L'asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes qui provoque des épisodes récurrents de sifflements, d’oppression thoracique, d’essoufflement et de toux, en particulier la nuit, au petit matin, à l’effort (1). Ces symptômes, associés à une obstruction bronchique, régressent spontanément ou, le plus souvent, sous l’influence de traitements bronchodilatateurs. Le GINA (Global Initiative for Asthma) insiste sur le fait que, quelle que soit sa gravité, l’asthme est associé à une inflammation des voies aériennes et à une hyperréactivité bronchique à différents stimuli aussi bien chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte (2).
Cet article ne traite pas de l’asthme du nourrisson et du petit enfant jusqu’à 3-4 ans qui relève d’une prise en charge spécifique.
DIAGNOSTIC
-› Une crise d’asthme correspond à l’apparition brutale ou progressive (précédée alors de prodromes qui sont souvent les mêmes chez le même enfant tels la toux, le rhume, la conjonctivite, le prurit auriculaire, les troubles de l’humeur, etc.) de sifflements respiratoires, expiratoires, audibles à distance ou avec l’aide du stéthoscope. Cette gêne est décrite comme une striction thoracique, un étouffement, mais les jeunes enfants peuvent la verbaliser comme une douleur.
À l’auscultation on perçoit des râles sifflants (sibilances en France, wheezing pour les Anglo-Saxons), diffuses et bilatérales, ce qui permet d’éliminer un diagnostic important chez l’enfant : le corps étranger bronchique (CEB) où les sifflements n’affectent qu’un seul poumon.
-› Les équivalents de l’asthme. Le principal d’entre eux est la toux : nocturne, sèche, à l’effort, à la respiration d’air froid. Elle s’accompagne parfois de sibilances à l’auscultation.
LES ELEMENTS DU DIAGNOSTIC.
-› L’interrogatoire est le premier outil du diagnostic : la réponse par « oui » à l’une des questions indiquées dans l’encadré 1 rend le diagnostic très plausible. L’auscultation recherche des sifflements, en particulier après respiration ample.
-› Pour tout asthmatique, il faut avoir effectué (au moins une fois) un cliché thoracique de face (si possible en inspiration et en expiration) pour éliminer un « faux asthme » (CEB, kyste bronchogénique de la carène, anomalie vasculaire, etc.).
-› Une exploration allergologique (indispensable) aura précisé si l’asthme est allergique IgE-dépendant (›80 % des cas) ou non (Voir tableau 1 bis).
-› Il est impossible de formuler le traitement de fond de l’asthme sans une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) : il ne s’agit pas d’une mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) à l’aide d’un appareil portatif (appelé « peak flow »), mais d’une exploration complète au laboratoire (boucle débit-volume, spirographie, ou autre technique), dès que la coopération de l’enfant le permet (autour de 6 ans, parfois 5 ans).
CLASSIFICATIONS DE L’ASTHME
Terminologie
Le médecin généraliste doit connaître les 2 classifications de l’asthme, selon la gravité de la crise et selon la sévérité à long terme.
-› La première (Voir tableau I) permet d’apprécier la gravité immédiate de la crise et de formuler son traitement (les bêta2-stimulants d’action rapide). Les stades 3 et 4 définissent l’asthme aigu grave (AAG), naguère appelé «pré-état de mal » ou « état de mal asthmatique », deux termes qui sont devenus obsolètes.
-› La seconde (Voir tableau II) sert à instaurer un traitement de fond (si c’est nécessaire) selon des recommandations internationales régulièrement actualisées (2).
-› Le terme exacerbation désigne la succession de crises d'asthme pendant une période de quelques jours (une semaine par exemple), autrefois appelé « attaque d’asthme » (terme désuet). Une exacerbation est grave si elle nécessite une corticothérapie orale ou si le DEP a chuté de plus de 30 % au-dessous des valeurs initiales pendant 2 jours successifs. Non traitée, elle conduit à l’asthme aigu grave.
Difficultés de classification
S’il est assez facile de bien classer l’asthme persistant léger (le plus fréquent), le classement des autres stades est difficile, même par des spécialistes (3).
