Risque de décès par suicide après un diagnostic de cancer en Angleterre
Henson KE, Brock R, Charnock J, & al. Risk of Suicide After Cancer Diagnosis in England JAMA Psychiatry 2019 ;76:51-60. http://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2018.3181
CONTEXTE
Bien que le pronostic soit différent selon le type ou le stade de la maladie, le diagnostic de cancer peut provoquer une détresse psychologique (1). Deux revues systématiques ont suggéré que le risque de suicide était plus élevé chez les patients atteints d’un cancer que chez ceux qui en étaient indemnes (2, 3).
OBJECTIFS
Quantifier le risque de suicide des patients cancéreux résidant en Angleterre et identifier les facteurs susceptibles de repérer les sujets les plus à risque pour leur proposer un suivi rapproché.
MÉTHODE
Étude de cohortes sur bases de données du registre national anglais des cancers et sur les certificats de décès de l’Office national des statistiques de la population générale.
→ Elle a concerné les patients âgés de 18 à 99 ans ayant reçu un diagnostic de cancer entre janvier 1995 et décembre 2015 avec un suivi jusqu’en août 2017. Les patients atteints de cancers cutanés qui n’étaient pas des mélanomes ont été écartés. Le critère de jugement principal était le décès par suicide chez les cancéreux comparativement à celui de la population générale de même âge et de même genre, avec des analyses en sous-groupes selon le type de cancer, le genre et le délai entre la date du diagnostic et celle du décès par suicide.
→ Le ratio standardisé de mortalité (RSM) et l’augmentation du risque absolu de suicide (ARA) ont été calculés par le rapport du taux de suicide observé dans la population cancéreuse sur le nombre attendu de décès par suicide dans la population non cancéreuse ajustés sur l’âge (par tranches de 5 ans), le sexe et la date du diagnostic.
RÉSULTATS
Au total, 4 722 099 patients ayant reçu un diagnostic de cancer (50,3 % de femmes) ont été répertoriés entre janvier 1995 et décembre 2015. Un peu plus de 73 % d’entre eux avaient 60 ans ou plus. La durée moyenne de suivi a été de 4,67 ans. La population générale de comparaison comportait 22 millions de sujets.
→ 2 491 patients cancéreux sont décédés par suicide pendant la période allant jusqu’à fin août 2017, soit 6 pour 10 000, ou 0,08 % de la totalité des décès dans cette population. L’augmentation relative du risque de décès par suicide par rapport à la population générale était de 1,20 (IC95 % = 1,16-1,25) ce qui représentait 0,19 décès en plus pour 10 000 sujets/année (ou 2 supplémentaires pour 100 000).
→ Certains cancers étaient plus à risque de décès par suicide : RR = 4,51 pour le mésothéliome, correspondant à 4,2 décès en plus par suicide pour 10 000 sujets/année. Le RR était de 3,89 pour le cancer du pancréas, 2,65 pour l’œsophage et 2,57 pour le poumon. Le risque relatif était plus élevé dans les tranches d’âge > 60 ans, au cours des 6 premiers mois suivant le diagnostic (RR = 2,74) et plus faible chez les femmes.
COMMENTAIRES
→ Les résultats de cette étude montrent une augmentation relative significative de 20 % du risque de décès par suicide chez les patients ayant reçu un diagnostic de cancer comparativement à la population générale. Cette augmentation relative apparemment importante ne correspond qu’à 0,19 décès en plus pour 10 000 patients suivis pendant 10 ans, ce qui est peu mais non négligeable pour les familles.
→ Au-delà de ces résultats bruts, cette étude très intéressante donne des pistes pour identifier les patients et les conditions médicales les plus à risque : les six premiers mois après l’annonce, le genre masculin et les cancers à plus mauvais pronostic : mésothéliome, pancréas, œsophage et poumon.
→ Ces éléments sont importants et utiles pour mettre en place un suivi empathique, disponible, compréhensif et rapproché du patient, proposé dès l’annonce du diagnostic, et si le cancer est de mauvais pronostic. Il reste à démontrer qu’une telle démarche d’accompagnement du patient est susceptible de réduire le risque de décès par suicide chez les cancéreux. Compte tenu du faible risque de base, il est probable que ce genre d’essai ne verra jamais le jour.
Bibliographie
1- Pitman A, Suleman S, Hyde N, & al. Depression and anxiety in patients with cancer. BMJ 2018;361:k1415. http://doi.org/10.1136/bmj.k1415
2- Anguiano L, Mayer DK, Piven ML, & al. A literature review of suicide in cancer patients. Cancer Nurs 2012;35:E14-E26. http://doi.org/10.1097/NCC.0b013e31822fc76c
3- Robson A, Scrutton F, Wilkinson L, & al. The risk of suicide in cancer patients: a review of the literature. Psycho-oncology 2010;19:1250-8. http://doi.org/10.1002/pon.1717
Liens d'intérêts
Aucun
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