Les effets extra-osseux potentiels de la vitamine D sont liés au fait que de nombreuses cellules comme celles du cerveau, de la prostate, du sein, du colon, du muscle et les cellules de l’immunité possèdent des récepteurs de la 1,25 (OH)2 D.
La 1,25 (OH)2 D contrôle également l’expression de plus de 200 gènes, incluant des gènes qui régulent la prolifération, la différenciation, et l’apoptose des cellules saines et cancéreuses. La 1,25(OH)2 D est aussi un puissant immunomodulateur in vitro, avec des possibles conséquences sur le contrôle du système immunitaire et de l’auto-immunité. L’ensemble de ces propriétés de la 1,25(OH)2 D est la base théorique des effets osseux et extra osseux potentiels de la vitamine D.
VITAMINE D ET CANCER
De nombreuses études épidémiologiques ont suggéré que des concentrations élevées de 25(OH)D sont associées à une réduction de fréquence des cancers et une réduction de la mortalité liée au cancer. Des études épidémiologiques et observationnelles ont montré qu’il existe un lien entre des concentrations élevées de 25OH D et la réduction du risque de cancer (prostate, cancer colo-rectal, sein). Le suivi pendant 8 ans d’une cohorte de 25 620 volontaires a montré qu’un taux de vitamine D au-delà de 20ng/ml (50 nmol/l) est associé à une diminution du risque de cancer colorectal (1).
Une méta-analyse montre aussi que des concentrations de 25(OH)D supérieures à 33 ng/ml (82,5 nmol/l) sont associées à une réduction de 50% du risque de cancer colorectal (2), et que des concentrations supérieures à 52 ng/ml (130 nmol/l) sont associées à une réduction de 50% du risque de cancer du sein (3).
Lappe et coll ont montré dans un essai randomisé en double aveugle de 4 ans conduit chez 1 179 femmes ménopausées âgées en moyenne de 67 ans recevant soit un placebo, soit du calcium seul entre 1400 et 1500mg par jour, soit calcium + vitamine D 1 100 unités par jour a montré que la prise de calcium seul ou en association à la vitamine D était associée à une réduction significative du risque de cancer de 60 % par rapport au placebo (4). Mais ces résultats ne sont pas confirmés par une analyse réalisée à partir de la population WHI (Women Health Initiative Study) d’une durée de 7 ans où les femmes ont reçu du calcium 1000mg + 400 unités de vitamine D (N= 18 176) ou un placebo (N = 18 106) : la prise de calcium et vitamine D n’était pas associée à une diminution du risque de cancer colorectal (5).
Les patients qui ont un cancer colorectal avec un taux moyen de 25OH D supérieur à 40 ng/ml ont un risque de mortalité diminuée (6).
Ainsi bien qu’il existe des données expérimentales et épidémiologiques montrant un lien entre les taux de vitamine D et le risque de cancer, il n’a toutefois pas été démontré solidement un intérêt à donner de la vitamine D pour prévenir le risque de cancer et d’autres études randomisées sont nécessaires.
VITAMINE D ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE
Le récepteur à la vitamine D (VDR) est exprimé par les cellules endothéliales des vaisseaux et des cardiomyocytes. Plusieurs études observationnelles rapportent une association entre le risque cardiovasculaire et des concentrations basses de 25OHD. Il a été récemment montré qu’un taux de 25OHD ≥30ng/ml diminue le risque d’infarctus du myocarde chez les hommes après ajustement sur des facteurs confondants (7). Cet effet sur le risque cardiovasculaire peut s’expliquer par un effet sur la tension artérielle. Il existe un lien significatif entre un taux bas de vitamine D et une élévation de la tension artérielle (8).
EFFET IMMUNOMODULATEUR DE LA VITAMINE D
Des études expérimentales ont montré que la vitamine D est un puissant immunomodulateur avec des possibles conséquences sur le contrôle du système immunitaire et de l’auto-immunité in vivo. Le récepteur à la vitamine D (VDR) est présent sur les lymphocytes T et B, les macrophages et les cellules présentatrices d’antigène (9). La vitamine D diminue également la sécrétion d’anticorps par les lymphocytes B.
La vitamine D favorise la différenciation des macrophages, module la réponse macrophagique, diminue la production de certaines cytokines par les macrophages et bloque la différenciation des cellules dendritiques impliquées dans la présentation d’antigènes (9).
