Nous sommes appelés au chevet de Nicolas, 7 ans qui présente des nausées et des céphalées. Ce jeune enfant est resté seul au bord de la mer, et il a profité durant plus de 5 heures des jeux de mer ; tout ceci sans aucune protection vis-à-vis du soleil (pas de casquette, ni de crème solaire). L’enfant se plaint d’une céphalée diffuse. À l’examen, nous notons une légère tachycardie à 95/mn, mais aussi la présence d’un érythème de la face avec un discret œdème palpébral (cf. photo 1). L’ensemble des éléments permet de poser le diagnostic de pathologie due à une exposition excessive à la chaleur (niveau 1 de gravité des effets sanitaires dus à l’exposition solaire).
PHYSIOPATHOLOGIE
Chez l’homme, un équilibre thermique (l’homéothermie) à 37°C est obtenu grâce un équilibre entre les pertes et les apports caloriques.
Une adaptation vis-à-vis d’une exposition à des températures importantes est observée par le biais d’un transfert de chaleur entre la zone centrale de l’organisme et la surface cutanée, d’une majoration de la température cutanée qui engendre un transfert de chaleur vers l’ambiance générale, d’une production sudorale importante qui peut atteindre jusqu’à 1,5 l/h qui induit parallèlement une perte hydroélectrolytique (sodium et chlore) [voir encadré E1].
Une classification de la gravité d'une exposition prolongée a été établie par l’institut de veille sanitaire (voir tableau 1).
LES CONSÉQUENCES MINEURES
► Au niveau dermatologique, on observe parfois la présence d’un érythème maculo-papuleux au niveau des parties découvertes (avec une importante sensibilité des paupières). Ces manifestations se retrouvent le plus souvent chez les jeunes enfants. La miliaire, ou bourbouille, est une affection érythémato-papulo-vésiculeuse due à une obstruction des canaux des glandes sudorales. On réduit cette dermatose en réduisant le port de vêtements compressifs.
► L’asthénie anhydrotique tropicale se caractérise par de nombreuses vésicules sur le tronc et la racine des membres. Ces éléments cliniques se rencontrent dans les pays chauds, et un parallèle avec une sécrétion sudorale moins importante est à observer. Souvent, on note en association des céphalées, une asthénie et une tachycardie. Dans ces cas, il faut rafraîchir les patients.
► Les œdèmes des extrémités secondaires à une vasodilatation périphérique. On observe le plus souvent ces manifestations chez les patients ayant des pathologies vasculaires sous-jacentes. On favorise le drainage veineux et le repos avec les jambes à l’horizontale pour que ces manifestations rétrocèdent.
Les crampes, qui sont le plus souvent observées au niveau des bras, des jambes et de l’abdomen. Elles sont secondaires à l’association d’une activité physique et à une exposition à la chaleur, et donnent des troubles hydroélectrolytiques (hyponatrémie, surtout). Le traitement repose sur une réhydratation avec correction des troubles hydroélectrolytiques.
LA SYNCOPE DUE À LA CHALEUR
On la met en évidence chez les patients ayant réalisé une activité physique intense par de fortes chaleurs. Il peut également s’agir de personnes n’ayant pas l’habitude de chaleurs importantes, et n’ayant pu s’asseoir.
Les manifestations cliniques relatées sont secondaires à une réduction du volume sanguin central favorisé par une vasodilatation périphérique.
Ainsi, on observe des nausées, des vertiges, des troubles visuels, une hypotension orthostatique, et parfois une perte de connaissance. Réhydratation et exposition dans un milieu plus frais permettent une disparition de ces manifestations.
L’ÉPUISEMENT DÛ À LA CHALEUR
Ce phénomène est favorisé par un exercice physique intense par grande chaleur (comme le marathon). Cet épuisement induit une importante perte hydroélectrolytique (surtout, en sodium).
Cliniquement, on observe une asthénie majeure avec des troubles du comportement, des vertiges, des nausées et vomissements, une tachycardie et une hyperthermie. Dans ce cas, il faut mettre le patient au repos et assurer une bonne hydratation.
LE COUP DE CHALEUR
► C’est une urgence médicale secondaire à un trouble de la régulation de la température centrale. Il peut survenir dans le cadre d’un épuisement dû à la chaleur non traité.
L’absence d’une prise en charge rapide du patient peut avoir des conséquences vitales.
► Dans ce cas, on observe cliniquement :
– à la phase initiale : une hyperthermie (au-dessus de 39°C), des céphalées, des vertiges, des nausées, et un état confusionnel.
