INTRODUCTION
D’un point de vue étymologique, la psychothérapie désigne « la thérapie par la psyché ». La psychothérapie peut être définie comme une « méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels utilisant des moyens psychologiques et, d’une manière plus précise, la relation du thérapeute et du malade » (1).
Les psychothérapies trouvent leur origine dans le développement de la psychiatrie moderne, dans le courant du XIXe siècle. Des psychiatres ont alors développé des méthodes thérapeutiques des pathologies mentales sur des théories du fonctionnement psychique : Pinel a proposé le traitement moral de l’aliénation mentale, Janet a introduit l’hypnose, que Charcot a ensuite utilisée dans le traitement de l’« hystérie », Freud a conceptualisé la psychanalyse… (2). Par la suite se sont développées de nouvelles prises en charge individuelles et en groupe (relaxation de Schultz, psychodrame, psychothérapie institutionnelle…).
Au début du XXe siècle, Pavlov, avec sa célèbre expérience sur le conditionnement, donne naissance au courant comportementaliste. Dans la deuxième partie du XXe siècle, Beck introduit la thérapie comportementale et cognitive (TCC). Puis les TCC évolueront pour donner les TCC dite de la « troisième vague », intégrant la composante émotionnelle.
Si une prise en charge psychothérapique peut avoir un intérêt et une utilité en dehors du champ des pathologies mentales, les psychothérapies font partie intégrante des soins en psychiatrie. Elles ont montré leur efficacité dans certaines pathologies. Elles sont soit un traitement de première intention, soit un traitement complémentaire, voire un traitement de prévention de la rechute. Elles ont des indications précises. Elles nécessitent un patient motivé et impliqué.
À l’heure où la prise en charge psychothérapique est enfin prise en charge, en partie et dans certaines conditions, par l’Assurance maladie, il est important de revenir sur les différentes psychothérapies existantes et leurs indications.
PSYCHOTHÉRAPIE DE SOUTIEN
La psychothérapie de soutien est l’une des plus répandues en pratique courante. Elle est indiquée dans les situations de vie difficiles et stressantes (traumatisme, deuil, maladie…) et dans l’accompagnement des maladies psychiatriques.
Comme son nom l’indique, elle implique des procédés de soutien afin d’accompagner le patient, en favorisant l’expression de ses émotions et pensées, des stratégies d’adaptation et l’amélioration de l’estime de soi. Elle procède par une écoute attentive et compréhensive, par une validation du ressenti du patient, par un soutien actif dans l’élaboration de stratégies d’adaptation et par une valorisation.
Elle peut permettre des résultats à court terme et, aussi, de manière plus durable.
PSYCHOTHÉRAPIES COGNITIVO-COMPORTEMENTALES
Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ont connu trois évolutions, appelées vagues : thérapie comportementale (1re vague), puis thérapie cognitive et comportementale qui s’enrichit de concepts sur les pensées-cognitions (2e vague), puis la « vague émotionnelle » (3e vague) qui a mis l’accent sur les émotions, l’acceptation et la pleine conscience. Parmi les thérapies issues de la troisième vague, on note : la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT : Acceptance and Commitment Therapy), la thérapie comportementale dialectique (DBT : Dialectical Behavioral Therapy), la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT : Mindfulness-Based Cognitive Therapy).
Les TCC consistent à travailler trois composantes, dont chacune est susceptible de retentir et d’interagir sur les deux autres :
• Composante cognitive : identification et remise en question des biais cognitifs (pensées automatiques).
Exemple : dans la dépression, les cognitions dépressives peuvent être un sentiment de honte, d’incapacité ou d’échec et entraîner des affects pénibles.
• Composante comportementale : identification du comportement problème et travail d’apprentissage afin de le modifier (comme la désensibilisation par exposition au stimulus anxiogène, de manière progressive et graduée).
Exemple : dans la dépression, les cognitions dépressives peuvent entraîner un comportement d’isolement et de ralentissement qui vont valider les cognitions dépressives.
• Composante émotionnelle : identification, acceptation, gestion émotionnelle.
