcès. Il n’est pas recommandé de donner de l’aspirine ou des AINS dans le traitement des mastites. Un prélèvement bactériologique du lait est nécessaire ainsi que l’administration immédiate d’une antibiothérapie probabiliste antistaphylococcique par amoxicilline-acice clavulanique en attendant les résultats du prélèvement bactériologique ainsi que l’interruption de l’allaitement par le sein infecté, tout en poursuivant sa vidange par un tire-lait. En cas d’abcès, l’incision et le drainage sont recommandés sans antibiothérapie associée. La réalisation de ponctions itératives est une alternative au drainage chirurgical dans les formes modérées.
> En cas d’antécédent de cancer du sein, quelle que soit la durée de la rémission, l’allaitement maternel n’est pas contre-indiqué.
L'inhibition de la lactation
Il n’existe pas de données sur l’histoire naturelle de la montée laiteuse, mais il est communément admis, en l’absence de stimulation mamelonnaire, que l’arrêt survient spontanément dans les 15 jours qui suivent la naissance. Pour favoriser l’inhition de la lactation, aucune mesure non pharmacologique n’a démontré son efficacité (bandage des seins, port de brassières, restriction hydrique ou alimentaire, manœuvres de tire-lait manuelles ou mécaniques, application de packs de glace ou, à l’inverse, pratique de douches chaudes, évitement de la stimulation tactile des seins ou l’homéopathie).
> En raison de leurs potentiels effets secondaires (dérivés de l’ergot de seigle), les traitements pharmacologiques de l’inhibition de la lactation ne devraient pas être proposés de façon systématique aux femmes qui ne souhaitent pas allaiter. Pour les femmes informées des risques, qui souhaitent cependant un traitement pharmacologique de l’inhibition de la lactation, le lisuride et la cabergoline sont à privilégier. La bromocriptine n’a plus sa place, en raison des effets secondaires potentiellement graves.
Allaitement maternel, médicaments toxiques et virus
La précaution d’interrompre l’allaitement maternel en cas de prise médicamenteuse n’est pas justifiée dans de nombreuses situations.
> Le paracétamol est l’antalgique de première intention en cours d’allaitement. La prise ponctuelle d’aspirine ou de façon répétée à dose antiagrégante n’est pas contre-indiquée en cours d’allaitement ; elle l’est, en revanche, à dose antalgique ou anti-inflammatoire. Les AINS ayant une demi-vie courte peuvent être utilisés pendant la période de l’allaitement, et l’exposition peut être minimisée si la prise maternelle a lieu au moment de la tétée.
Parmi les antalgiques de palier 2, l’utilisation de tramadol est possible en cours d’allaitement et doit être préférée à l’utilisation de codéine et d’oxycodone, en raison de cas de complications néonatales graves rapportés avec ces derniers. De façon plus générale, les antalgiques de palier 2 doivent être ponctuellement prescrits, afin d’éviter les accumulations des métabolites de ces traitements dans le lait.
> Il n’est pas justifié de différer la mise en route de l’allaitement en cas d’analgésie locorégionale ou générale. La majorité des traitements antibiotiques ne justifie pas d’interrompre l’allaitement. Les anxiolytiques de la classe des antihistaminiques H1 sédatifs tels que l’hydroxyzine ne doivent pas être prescrits en cas d’allaitement maternel.
> Aucun examen d’imagerie ne justifie d’interrompre l’allaitement.
> La consommation de tabac est déconseillée mais elle ne constitue pas une contre-indication à l’allaitement maternel. Il est recommandé d’éviter la consommation de boissons alcoolisées. La prise de cocaïne contre-indique l’allaitement maternel ; celle de cannabis est déconseillée.
> La séropositivité pour les hépatites B ne constitue pas en soi une contre-indication à l’allaitement maternel, dès lors que l’enfant reçoit une immunoprophylaxie et une sérovaccination. L’infection maternelle par l’hépatite C n’est pas une contre-indication à l’allaitement en cas de charge virale faible ou indétectable. En cas de charge virale élevée, une discussion collégiale est nécessaire pour évaluer la balance bénéfices/risques de l’allaitement.
Les mères infectées par le virus Zika au cours de leur grossesse ne doivent pas allaiter selon le HCSP, le virus ayant été retrouvé dans le lait maternel.