-› Les meilleurs index sont les symptômes nocturnes, les symptômes diurnes, les résultats des EFR.
Il faut aussi tenir compte de la variabilité des symptômes dans le temps. Calhoun et al. (4) ont suivi pendant 12 semaines, 85 enfants initialement considérés comme atteints d’asthme persistant (modéré ou sévère). En dépit de cette cotation, ils ont passé 23% de leur temps avec un asthme intermittent ou persistant léger pendant les 12 semaines du suivi. Inversement, certains patients ont peu de crises, une EFR intercritique satisfaisante (ou presque), mais sont capables de développer des crises soudaines et graves qui les conduisent aux urgences ou aux soins intensifs. Par conséquent, méconnaître que l’asthme peut être variable avec le temps, c’est s’exposer aussi bien à une sous-estimation qu’à une surestimation de la gravité de l’asthme.
-› Pour toutes ces raisons, il est préférable de classer les patients par niveau de contrôle (Voir tableau III) que par niveau de sévérité.
TRAITEMENT DE LA CRISE (1,2)
-› Le schéma de traitement de la crise d’asthme habituelle (stades 1 et 2) à domicile, recommandé par le GINA, basé sur un bêta2-stimulant d’action rapide et brève (B2CA) de préférence par voie inhalée (par exemple le salbutamol) : 2 bouffées d’emblée, puis toutes les 15-20 minutes pendant une heure (ce qui fait environ 8-10 bouffées en une heure).
-› Evaluation médicale à H1 :
- Amélioration nette : continuer le B2CA (une bouffée toutes les 48 heures) en ajoutant éventuellement une corticothérapie orale (1 à 2mg/kg/jour pendant 3 jours, sans dépasser 60 mg/jour, à stopper sans dégression).
- Absence d’amélioration : prendre un avis aux urgences. En cas d’éloignement des structures de soins : injection sous-cutanée de terbutaline (1/2 ampoule 0,25 mg) + transport médicalisé (plusieurs études ont antérieurement montré que la médicalisation de l’urgence en matière d’asthme avait considérablement réduit la mortalité et la morbidité).
- Cas particuliers (Stade 3 et 4 : asthme aigu grave et menace de mort par asthme) : B2-CA à fortes doses par chambre d’inhalation (et/ou terbutaline sous-cutanée) + voie veineuse (corticoïdes IV) + oxygénothérapie = transport médicalisé + hospitalisation aux urgences.
-› Toujours consulter les urgences si la crise est "perçue comme différente des autres" par sa survenue, sa soudaineté.
TRAITEMENT DE FOND
Les médicaments du traitement de fond : quand les utiliser ?
-› Au stade d’asthme intermittent, il n’est pas nécessaire de proposer un traitement de fond quotidien : le traitement symptomatique des crises (épisodiques) est simplement préconisé.
-› La maîtrise de l’environnement est primordiale : suppression de tout tabagisme passif, éviter les exercices en cas de pollution atmosphérique de niveau II (Voir encadré 3). S’il existe une allergie, l’éviction des allergènes (acariens surtout, animaux, moisissures, pollens) est nécessaire. S’il existe une rhinite allergique associée, il est reconnu que son traitement symptomatique (anti-H1 per os ou intra-nasaux, corticoïdes intra-nasaux) améliore la morbidité de l’asthme. Une immunothérapie spécifique (ITS) est discutée en cas d’allergie aux pollens ou aux acariens non contrôlée par les mesures d’éviction et/ou par le traitement symptomatique. La prévention de l’asthme induit par l’effort (AIE) est indispensable (voir article précédent sur AIE).
-› Au stade d’asthme persistant léger, les corticoïdes inhalés (CI) sont recommandés à faible dose. Le Tableau IV montre les CI disponibles chez l’enfant, classés selon leurs posologies (faibles doses, doses moyennes, fortes doses).
-› Au stade d’asthme persistant modéré, le traitement de choix est représenté par les CI à dose faible ou moyenne, associés aux bêta-2 stimulants de longue durée d’action (B2-LA) ou a un antileucotriène (ALT) per os, également actif sur l’AIE.