Sclérose en plaques (SEP)
Dans une étude cas-témoins réalisée à partir du suivi de 7 millions de sujets appartenant au personnel militaire américain, Munger et coll ont montré qu’une valeur de vitamine D ≥ 99,1 nmol/l est associé à une réduction significative du risque de SEP (OR=0,38 ; IC 95% 0,19-0,75, p=0,006) (10). Le suivi de femmes issues de 2 cohortes (Nurses' Health Study I, 92,253 femmes suivies de 1980 to 2000) et Nurses' Health Study II (95,310 femmes suivies de 1991 à 2001) a montré qu’un apport d’au moins 400 UI de vitamine D par jour (évalué par une enquête diététique) était associé à une diminution du risque de développer une SEP de 41% (11).
Rhumatismes inflammatoires
Des études transversales ont montré que des taux bas de 1,25(OH)2 D étaient associés à une augmentation du risque de poussées au cours de la polyarthrite rhumatoïde (12). Le suivi de femmes issues de 2 cohortes (Nurses' Health Study I et Nurses' Health Study II, n=186 389) a montré que des apports élevés en vitamine D n’étaient pas associés à une diminution du risque d’avoir une polyarthrite rhumatoïde ou un lupus systémique (13).
Diabète
Des études épidémiologiques ont montré que la supplémentation en vitamine D dans l’enfance réduit le risque de développer un diabète de type 1. Une étude finlandaise a montré que l’administration de 2000 UI de vitamine D/j à 10 366 enfants durant la première année de leur vie était associée à une réduction du risque de diabète de type 1 de 80% (suivi de 30 ans) (24). L’hypovitaminose D est associée à une augmentation de l’insulinorésistance, à une diminution de la production d’insuline. Le mécanisme de ces associations n’est pas connu (15). L’administration de 1200 mg de calcium et de 800 UI de vitamine D diminue le risque d’apparition de diabète de type 2 de 33% (RR=0,67, IC 95% 0,49-0,90) comparativement aux sujets qui prennent 600 mg de calcium et moins de 400 UI de vitamine D (16).
VITAMINE D ET MORTALITE
Une méta-analyse de 18 essais randomisés contrôlés portant sur la vitamine D (n=57 311 patients) a montré qu’un apport régulier de vitamine D entre 300 et 2000UI/j est associé à une diminution du risque de mortalité. Dans cette étude, les patients recevaient en moyenne 528 UI/j de vitamine D (17). Une étude conduite chez 1260 sujets âgés de plus de 65 ans, a montré l’existence d’un lien significatif entre les concentrations de 25OHD et le risque d’institutionnalisation, le risque étant significativement plus important pour des concentrations inférieures à 50 nmol/l et persistant après ajustement pour les facteurs de risque d’institutionnalisation (18). Ces données suggèrent que des concentrations basses de vitamine D seraient un des reflets de mauvaise santé et de risque d’institutionnalisation.
AUTRES EFFETS
Vitamine D et arthrose
Les chondrocytes expriment le récepteur à la vitamine D et une carence en vitamine D peut augmenter le catabolisme du cartilage (19). Des études longitudinales ont conclu que des concentrations basses en vitamine D étaient associées à une aggravation de l’arthrose du genou et de hanche (20) mais ces résultats n’ont pas été confirmés par d’autres études plus récentes (21).
Vitamine D et douleurs chroniques
Il a été rapporté chez les sujets ayant des douleurs chroniques une insuffisance en vitamine D . Des études ont suggéré que la correction de l’insuffisance en vitamine D chez des patients souffrant de neuropathie diabétique réduisant significativement l’intensité de la douleur (22).
Effet de la vitamine D sur le périodonte
Dans un essai randomisé contre placebo de 3 ans conduit chez 145 sujets (âge moyen 71,5 ans), la supplémentation par 700 UI de vitamine D et 500 mg/j de calcium diminue la perte des dents (OR=0,4 ; IC 95% 0,2-0,9); les taux de 25OHD augmentant de 71 à 112 nmol/l. Cet effet sur le périodonte est observé indépendamment de l’effet du calcium et de la vitamine D sur la densité osseuse (23).
CONCLUSION
Les effets extra-osseux potentiels de la vitamine D décrits sont liés au fait que de nombreuses cellules possèdent des récepteurs à la forme active de la vitamine D (1,25 (OH)2 D). Ceux-ci sont très intéressants d’un point de vue intellectuel. Il faut néanmoins être prudent quant aux conclusions pratiques qu’on peut en tirer.
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