Les myomes utérins sont très fréquents. On estime que 30 à 50 % des femmes asymptomatiques en préménopause ont une image échographique évoquant un myome utérin (1). L’essentiel des femmes sont asymptomatiques. La causalité n’étant pas évidente, le myome utérin est donc généralement un diagnostic d’élimination. Si l’on classe encore les myomes en sous-muqueux, sous-séreux et interstitiel, on préfère désormais la classification FIGO, plus précise et plus pertinente pour orienter la prise en charge (TAB. 1 et FIG. 1).
LES MOTIFS DE CONSULTATION
Les saignements anormaux sont le principal motif d’exploration et le symptôme le plus fréquent. Il s’agit essentiellement de menstruations abondantes (ex-hyperménorrhées ou ménorragies) ou longues (ex-ménorragies). Les menstruations peuvent aller jusqu’à la carence martiale. Du fait de la fréquence des menstruations abondantes et des myomes, l’association peut être fortuite et il est nécessaire d’avoir à l’esprit d’éliminer les autres étiologies. Cependant, plus le myome est sous-muqueux (types 0 et 1, FIGO), plus il est probable que les saignements utérins anormaux soient liés au myome.
Les symptômes de compression sont l’apanage des myomes de forte taille. On peut retrouver les symptômes suivants :
• Des pesanteurs pelviennes,
• Pour les myomes antérieurs : des pollakiuries ou des dysuries,
• Pour les myomes postérieurs : des dysuries par compression du col vésical ou de la constipation.
La douleur aiguë est plus rarement un motif de consultation et concerne plutôt les complications des myomes comme la nécrobiose aseptique (NBA) ou la torsion d’un myome pédiculé (type 7, FIGO). Des douleurs chroniques non cycliques sont aussi possibles (2) ainsi que des dyspareunies, particulièrement pour les myomes antérieurs et fundiques (3).
Les myomes utérins ont longtemps été incriminés dans l’infertilité, mais cette étiologie est désormais très discutée du fait de multiples facteurs de confusion comme l’âge. Il est très peu probable que les myomes sous-séreux aient un impact sur la fécondité. Pour les myomes sous-muqueux, la causalité est probable. Cependant, leur prise en charge n’a pas montré d’amélioration de la fertilité à ce jour (4).
DÉFINITIONS
• Myome (ex-fibrome) : tumeur bénigne de cellules musculaires.
• Léiomyome : tumeur bénigne musculaire lisse. C’est le terme le plus précis et le plus adapté pour l’utérus.
• Adénomyose (ex-endométriose interne) : présence d’endomètre dans le muscle utérin.
• Adénomyome : adénomyose se présentant sous une forme tumorale bénigne dans le muscle utérin, mimant certaines caractéristiques d’un léiomyome.
LE DIAGNOSTIC
En cas de suspicion de myome utérin, l’examen clinique est peu utile pour faire le diagnostic. Cependant, un utérus de taille augmentée et à contour irrégulier est déjà un bon signe d’appel. Le diagnostic est avant tout échographique.
L’échographie
Elle ne s’envisage que chez une femme symptomatique (5). Elle permet la différenciation entre myomes, adénomyose et polypes. En préopératoire, elle permet par ailleurs la cartographie des myomes.
L’échographie se fait par voie abdominale et par voie vaginale (6). La première permet une bonne mesure des myomes volumineux et une bonne caractérisation de certains myomes sous-séreux. La voie vaginale permet une définition supérieure des petits myomes. Dans certains cas, une hystérosonographie (injection de sérum physiologique par voie ascendante en cours d’échographie) permet de bien différencier les myomes de types 0, 1 ou 2.
Les myomes ont une morphologie arrondie, non homogène, avec un aspect de stries (FIG. 2). On peut parfois retrouver une capsule hyperéchogène ou un aspect lipoïde (hyperéchogène). Au doppler, les myomes utérins ont une vascularisation circonférentielle, contrairement aux adénomyomes.