LA CONTRACEPTION DU POST-PARTUM
Environ 2 % des femmes ayant eu recours à une IVG ont eu une naissance vivante dans les 6 mois précédant l’IVG, et 4 % ont eu un enfant six à douze mois auparavant. Chez les femmes qui allaitent, la reprise d’activité ovarienne est dépendante des caractéristiques de l’allaitement. Seul l’allaitement exclusif, avec des conditions très précises, peut être utilisé à visée contraceptive sur une durée de 6 mois (méthode Mama).
> Il est recommandé pour les femmes qui allaitent ou non et qui souhaitent une contraception :
– de donner un conseil contraceptif après l’accouchement afin d’éviter les grossesses non désirées ou rapprochées et leurs risques obstétricaux et néonataux ;
– de débuter une contraception efficace au plus tard 21 jours après l’accouchement et de prescrire une contraception efficace à la sortie de la maternité ;
– de ne pas utiliser de contraception estroprogestative avant 6 semaines ;
– d’évaluer la balance bénéfices/risques de cette utilisation entre la 6e et la 12e semaine du post-partum, en cas de facteur de risque vasculaire ;
– de proposer une contraception progestative (orale, implant) dès le post-partum immédiat, sauf à la phase aiguë d’un accident thromboembolique sévère ;
– de prescrire un DIU à la sortie de la maternité, si cette contraception est choisie, afin qu’il soit posé lors de la consultation postnatale ;
– de préférer les contraceptions dites de longue durée, type implant ou DIU, en évaluant la balance bénéfices/risques de chaque méthode, chez les patientes à risque d’être perdues de vue, et de discuter leur insertion avant la sortie de la maternité ;
– d’éviter l’utilisation des méthodes naturelles et méthodes barrière (diaphragme et cape cervicale) en dehors du préservatif dans la période du post-partum.
Dans tous les cas, le respect de toutes les règles de prescription et des contre-indications inhérentes à la méthode envisagée.
LES VACCINATIONS DANS LE POST-PARTUM IMMÉDIAT
> Le vaccin contre la coqueluche est recommandé en post-partum immédiat chez la mère et chez les proches du nouveau-né qui n’auraient pas été vaccinés pendant la grossesse (stratégie de cocooning), par une dose de vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche-poliomyélite, lorsque la précédente vaccination pour la coqueluche date de plus de 10 ans, et si la dernière vaccination DTP date de plus de 1 mois.
> En période d’épidémie de grippe saisonnière, il est recommandé de vacciner les femmes non vaccinées pendant la grossesse, lorsque l’enfant est vulnérable, en particulier en cas de prématurité. Chez les autres femmes, la vaccination peut être discutée au cas par cas.
> Concernant la vaccination contre la varicelle, dans le dessein de réduire l’incidence de la varicelle congénitale et néonatale lors d’une future grossesse, il n’y a pas actuellement d’arguments scientifiques très forts pour recommander une politique de vaccination systématique dans le post-partum immédiat chez les femmes sans antécédent de varicelle, avec ou sans contrôle sérologique, à l’exception des femmes d’origine africaine, d’Europe centrale et de l’Est, plus souvent séronégatives pour le VZV. Néanmoins, au regard des recommandations du Haut Conseil de la santé publique, qui visent à réduire l’incidence des formes graves de varicelle à l’âge adulte, cette vaccination pourra être discutée avec les femmes potentiellement séronégatives.
> Le vaccin contre la rubéole est recommandé dans le post-partum immédiat chez les femmes séronégatives, avec une dose de vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole. Une grossesse doit être évitée dans le mois qui suit une injection de vaccin contre la rubéole et la varicelle, mais la prescription d’une contraception n’est pas obligatoire.
> L’allaitement maternel, une injection d’immunoglobulines anti-D ou une transfusion sanguine récente ne sont pas des contre-indications à la vaccination dans le post-partum immédiat.
RÉÉDUCATION PÉRINÉALE
> Aucun essai randomisé n’a évalué la rééducation périnéale chez des femmes asymptomatiques dans le dessein de prévenir une incontinence urinaire ou anale à moyen ou long terme. Elle n’est donc pas recommandée.
Mais la rééducation périnéale par des exercices de contraction des muscles du plancher pelvien est recommandée pour traiter une incontinence urinaire persistant à 3 mois du post-partum, quel que soit le type d’incontinence.
Au moins 3 séances guidées par un thérapeute sont recommandées, associées à des exercices réalisés au domicile. Cette rééducation du post-partum améliore l’incontinence urinaire à court terme (1 an), mais pas à long terme (6-12 ans).