Exemple : les comportements d’isolement et les cognitions dépressives vont renforcer le sentiment de tristesse qui va lui-même accentuer le sentiment de honte et de repli sur soi.
Les TTC sont indiquées dans :
les troubles de l’humeur :
• c’est LE traitement des épisodes dépressifs d’intensité légère (3),
• les TCC peuvent être associées à un traitement antidépresseur pour les dépressions d’intensité modérée à sévère (3),
• elles sont efficaces dans la prévention de la rechute dépressive (4),
les troubles anxieux :
• selon le trouble anxieux, l’intensité du trouble et la préférence du patient, elle peut être le traitement unique et de première intention,
• dans le trouble anxieux, les TCC sont la psychothérapie de choix (5),
les troubles obsessionnels compulsifs (5) :
• les TCC sont la psychothérapie de choix,
• elles peuvent être le traitement unique ou associées avec un traitement médicamenteux de type antidépresseur.
la prévention du suicide (6),
les insomnies (7),
les troubles somatoformes (8),
les addictions (9),
les troubles du comportement alimentaire,
le trouble de la personnalité des clusters B (troubles de la personnalité limite, narcissique, histrionique, antisociale) et des clusters C (troubles de la personnalité dépendante, évitante, obsessionnelle compulsive) (8, 10, 11).
Concernant les troubles de la personnalité, notamment borderline, les thérapies utilisées sont la thérapie dialectique de Linehan ou la thérapie des schémas de Young (TCC de la 3e vague).
Des milliers d’études ont été menées pour évaluer l’efficacité des TCC selon les indications. Le niveau de preuve est très élevé à élevé (niveaux A et B) pour toutes les indications mentionnées ci-dessus.
Leur fréquence est généralement d’une fois par semaine à une fois toutes les deux semaines. La durée d’une séance est de 45-60 minutes. La durée du traitement psychothérapique est variable selon les troubles et leur intensité. Généralement d’une durée de 6 à 12 mois (soit 12 à 25 séances), elles peuvent être plus longues selon l’intensité des pathologies et dans les troubles de la personnalité.
PSYCHOTHÉRAPIES ANALYTIQUES
On distingue la cure psychanalytique ou cure « type » et les psychothérapies d’inspiration psychanalytique. Elles se différencient par l’organisation du cadre thérapeutique sans qu’il y ait toutefois de frontière nette entre les deux méthodes. Nous les évoquerons sans distinction sous le terme de psychothérapie analytique.
Elles partagent les mêmes fondements théoriques, originellement définis par Freud. Pour reprendre l’approche définitionnelle de la psychanalyse par Laplanche et Pontalis, on peut distinguer trois niveaux (1) :
« Une méthode d’investigation consistant dans la mise en évidence de la signification inconsciente des paroles, actions ou productions imaginaires (rêves, fantasmes, délires) du sujet. Cette méthode se fonde principalement sur les libres associations du sujet qui sont le garant de la validité de l’interprétation.
Une méthode psychothérapique fondée sur cette investigation et spécifiée par l’interprétation contrôlée de la résistance [la résistance est l’opposition du conscient à l’inconscient], du transfert [investissement affectif du soigné sur le soignant] et du désir.
Un ensemble de théories psychologiques et psychopathologiques où sont systématisées les données apportées par la méthode psychanalytique d’investigation et de traitement. »
Les psychothérapies analytiques sont contre-indiquées dans les troubles psychotiques décompensés ou sévères (12).
Les psychothérapies analytiques peuvent être indiquées dans le cadre d’une prise en charge générale ou pour certaines pathologies psychiatriques. Elles peuvent être indiquées dans les troubles anxieux, les troubles somatoformes, les troubles de la personnalité et les troubles de l’humeur (10, 12-16).
