Pr Jean-Marie Bourgeois : « Avec l'échographie, le MG fait une médecine plus efficiente »

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Publié le 20/06/2019
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LE QUOTIDIEN : L'échographie est le « stéthoscope du 3e millénaire », dites-vous souvent. Médecin généraliste, vous avez consacré votre carrière universitaire à l'introduction de l'échographie comme outil en médecine générale avec la création du premier DU puis du premier DIU. En quoi l'échographie vous semble-t-elle importante pour les soins primaires ?

Pr JEAN-MARIE BOURGEOIS : C'est très utile. Un médecin généraliste (MG) avec ou sans l'écho, c'est le jour et la nuit. Il y a une cinquantaine de diagnostics sûrs, faciles et rapides où l'échographie peut apporter une réponse formelle de type binaire, oui il y a ou, non il n'y a pas. Avec l'écho, le MG fait une médecine plus efficiente et la communication avec le patient change complètement.

L'échographie permet de gagner du temps, de réaliser des diagnostics plus précoces et d'apporter une évaluation immédiate aux problèmes cliniques urgents. Dans un contexte où la situation aux urgences est catastrophique, cela permettrait de désengorger les services saturés.

Par exemple, devant une douleur du mollet, le MG ne peut pas affirmer la phlébite et adresse son patient aux urgences. Or le diagnostic de phlébite en écho s'apprend en une formation de 1 à 2 heures. Autre situation, une femme vient pour douleurs pelviennes ou métrorragies en début de grossesse. L'échographie permet d'exclure la grossesse extra-utérine, de rassurer sur l'évolutivité et de dater précisément le terme. Cela permet de créer un lien fort avec le MG.

L'échographie permet aussi de faire du dépistage, notamment de l'anévrisme de l'aorte abdominale (AAA). Cela ne prend que quelques minutes. La rupture d'AAA est une urgence vitale, or il suffirait de faire le diagnostic avant pour éviter le pire.

L'utilisation de l'échographie en MG reste minoritaire, seuls 5 à 8 % seraient concernés, même si vous avez formé plus de 7 000 médecins à l'échographie depuis près de 40 ans. Quels sont les freins ?

Les médecins pensent que c'est une erreur de faire de l'écho et qu'ils vont perdre du temps. C'est une idée toute faite. Avec ne serait-ce que 2 à 5 diagnostics, le médecin gagne du temps. Et c'est un service rendu important. L'investissement est le 2e obstacle mais les suppléments d'honoraires permettent de payer la machine. L'échographie peut se louer en leasing pour 300 euros par mois, il suffit d'une à deux échos par jour.

Du côté des radiologues, il y en a sans doute qui ne voient pas d'un très bon œil le fait que des médecins moins qualifiés fassent la même chose qu'eux. C'est une réaction habituelle, mais les MG ne leur enlèvent rien. Alors que les radiologues sont surbookés, les MG leur adressent des patients sélectionnés. C'est de la meilleure médecine.

C'est très dommage que l'université n'intègre pas l'échographie dans le cursus de médecine générale. Les responsables d'enseignement estiment souvent qu'il y a suffisamment de choses à faire pour s'embêter en plus avec l'échographie. Je ne comprends pas que les choses n'avancent pas.

Les décideurs politiques doivent savoir que cet outil permet de faire une médecine plus efficiente. Les obstacles sont tout à fait surmontables. L'échographie en médecine générale est de pratique courante dans les pays du Maghreb mais aussi au Japon et en Allemagne, qui a une approche très pragmatique.

L'enseignement de l'échographie dans le cursus de MG à la faculté peine à s'imposer. Il y a une cinquantaine de diagnostics faciles, sûrs et rapides. Aujourd'hui comment se former à l'échographie ?

Les MG ont le droit de faire de l'échographie avec la contrepartie de devoir se former. Les médecins sont libres de choisir comment le faire. Libres à eux de se regrouper pour apprendre ensemble toute l'année comme c'est le cas un peu partout en France. En apprenant un diagnostic par mois, le programme est bouclé en 2 ans. 

Il existe aussi la possibilité de s'appuyer sur des formations et y compris en ligne. L'École d'Échographie Sans Frontières dispense des cours d'échographie à distance pour MG sur une durée de 2 ans. Elle délivre le certificat Post graduate Diploma in Medical Ultrasound.

Le congrès va réunir plus de 350 personnes, c'est l'occasion pour les médecins de se retrouver et de prendre contact. Les médecins qui souhaitent se former peuvent suivre l'un des ateliers DPC sur 2-3 jours proposés par le Centre Francophone de Formation en Echographie (CFFE).

 

www.congres-echographie.com

Propos recueillis par le Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9759