La survenue d’hémorragies liées à l’utilisation des anti-vitamines K (AVK) et des agents antiplaquettaires (AAP) est un risque connu et reconnu de tous. Or ces traitements sont fréquemment utilisés en préventif ou curatif des accidents thromboemboliques veineux ou artériels.
Toute intention de soins bucco-dentaires impose une attention particulière chez les patients usagés de ce type de traitement. Les principales questions que doit se poser tout praticien en prévision d’actes de chirurgie dentaire sont : faut-il arrêter transitoirement le traitement anticoagulant ou antiplaquettaire ? Doit-on relayer par héparine ou autre ? Ou peut-on continuer le traitement ? Avec ou sans diminution de la posologie ?
Des recommandations émanant de l’HAS et de la Société Francophone de Médecine Buccale et Chirurgie Buccale (SFMBCB) (1) ainsi que de la Société Française de Cardiologie ont abordé ces problématiques. Attention, ne sont pas concernées par ces recommandations les personnes ayant des pathologies cardiovasculaires non stabilisées ou des troubles innés ou acquis de l’hémostase, ni les sujets sous anti-GPIIb/IIIa ou une association AVK/agent antiplaquettaire, ou encore sous AVK seuls mais vues en urgence. Ces cas particuliers nécessitant une hospitalisation, une prise en charge multidisciplinaire et une surveillance étroite.
Planifier les soins
Un examen médical approfondi est recommandé avant la réalisation d’actes de chirurgie dentaire afin d’évaluer le risque hémorragique mais également les risques opératoires. L’avis du médecin généraliste ou du spécialiste (cardiologue, neurologue…) peut être demandé avant l’intervention. Ainsi, médecin et chirurgien-dentiste pourront déterminer ensemble une attitude adéquate.
Ainsi, en fonction de la nature de l’acte envisagé (soins dentaires, intervention chirurgicale…) et de la sévérité de la pathologie cardiovasculaire associée (complication ischémique récente, troubles du rythme…), le praticien décide ou non de l’utilité ou non d’intervenir en milieu hospitalier.
Quid des anti-vitamines K ?
Plusieurs études récentes (2) ont mis en évidence la possibilité de pratiquer des interventions de chirurgie bucco-dentaire sans arrêt ni diminution de posologie des AVK. Mais sous certaines conditions : le respect d’un protocole opératoire strict et l’obtention préalable d’un INR stable avant intervention compris dans l’intervalle thérapeutique, l’utilisation systématique des moyens d’hémostase locale (suture, colle biologique, compression locale post-opératoire…) et l’assurance d’une continuité des soins.
Ainsi, l’arrêt du traitement par AVK n’est pas systématique avant une intervention de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire. La poursuite de ce traitement est recommandée sauf en cas de risque médical associé, sous réserve de la coopération du patient et de la proximité d’une structure hospitalière capable de le prendre en charge rapidement.
Un contrôle de l’INR doit être réalisé dans les 24 heures précédant l’acte de chirurgie buccodentaire. Il est important de signaler qu’en cas d’INR inférieur ou égal à 3 et d’actes à risque hémorragique absent ou modéré, la prise en charge peut se faire en pratique de ville. A l’inverse si l’INR est supérieur à 3 et/ou le risque hémorragique élevé et/ou qu’il existe un risque médical associé, une prise en charge hospitalière est recommandée, souvent de courte durée puisque la surveillance post-opératoire peut n’être que de quelques minutes si l’INR est compris entre 3 et 4.
L’arrêt des AVK avec relai par héparine, non fractionnée ou de bas poids moléculaire, à dose curative, avant, pendant et après l’intervention, est une alternative, qui est d’ailleurs préférable en cas de patient peu coopérant ou d’intervention à risque hémorragique élevé.
Bien évidemment, en post-opératoire, l’acide acétylsalicylique est contre-indiqué. Les anti-inflammatoires majorant le risque hémorragique, toute prescription antalgique doit faire l’objet d’une recherche d’éventuelle interaction médicamenteuse avec les AVK.
Quid des antiplaquettaires ?
-› La prescription au long cours d’agents antiplaquettaires (aspirine et/ou clopidogrel), induit des modifications de l’hémostase primaire qui peuvent interférer dans la réalisation de soins dentaires.
L’arrêt des AAP entraîne une absence de prévention du risque thromboembolique pendant une période 8 à 10 jours, cause d’une augmentation des accidents thromboemboliques (accident vasculaire cérébral, syndrome coronaire aigu…) 1 à 3 semaines après l’acte. A l’inverse aucune étude n’a démontré un risque plus élevé d’hémorragies (3). Ainsi en odontostomatologie (3), le bénéfice escompté par l’arrêt des AAP semble minime par rapport aux risques de complications artério-veineuses.
De ce fait, l’arrêt de l’aspirine à faible dose (75 à 325 mg/jour) et du clopidogrel avant des soins dentaires, une chirurgie buccale, parodontale ou implantaire, n’est pas justifiée. Bien évidemment cette attitude génère un risque péri-opératoire hémorragique théoriquement accru, mais considéré comme faible et d’évolution favorable grâce aux mesures d’hémostase locale (compression, suture, hémostatiques locaux résorbables).
-› Cas particulier : l’aspirine à forte dose (supérieure à 500 mg/jour) prescrite à visée antalgique et/ou antipyrétique et/ou anti-inflammatoire. L’arrêt de l’aspirine peut donc être envisagé sans risque d’autant plus qu’il existe des alternatives thérapeutiques.
Par contre, en cas de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire, il est fortement conseillé d’arrêter le traitement et de repousser l’intervention de 5 à 10 jours. En cas d’urgence, la chirurgie pourra être réalisée mais en étant vigilant sur les éventuelles complications hémorragiques.
-› Aucun examen biologique préalable n’est nécessaire avant une chirurgie buccale chez un patient sous AAP.
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