> La rééducation périnéale du post-partum chez les femmes présentant une incontinence anale est associée à une prévalence moindre de symptômes d’incontinence anale à court (1 an) mais pas à long terme (6 à 12 ans).
> Même guidée par un thérapeute, cette rééducation n’est pas plus efficace (tant sur le plan anatomique que symptomatique) que de simples conseils de contraction volontaire des muscles du plancher pelvien pour prévenir/corriger à court terme (6 mois) un prolapsus persistant à 6 semaines du post-partum. Elle n’est pas non plus associée à une diminution de la prévalence des dyspareunies à un an.
> Aucun essai randomisé n’a évalué l’effet de la rééducation périnéale après un épisode de rétention ou dysurie du post-partum, ni dans la prévention primaire de l’incontinence anale en cas de périnée complet, ni chez des patientes présentant une incontinence anale dans les suites d’un périnée complet. La rééducation n’est donc pas recommandée dans ces situations.
LES TROUBLES PSYCHIQUES DU POST-PARTUM
Le blues du post-partum est extrêmement fréquent (50 à 80 % des naissances), survenant dans les premiers jours suivant l’accouchement. Il est transitoire et spontanément résolutif dans les dix premiers jours. Un blues sévère est à risque de se poursuivre sous forme de dépression post-natale, qui représente la situation la plus courante. Compte tenu de sa prévalence (environ 13 %) et du fait de ses conséquences pour l’ensemble de la famille, elle constitue un véritable enjeu de santé. Et la dépression du post-partum récidive dans la majorité des cas lors de la grossesse suivante.
Les facteurs de risque sont ceux liés au niveau psychosocial surtout, mais aussi à toutes les interventions chirurgicales autour de la naissance, un épuisement et une mauvaise santé physique maternelle, la prématurité, le handicap, les grossesses multiples, un bébé inconsolable, agité, et présentant des difficultés d’alimentation et du sommeil.
L’Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) est l’outil de dépistage de la dépression du post-partum le plus fréquemment utilisé. Cependant, son utilisation systématique n’est pas recommandée, la rencontre clinique restant à privilégier, afin de faciliter l’identification et la recherche de facteurs de risque des femmes pour lesquelles une attention particulière sur le plan psychosocial et clinique doit être portée. Dans les situations de difficultés psychiques avérées, l’impact sur le développement psycho-affectif de l’enfant peut être important. Les interventions psychosociales et psychologiques pour les femmes à risque (visites à domicile, soutien téléphonique et psychothérapie ; interventions individuelles et groupales) ont montré leur efficacité préventive sur le risque de développement de la dépression du post-partum. Des visites à domicile auprès de mères déprimées ont montré leur efficacité sur l’amélioration de la qualité des interactions mère-bébé et le développement de l’enfant.
> Les troubles anxieux sont fréquents, environ 13 % des naissances, et de nature diverse, tel le trouble de stress post-traumatique. Ils sont très souvent associés aux troubles dépressifs. La grossesse et le post-partum sont des périodes propices aux liens avec les professionnels de santé. Les nouveaux parents sont souvent à la recherche de soutien pour faire face aux bouleversements associés à l’arrivée du nouveau-né. Le post-partum constitue ainsi, pour les cliniciens, une occasion unique d’aborder la santé psychique, sociale et somatique des femmes et de leurs enfants.
LA CONSULTATION POSTNATALE
- La consultation postnatale doit être systématiquement proposée (article R2122-3 du Code de la santé publique). Elle est réalisée dans les 6 à 8 semaines qui suivent l’accouchement par un médecin gynécologue obstétricien, gynécologue médical, généraliste ou une sage-femme en cas de grossesse normale et d’accouchement eutocique. En cas de complications obstétricales, elle est assurée par un gynécologue obstétricien.
- L’examen gynécologique n’est pas systématique. Le frottis cervico-vaginal est réalisé si le précédent date de plus de 2 ans ou en cas. L’arrêt du tabac, de l’alcool et des drogues est fortement encouragé et favorisé par le soutien d’un professionnel.
- Les risques des grossesses rapprochées (6 mois) doivent être expliqués et la contraception discutée en fonction du projet familial. Le dépistage des troubles psychiques maternels, des difficultés de la relation mère enfant et de l’allaitement est nécessaire. La sérologie de la toxoplasmose et la NFS systématique ne sont pas recommandées.
Bibliographie :
1- Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français. Le Post-Partum. Recommandations pour la pratique clinique. 2015.
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