Une gestion optimale (humaine et économique) de la poly-médication ne peut être effective sans une analyse préalable des pathologies inductrices de prescriptions et sans caractérisation des actes des patients concernés. Certes, la présence de polypathologie et de polymédication est assez bien documentée en population générale mais ces approches sont descriptives et n’informent pas sur les « panachages » de pathologies et de médicaments auxquels sont confrontés les médecins généralistes. Lesquels de surcroît agissent dans un contexte « ouvert » (co-prescription ave d’autres intervenants spécialistes, nécessité d’adhésion du patient aux traitements chroniques, gestion de problèmes aigus intercurrents, etc .). L’étude Polychrome (1), menée par le Dr Pascal Clerc dans le cadre de son travail de recherche en médecine générale à l’Inserm, s’est fixé pour objectif de construire une typologie des pathologies chroniques et de leurs combinaisons lors des rencontres en médecine générale.
MÉTHODE
Les données médicales concernant les pathologies chroniques de 68 médecins généralistes du réseau informatisé de la Société française de médecine générale recueillies entre 2002 et 2004 ont été examinées. L’analyse descriptive multivariée (analyse en correspondances multiples et classification ascendante hiérarchique) a utilisé l’âge, le genre des patients et les caractéristiques des consultations.
Les patients sélectionnés présentaient au moins une pathologie chronique pendant les années 2002 et 2003, avec au moins une séance pour chacune des années (2002, 2003, 2004). Soit 45 018 patients : 25 094 femmes (55,74 %) et 19 924 hommes (44,26 %).
RÉSULTATS
Ainsi les données traitées ont concerné 718 772 pathologies chroniques rencontrées dans 284 126 actes, pour 45 018 patients et 68 médecins généralistes. Une classification en six classes représentant 80 % de l'inertie de base (À EXPLIQUER) a été retenue.
-› La classe I concerne les patients de plus de 60 ans (37,83 % des pathologies chroniques). Ils présentent majoritairement des pathologies cardiovasculaires (hypertension arterielle, hyperlipidémie, diabète de type 2, insuffisance coronaire). C’est une population à forte consommation d’actes et de médicaments qui consulte plus de 4 fois par an.
-› La classe 2 concerne des patients chroniques âgés de plus de 60 ans, et même de plus de 70 pour les deux tiers, à forte proportion féminine. Elle représente 23,14 % des pathologies chroniques traitées. Il s’agit de poly-pathologies très dispersées (arthrose, insuffisance coronaire, reflux-gastrooesophagien, insomnie, etc) génératrices d’une forte consommation d’actes et de médicaments et qui consulte aussi plus de 4 fois par an.
-› La classe 3 concerne les patients de moins de 60 ans dont plus de la moitié ont 26-39 ans. Cette population représente 13,34 % des pathologies chroniques traitées et sont centrées sur la psychiatrie et les troubles musculo-squelettiques (humeur dépressive, anxiété, lombalgie, arthropathies). La consommation d’actes est forte pour un nombre modéré de problèmes chroniques différents par patient. Plus de quatre consultations par an.
-› La classe 4 concerne des patients entre 40 et 69 ans dont près de la moitié a entre 40 et 59 ans, avec une consommation d’actes et de médicaments modérée. Elle représente 13,34 % des pathologies chroniques traitées, majoritairement des maladies cardiovasculaire (hypertension artérielle, hyperlipidémie) et, dans une moindre mesure, des lombalgies. Elle consulte deux à trois fois par an.
-› La classe 5 concerne des patients jeunes (près de la moitié des 11-25 ans de l’échantillon) ou d’âge moyen (les 40-59 ans) avec une consommation d’actes et de médicaments administrés au long cours faible à modérée. Une à quatre consultations par an. Cette classe représente 7,52% des pathologies chroniques traitées, essentiellement centrées sur les troubles musculo-squelettiques (lombalgies, arthropathies), la dermatologie, les voies aériennes (asthme, allergies ORL), la sphère génitale féminine.
-› La classe 6 concerne des patients jeunes entre 11 et 39 ans, avec une consommation d’actes chroniques et de médicaments faible (3,83 % des pathologies chroniques traitées) consultant une à deux fois par an. Il s’agit de pathologies centrées sur les troubles musculo-squelettiques (lombalgies, arthropathies), et l’anxiété.
CONCLUSION
Deux classes, la première et la deuxième, représentent le coeur de cible de la médecine générale : patients de plus de 60 ans polypathologiques et polymédiqués et donc à forte potentialité iatrogène. Deux autres classes sont intéressantes pour la recherche d’une meilleure efficience de prise en charge. La classe 3, centrée sur les sujets de 26 à 39 ans traités pour des troubles psychiatriques de manière répétée, avec des prescriptions médicamenteuses (anti dépresseurs, benzodiazépines,hypnotiques) à effets indésirables importants ; elle nécessite probablement une meilleure collaboration entre professionnels. La classe 4 centrée sur les facteurs de risque
cardiovasculaire et les lombalgies, présente un important potentiel de prévention secondaire non médicamenteuse.
Mention spéciale pour la classe 2 présente la particularité d’être constituée de femmes de plus de 60 ans avec une grande diversité de pathologies, un fort niveau de prescription et un recours aux soins élevés.
Mise au point
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