-› Au stade d’asthme persistant sévère, le médecin traitant doit prendre un avis spécialisé car ce type d’asthme (moins de 5% des asthmes de l’enfant et de l’adolescent) ou « asthme difficile » pose trois types de problèmes :
1) S’agit-il bien d’un asthme ?
2) Est-ce que tous les facteurs de risque ont été identifiés ?
3) Pour l’asthme réellement « difficile », le traitement associe CI à fortes doses + B2-LA + ALT et fait discuter en cas d’hyper-IgE la mise en œuvre de l’omalizumab (anti-IgE).
Dose d’attaque des CI
La mise en route du traitement par les CI peut se faire selon deux techniques : descendante (step down) ou ascendante (step up). La stratégie ascendante part d’une dose faible de CI, à augmenter si nécessaire après le premier contrôle (au bout d’un mois). Au cours de la stratégie descendante, la dose initiale de CI est volontairement forte (›400 µg de budesonide ou équivalent) pour faire rapidement disparaître les symptômes, puis, au bout d’un mois on diminue les doses pour rechercher la posologie minimale utile. La stratégie ascendante est privilégiée pour réduire au maximum la posologie des CI.
CONTRÔLE DE L’ASTHME ET SURVEILLANCE DU TRAITEMENT
L’utilisation d’un système de 5 paliers thérapeutiques d’intensité croissante est recommandée ( Voir tableau V). En fonction du niveau de contrôle, on augmente progressivement la pression thérapeutique.
-› Quel que soit le palier, le patient doit prendre un B2-CA à la demande en cas de symptômes (traitement de secours). La consommation de B2-CA permet d’évaluer l'efficacité du traitement de fond. Lorsque le traitement de fond est efficace et le patient stabilisé, la consommation de B2-CA est minimale (idéalement nulle). L'augmentation de la consommation de B2-CA traduit une déstabilisation de la maladie et conduit à renforcer le traitement de fond. Cette notion, la première à apprendre à l’asthmatique, constitue un volet essentiel de l'éducation l’asthmatique (Voir encadré 2).
-› La durée des paliers thérapeutiques est de 1 à 3 mois (le plus souvent). Il faut réévaluer le traitement (ou toute modification du traitement) au bout de 3 mois. Si une corticothérapie orale a été nécessaire, la réévaluation se fera à 15-30 jours (pour un enfant ou un adolescent).
-› L’adaptation du traitement est fonction du niveau de contrôle de l’asthme et du traitement de fond en cours.
En cas de contrôle insuffisant, on passe au palier supérieur ; en cas de contrôle satisfaisant, on passe au palier inférieur. Le niveau de contrôle est apprécié par la réalisation de tests comme l’Asthma Control Test (ACT) (Voir tableau 6). Les pneumologues se servent aussi de la mesure du NO exhalé (NOe) à l’aide d’appareils miniaturisés : la baisse et le retour à la normale du NOe traduisent la bonne équilibration thérapeutique.
La décroissance des CI peut être commencée lorsque l’asthme est stabilisé depuis au moins 3 mois. À l’inverse, un asthme mal contrôlé par un palier thérapeutique donné, nécessite une augmentation de niveau de traitement avec réévaluation au cours du mois suivant.
Il faut alors vérifier qu’il n’existe pas d’autres causes expliquant le mauvais contrôle :
- Défaut d’observance,
- Utilisation incorrecte des dispositifs d’inhalation,
- Exposition persistante aux allergènes (en particulier les blattes) ou aux irritants non spécifiques (tabac),
- RGO,
- Rhinosinusite,
- Dysfonctionnement laryngé épisodique,
- Obésité,
- Déficit en vitamine D.
-› La fréquence de surveillance est ensuite adaptée à la sévérité et au contrôle de l’asthme. Tous les asthmatiques doivent avoir une EFR au moins une fois par an, la normalisation (ou presque) des EFR étant l’un des objectifs du traitement. Un suivi à long terme est nécessaire (consultation spécialisée annuelle avec EFR par an), lorsque le traitement de fond est arrêté. L’éducation de l’asthmatique doit être effectuée et renforcée à chaque consultation.
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