Les psychothérapies analytiques ont fait l’objet d’études d’évaluation. La littérature scientifique est cependant moins riche que pour les TCC. Dans un ouvrage de psychiatrie, les auteurs avaient mené une revue de la littérature sur les psychothérapies analytiques dans les pathologies psychiatriques suivantes : troubles schizophréniques, anxieux, de l’humeur, du comportement alimentaire, de la personnalité et les addictions (10,13-16). Ils avaient sélectionné vingt-six études. Dans la schizophrénie, la seule étude sélectionnée ne retrouvait pas une efficacité significative. Une preuve d’efficacité existait dans la prise en charge de l’épisode dépressif caractérisé, dans certains troubles anxieux (trouble panique, trouble de stress post-traumatique, phobie sociale), dans les troubles de la personnalité des clusters B et C, dans les troubles du comportement alimentaire anorexiques et boulimiques et dans les addictions (10,13-16).
Concernant la durée et le nombre de séances, ils sont différents selon les études. La durée était d’au moins 3 mois, à raison de 2 puis 1 fois par semaine, dans les troubles de l’humeur, du comportement alimentaire et anxieux. Dans les troubles de la personnalité, la durée de prise en charge est substantiellement plus longue.
AUTRES PSYCHOTHÉRAPIES
Dans la thérapie systémique, la famille ou le couple sont perçus comme un système dynamique où les membres sont en interaction permanente. La symptomatologie du patient fait partie et est expliquée par cette dynamique. Elle est le fruit d’un dysfonctionnement relationnel ou communicationnel du système. Cette thérapie peut être indiquée pour les troubles psychiatriques en lien avec des facteurs de stress familiaux ou pour les troubles psychiatriques ayant un retentissement familial (trouble du comportement alimentaire, addiction…).
En outre, nous pouvons mentionner l’éducation psychothérapique : elle se rapproche de ce qu’est l’éducation thérapeutique du patient et a pour but d’aider les patients à gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle est indiquée dans les pathologies psychiatriques chroniques (17-19).
Enfin, nous évoquons la remédiation cognitive, qui vise à diminuer un déficit cognitif pour un bénéfice clinique, au niveau de la qualité de vie et de l’insertion sociale. Elle est indiquée notamment dans les troubles schizophréniques et thymiques, dans les troubles neurodéveloppementaux, dans les addictions… (20, 21).
REMBOURSEMENT DES PSYCHOTHÉRAPIES
Suite aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie (27-28 septembre 2021), le président de la République, Emmanuel Macron, avait annoncé la prise en charge de séances chez le psychologue en ville (22). Ce dispositif s’appelle MonPsy et a été mis en œuvre en avril 2022. Il sera réévalué d’ici à 2025.
Cette mesure s’adresse à toute la population, à partir de l’âge de 3 ans, présentant des troubles psychiques d’intensité légère à modérée.
Les séances peuvent faire l’objet d’un remboursement si elles sont sur adressage d’un médecin (médecin traitant notamment) et réalisées par un psychologue conventionné avec l’Assurance maladie. Seules les séances avec les psychologues volontaires pour entrer dans ce dispositif et ayant signé une convention avec l’Assurance maladie peuvent donner lieu à un remboursement.
Le nombre de séances est adapté aux besoins du patient, dans la limite de 8 séances. La durée des séances est adaptée à la prise en charge de chaque patient. Les tarifs ne peuvent pas faire l’objet d'un dépassement d’honoraires et sont de 40 euros pour une première séance permettant la réalisation du bilan initial, puis de 30 euros pour les séances de suivi (sept au maximum). Ce forfait peut être renouvelé chaque année, sur adressage du médecin, si les besoins du patient l’exigent, par exemple en fonction de l’évolution de la situation clinique.
Depuis longtemps, les soignants en santé mentale militent pour un remboursement de psychothérapie dans certaines indications. Si ce dispositif a le mérite de poser une première pierre en ce sens, il paraît insuffisant du fait d’un nombre limité de séances remboursées sur une année et d’un cadre tarifaire contraignant pouvant limiter le nombre de psychologues intégrant cette convention.
Dr Nicolas Bonfils (psychiatre et addictologue – docteur en sciences cognitives - ancien chef de clinique - assistant des Hôpitaux de Paris – 4, rue Chomel, 75007 Paris)
BIBLIOGRAPHIE
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