– à la phase d’état, la température peut être supérieure à 42°C. Au niveau du système nerveux central, on observe une comitialité et des troubles du comportement. Il existe parfois une perte de connaissance, une hypotonie générale. Au niveau respiratoire et cardiologique, il existe une hyperventilation, mais aussi une chute de la TA, et un pouls filant. Au niveau digestif, il est mis en évidence des vomissements et une diarrhée. Une évolution avec une défaillance multiviscérale peut se rencontrer.
► Au niveau thérapeutique, il faut réduire la température au-dessous de 39°C par aspersion/évaporation, ou immersion. La perfusion d’électrolytes a un effet symptomatique ; le refroidissement central étant la cible à atteindre en priorité.
E1. La place prépondérante de la thermolyse par évaporation
Par temps chaud, chez un adulte en bonne santé, les pertes de chaleur se font au niveau de la peau par deux mécanismes principaux : l’évacuation passive de la chaleur cutanée (le débit cardiaque augmente et apporte plus de volume à rafraîchir à la surface de la peau) et, le plus important, l’évacuation active par évaporation sudorale (la sueur produite rafraîchit le corps quand elle s’évapore à la surface de la peau). C’est donc l’évaporation de la sueur qui refroidit, et non sa production. Cette évaporation nécessite beaucoup d’énergie. En cas de vague de chaleur, le mécanisme par évaporation devient presque exclusif et assure 75 % de la thermolyse (versus 20 % en temps normal), à condition que la personne soit capable de produire de la sueur et de l’évaporer : il ne faut donc pas qu’elle soit déshydratée et il faut que l’air qui l’entoure soit aussi sec que possible au contact de la sueur. C’est le rôle joué par des ventilateurs, des éventails, qui améliorent l’évaporation sudorale en chassant la vapeur d’eau produite.
Chez la personne âgée, le nombre de glandes sudoripares est diminué, du fait de l’âge. En cas de vague de chaleur (diurne et nocturne), ces glandes sont stimulées en permanence. Au bout de quelques jours, elles « s’épuisent » et la production de sueur chute. La température corporelle centrale augmente, du fait, essentiellement, d’une réduction des capacités de thermolyse par évaporation. Ce phénomène est accentué par le fait que l’énergie demandée est alors importante et dépasse les capacités d’une personne âgée, souvent malade...
LES PATHOLOGIES ET LES MÉDICAMENTS À RISQUES (6)
• Maladies psychiatriques : en particulier les patients traités par neuroleptiques, agonistes sérotoninergiques, antidépresseurs tricycliques ou médicaments altérant la vigilance (benzodiazépines, notamment).Vigilance particulière pour les psychotropes (neuroleptiques et antidépresseurs), a fortiori en association à un diurétique ;
• Maladies neurologiques : maladie de Parkinson, et en particulier les patients traités par des antiparkinsoniens anticholinergiques ; maladie d'Alzheimer et troubles apparentés ;
• Pathologies cardio-vasculaires : en particulier les patients traités par des médicaments ayant une influence directe sur la volémie (diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II) et ceux traités par des agents anti-arythmiques ;
• Pathologies endocriniennes : en particulier diabète, hyperthyroïdie, hypercalcémie, insuffisance surrénalienne ;
• Pathologies uro-néphrologiques : en particulier insuffisances rénales chroniques non terminales (notamment les patients sous diurétiques), personnes dialysées, lithiase ;
Autres médicaments à risque : les anti-inflammatoires non stéroïdiens (aspirine, AINS classiques et inhibiteurs de la Cox-2), les antihistaminiques H1 (en particulier les dérivés des phénothiazines), les anti-spasmodiques anticholinergiques à visée digestive ou urinaire.
Bibliographie
1- Savourey G, Launay JC, Melin B. Physiopathologie et prévention des troubles liés à l’exposition à la chaleur et au froid. Actualité et Dossier en Santé publique 2003 ; 45 : 4-9.
2- InVS. Impact sanitaire de la vague de chaleur en France survenue en août 2003. Institut national de veille sanitaire. Rapport d’étape - 29 août.
3- Khosla R, Guntupalli KK. Heat-related illnesses. Critical Care Clinics 1999; 15: 251-263.
4- Donaldson GC, Keatinge WR, Saunders RD. Cardiovascular responses to heat stress and their adverse consequences in healthy and vulnerable human populations. Internal Journal of Hyperthermia 2003; 19: 225-235.
5- Gaffin S, Gardner J, Flinn S. Cooling Methods for Heatstroke Victims. Annals of Internal Medicine 2000; 132: 678
6- INPES. Fortes chaleurs : prévenir les risques sanitaires chez la personne âgée. Repères pour votre pratique. Document destiné aux professionnels de santé – état des connaissances : mars 2015. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Reperes_Canicule_v5_bd.pdf
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