Compte tenu des nouveautés en matière d'épidémiologie, de traitement et d'évaluation du risque fracturaire par le Frax®, il a paru utile au GRIO (Groupe de Recherche et d’Information sur l’Ostéopporse), sous l'égide de la Société Française de Rhumatologie (SFR – Section Os), d'actualiser les recommandations de 2006 de l’Ansm (ex-Afssaps). La méthode utilisée s’est calquée sur celle de la HAS (chargé de projet, groupe de travail et groupe de lecture). La relecture du texte et de l'argumentaire a utilisé la méthode AGREE (1). Cette actualisation a été présentée au dernier congrès national de la SFR en décembre 2011 et est consultable sur www.grio.org.
DÉFINITION ET ÉPIDÉMIOLOGIE DE L'OSTÉOPOROSE
L’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette, caractérisée par une diminution de la résistance osseuse entraînant un risque accru de fracture (2). Les fractures ostéoporotiques peuvent toucher presque tous les os du squelette. Certaines d'entre elles, comme celles de la hanche ou des vertèbres, sont considérées comme sévères (fractures majeures) car responsable d'une augmentation de la mortalité (3). Il est donc souhaitable de faire le diagnostic d'ostéoporose par la densitométrie osseuse et d'introduire un traitement avant les complications fracturaires. Les mesures densitométriques doivent être réalisées sur 2 sites, en général la hanche et les vertèbres lombaires. Le diagnostic d'ostéoporose est retenu si le contenu minéral osseux est inférieur ou égal à -2.5 en T-Score sur au moins un des 2 sites. L'examen est remboursé, sous conditions, depuis le 1er juillet 2006 (Voir tableau 1).
ÉVALUATION DU RISQUE FRACTURAIRE
Chez une patiente donnée, l'évaluation du risque fracturaire est faite en fonction de l'âge, des antécédents personnels et familiaux de fracture, du risque de chute et de la densité osseuse. Les données épidémiologiques ont largement confirmé l'augmentation du risque fracturaire en cas d'antécédent, surtout maternel, de fracture de la hanche. Concernant le rachis, le risque de récidive fracturaire est de l'ordre de 20% dans l'année qui suit la survenue d'une fracture vertébrale incidente (4). En densitométrie, la diminution d'une déviation standard (en Z-Score) multiplie le risque de fracture par 2 chez des patients appariés pour l'âge (OMS 1994).
Le risque de chute est important à considérer (5), surtout chez les patients les plus âgés et notamment pour évaluer le risque de fracture périphérique (80% de ces fractures sont liées à une chute). L'élément simple à rechercher est l'existence d'une chute dans l'année. En l'absence d'antécédent, le risque de chute peut être évalué par l'interrogatoire et des tests cliniques faciles à réaliser comme la poussée sternale ou l'appui unipodal.
ÉVALUATION DU RISQUE ABSOLU DE FRACTURE : FRAX®
Kanis et al. ont proposé en 2008 un nouvel outil d'évaluation du risque absolu de fracture majeure à 10 ans tenant compte de l'âge, des facteurs de risque cliniques et de la densité osseuse (6). Le calcul est facile à réaliser en consultation sur le site (www.sheffield ac.uk/FRAX) et le résultat est donné en pourcentage de probabilité. Le risque est dit absolu puisqu'il ne concerne qu'un sujet donné, contrairement au risque relatif qui compare 2 groupes de sujets. Le seuil d'intervention thérapeutique dépend de la probabilité de survenue d'une fracture à 10 ans en fonction de l'âge (Voir figure 2).
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE ACTUELLE
Les indications thérapeutiques dépendent essentiellement de l'existence ou non d'une fracture majeure prévalente, sans considération pour l'âge ou la densité osseuse (sauf s'il y a un doute sur le caractère non traumatique de la fracture).
On distingue en particulier les fractures vertébrales, de la hanche, du fémur distal, du bassin, du tibia proximal, de l'extrémité supérieure de l'humérus, de 3 côtes consécutives, des autres, notamment celles du poignet (Voir figure 1).
-› En cas de fracture majeure non vertébrale : les possibilités thérapeutiques comportent tous les médicaments actuels de l'ostéoporose, sauf ceux réputés n'avoir une efficacité que sur le site vertébral, comme l'ibandronate, le raloxifène ou le tériparatide. Il s'agit du zolédronate, du denosumab, de l'alendronate, du risédronate et du ranélate de strontium.
-› En cas de fracture majeure vertébrale : les mêmes traitements sont indiqués, auxquels s'ajoutent l'ibandronate, le raloxifène et le tériparatide.
-› En cas de fracture du poignet ou d'autres sites que ceux cités ci-dessus : l'indication thérapeutique est posée après réalisation d'une densitométrie osseuse.
- si le T-Score est inférieur ou égal à -3 : traitement recommandé
- si le T-Score est supérieur à -3 : traitement recommandé en fonction du résultat du FRAX et le seuil d'intervention dépend de l'âge (Voir figure 2).