L’IRM
L’indication de l’IRM est le doute diagnostic avec un sarcome (6). Elle est donc indiquée :
• sur une histoire clinique chez les femmes ayant des antécédents d’irradiation pelvienne, un traitement par tamoxifène ou une prédisposition génétique aux sarcomes,
• sur l’aspect échographique en cas de myomes de grande taille, inhomogènes, ayant une vascularisation irrégulière.
En 2e avis, l’IRM peut être utile pour la recherche d’adénomyose ou d’adénomyome ou si la cartographie n’est pas aisée à l’échographie.
LE TRAITEMENT MÉDICAL
Le léiomyome est fréquent, bénin et les femmes sont généralement asymptomatiques. Il n’y a donc pas lieu de faire de prise en charge chez les femmes ne présentant pas de symptôme (7).
Le traitement hormonal
→ L’ulipristal est une molécule particulière, modulatrice des récepteurs à la progestérone, antiprogestative sur les cellules des myomes utérins. Les myomes utérins ayant de nombreux récepteurs à la progestérone, cette molécule présente à la fois l’avantage d’avoir une action sur la taille des myomes et sur le volume des saignements utérins anormaux. Malheureusement, des évènements hépatiques rares mais graves ont contraint à son arrêt de prescription en mars 2020.
→ Le système intra-utérin (SIU) à 52 mg de lévonorgestrel (Mirena®) est efficace sur le volume menstruel du fait de son action sur l’endomètre (8), mais ne change pas la taille des myomes utérins.
→ Les œstroprogestatifs diminuent le risque de développement des myomes utérins et le volume menstruel. Une fois les myomes constitués, les œstroprogestatifs ne changent malheureusement pas leur taille.
→ Les agonistes de la GnRH (ex LHRH) se font par injection mensuelle ou trimestrielle (triptoréline, leuproréline…). S’ils diminuent la taille des myomes et le volume menstruel, c’est au prix de symptômes de type ménopausique. Ces symptômes peuvent être améliorés par l’adjonction d’un traitement œstroprogestatif complémentaire : add-back therapy. Malheureusement, ce traitement n'est que suspensif et les symptômes réapparaissent généralement à son arrêt. De ce fait, l’intérêt de ce traitement est essentiellement préopératoire.
→ Les traitements progestatifs per os dits « macroprogestatifs » comme l’acétate de chlormadinone ou de nomegestrol ne sont pas efficaces pour améliorer les symptômes liés au volume des myomes. Le risque supposé de ces traitements sur les méningiomes n’en fait pas un traitement de première intention dans cette indication.
Les traitements non hormonaux
L’acide tranexamique est un traitement efficace des saignements abondants des myomes utérins (8). Il diminue le volume menstruel de 33 à 54 % et améliore la qualité de vie. Il ne semble pas augmenter le risque thromboembolique dans cette indication et peut donc être prescrit sur le long terme. Si ce traitement est bien évalué dans les menstruations abondantes, il ne l’est pas sur le volume des myomes utérins.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’acide méfénamique sont utiles tant sur les douleurs que sur le volume menstruel. Cependant, leur efficacité est inférieure à celle de l’acide tranexamique ou du SIU à 52 mg de lévonorgestrel.
LE TRAITEMENT CHIRURGICAL
L’hystérectomie
Il s’agit évidemment du traitement définitif des myomes utérins. Elle est indiquée en cas d’absence de réponse au traitement médical, chirurgical conservateur, en l’absence de désir de grossesse chez une femme pouvant être traitée dans le même temps (CIN, adénomyose…). Elle améliore la qualité de vie des femmes ayant des myomes (9). Pour limiter les complications et raccourcir le délai de récupération, il est recommandé d’utiliser la voie la moins invasive (voie basse, cœlioscopie) et de ne réserver la voie haute qu’aux cas difficiles.
La myomectomie
Il s’agit de la réponse qui semblerait la plus logique : si un myome crée des symptômes chez une femme, l’ôter devrait améliorer les choses. Cependant, la myomectomie cœlioscopique ou par voie haute ne prévient pas la découverte de nouveaux myomes, avec un taux de récidive de 50 à 60 % à 5 ans, dont 25 % nécessitant un nouveau geste. Par ailleurs, cette chirurgie est à fort risque d’adhérence postopératoire et présente un risque non négligeable de complication : 3 à 4 % des myomectomies se compliquent d’hystérectomie.
Il s’agit donc d’un geste dont la balance bénéfice-risque est à peser avec la femme.
La myomectomie hystéroscopique permet de traiter les myomes de petite taille (moins de 3 cm) de type 0 à 1 FIGO (9). Elle permet une récupération rapide et est efficace sur les menstruations abondantes. C’est une technique moins invasive et à moindre risque, mais ses indications sont limitées par le type et la taille des myomes.
Les techniques de radiologie interventionnelle
L’embolisation est une technique intéressante pour les myomes vascularisés. Elle consiste à générer une nécrose du myome. Le risque principal est le syndrome de post-embolisation qui comprend des douleurs, une fièvre modérée ou l’expulsion vaginale du myome (10). Les récidives sont assez fréquentes : 20 à 33 % à moyen terme (entre 18 mois et 5 ans).
Les ultrasons focalisés guidés par IRM (MRgFUS) sont de plus en plus disponibles en France. Les complications sont peu importantes (brûlures cutanées superficielles, neuropathies réversibles) et l’impact sur la fertilité semble intéressant, contrairement aux autres techniques chirurgicales (9). La qualité de vie est comparable à celle des femmes ayant eu une hystérectomie. Mais le taux de récidive à 5 ans est lui aussi important : 59 %.
LA SURVEILLANCE
Pour les myomes n’engendrant aucun symptôme ni aucune complication, il n’y a pas lieu de réaliser de surveillance particulière. En effet, la surveillance annuelle n’a pas démontré d’intérêt chez les femmes ayant des myomes utérins (12).
Les myomes ont tendance à croître d’environ 1,2 cm sur 2,5 ans (11). Cette croissance n’est pas uniforme et varie en fonction de la taille initiale, de la position et de l’âge de la femme. La réduction des myomes est habituelle à la ménopause, mais n’est pas systématique (1).
Bibliographie
1. Pavone D, Clemenza S, Sorbi F, Fambrini M, Petraglia F. Epidemiology and Risk Factors of Uterine Fibroids. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. janv 2018;46:3‑11.
2. Lippman SA, Warner M, Samuels S, Olive D, Vercellini P, Eskenazi B. Uterine fibroids and gynecologic pain symptoms in a population-based study. Fertil Steril. déc 2003;80(6):1488‑94.
3. Moshesh M, Olshan AF, Saldana T, Baird D. Examining the relationship between uterine fibroids and dyspareunia among premenopausal women in the United States. J Sex Med. mars 2014;11(3):800‑8.
4. Metwally M, Cheong YC, Horne AW. Surgical treatment of fibroids for subfertility. Cochrane Database Syst Rev. 14 nov 2012;11:CD003857.
5. Stewart EA. Clinical practice. Uterine fibroids. N Engl J Med. 23 avr 2015;372(17):1646‑55.
6. Testa AC, Di Legge A, Bonatti M, Manfredi R, Scambia G. Imaging techniques for evaluation of uterine myomas. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. juill 2016;34:37‑53.
7. Pérez-López FR, Ornat L, Ceausu I, Depypere H, Erel CT, Lambrinoudaki I, et al. EMAS position statement: management of uterine fibroids. Maturitas. sept 2014;79(1):106‑16.
8. Sinai Talaulikar V. Medical therapy for fibroids: An overview. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. janv 2018;46:48‑56.
9. De La Cruz MSD, Buchanan EM. Uterine Fibroids: Diagnosis and Treatment. Am Fam Physician. 15 janv 2017;95(2):100‑7.
10. Goodwin SC, Spies JB. Uterine fibroid embolization. N Engl J Med. 13 août 2009;361(7):690‑7.
11. DeWaay DJ, Syrop CH, Nygaard IE, Davis WA, Van Voorhis BJ. Natural history of uterine polyps and leiomyomata. Obstet Gynecol. juill 2002;100(1):3‑7.
12. Brun J-L, Fritel X, Aubard Y, Borghese B, Bourdel N, Chabbert-Buffet N, et al. Management of presumed benign ovarian tumors: updated French guidelines. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. déc 2014;183:52‑8.
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