-› En l'absence de fracture (mais en présence de facteurs de risque) : il faut réaliser une densitométrie osseuse.
- si le T-Score est inférieur ou égal à -3 : traitement recommandé
- si le T-Score est supérieur à -3 : traitement recommandé en fonction du résultat du FRAX et le seuil d'intervention dépend de l'âge (Voir figure 2).
-› Cette conduite thérapeutique est un peu différente des recommandations de l'AFSSAPS de 2006 (7). Si l'indication thérapeutique pour un T-Score inférieur ou égal à -3 est identique ; pour un T-Score inférieur ou égal à -2.5, il fallait d'autres facteurs de risque d'ostéoporose associés : âge supérieur à 60 ans, corticothérapie, maigreur, ménopause précoce, fracture de hanche chez la mère.
Le nouveau schéma thérapeutique pour les déminéralisations d'intensité moyenne, prenant en compte le FRAX® est donc plus simple à intégrer pour le clinicien.
DUREE DU TRAITEMENT
Les médicaments ont, en général, été évalués dans les études contrôlées pendant une durée comprise entre 3 et 5 ans. Une prolongation des études allant jusqu'à 10 ans a été faite pour certaines molécules (alendronate, ranélate de strontium) mais le niveau de preuve pour l'efficacité anti-fracturaire est faible (8).
Au bout de 5 ans de traitement (accord professionnel) il faut faire une évaluation et interrompre le traitement si les conditions suivantes sont réunies :
- pas de fracture majeure prévalente
- pas d'événement fracturaire pendant la séquence thérapeutique
- pas de nouveaux facteurs de risque
- pas de dimininution significative de la densité osseuse (DMO) et DMO supérieur à -3 en fin de cycle thérapeutique.
SUIVI DU TRAITEMENT DE L'OSTÉOPOROSE
Le suivi doit évaluer l'efficacité, la tolérance et l'adhérence au traitement.
-› L'efficacité peut être appréciée cliniquement par la mesure de la taille et en prenant en considération l'apparition de douleurs vertébrales (9,10). La densité osseuse peut être contrôlée en fin de cycle thérapeutique pour décider de l'arrêt ou de la poursuite du traitement. Les marqueurs du remodelage osseux et notamment du CTX sérique peuvent être utiles en début de traitement pour prédire son efficacité. Avec le risédronate, par exemple, 50 à 70% de l'efficacité du traitement sur les fractures vertébrales sont expliqués par les variations du CTX. La relation entre baisse du CTX et risque fracturaire n'est toutefois pas linéaire, suggérant qu'il n'y a pas d'intérêt à abaisser le remodelage au-delà de 40 à 60% (11).
-› La surveillance de la tolérance sera orientée selon le médicament anti-ostéoporotique utilisé. Pour les bisphosphonates oraux, le risque essentiel est digestif (oesophagite). D'autres effets secondaires ont été plus récemment répertoriés comme l'ostéonécrose de la mâchoire (plus fréquents avec les bisphosphonates injectables) et les fractures atypiques des os longs (12).
Avec le ranélate de strontium, les effets digestifs sont bénins alors les cas de DRESS syndrome sont graves bien que très rares. Le ranélate de strontium partage avec le raloxifène un risque accru de thrombose veineuse.
Le tériparatide, réservé aux ostéoporoses vertébrales sévères, peut donner des troubles neuro-sensoriels et des modifications, le plus souvent infra-cliniques, des paramètres calciques sanguins et urinaires.
-› L'adhérence prend en compte la persistance et l'observance du traitement. Dans l'ostéoporose, 20 à 30% des patients prenant un traitement quotidien ou hebdomadaire l'interrompent au bout de 6 à 12 mois (13). Le rôle du médecin lors de l'instauration du traitement est primordial pour améliorer l'observance (explication de la maladie, du traitement, des bénéfices attendus, des effets secondaires). Une faible observance thérapeutique augmenterait le risque fracturaire de 25% par rapport aux patients observants (14).
CONCLUSION
l'actualisation des recommandations de l'AFSSAPS de 2006 sur le traitement de l'ostéoporose postménopausique introduit trois notions nouvelles : la différence entre fracture majeure et mineure, l'évaluation du risque de chutes et l'utilisation du FRAX®.
Pour les fractures majeures (par exemple vertèbre et extrémité supérieure du fémur) le traitement est indiqué quelque soit l'âge ou la densité osseuse.
Pour les autres fractures (par exemple le poignet) et en l'absence de fracture, dans une situation de risque fracturaire (par exemple à cause de chutes), la mesure de la densité osseuse est nécessaire et oriente la thérapeutique. Un T-Score inférieur à -3 entraîne un traitement, alors qu'une densité osseuse plus élevée nécessite le calcul du FRAX® avant de prendre une décision thérapeutique.
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)