Françoise, 64 ans, a constaté depuis une semaine la présence d’un purpura des membres inférieurs (Voir photo 1). Elle se plaint aussi de douleurs gingivales en relation avec une gingivite, et nous constatons qu’elle a perdu quelques dents, et que certaines ont tendance à se déchausser (Voir photo 2). Françoise nous explique avoir été licenciée depuis un an, et reconnaît qu’avec son fils handicapé (elle vit seule avec lui), les fins de mois sont difficiles. Elle a du sacrifier son budget alimentaire ; se nourrissant surtout de conserves et féculents. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments (purpura, hypertrophie gingivale, mais surtout les modifications de son alimentation), nous devons penser à une carence en vitamine C. Le dosage de l’acide ascorbique au niveau plasmatique confirme le diagnostic : 3mg/l (N entre 6,2 et 14).
Les populations à risques
Le scorbut, bien que souvent décrit dans les pays en voie de développement, est une pathologie que peuvent rencontrer les praticiens dans les cabinets de médecine générale.
Cette entité, décrite dès le XVe siècle au sein de la marine britannique, a conduit l’Armée anglaise à se pencher sur les raisons de ce déficit : une carence en agrumes.
Actuellement, ce déficit (même s’il est bien connu) se rencontre dans des populations en grande précarité ; ces dernières ayant des difficultés économiques à acheter fruits et légumes frais.
La vitamine C ou acide ascorbique est un élément essentiel pour la formation et l’entretien du matériel intracellulaire. Elle est soluble dans l’eau, et la chaleur la détruit. Les besoins journaliers sont de 50mg pour l’homme, et 60 mg pour la femme. Le scorbut apparaît dès lors que l’alimentation apporte une quantité de vitamine C inférieure à 10 mg/j.
Aspects cliniques de la carence en vitamine C
-› Dans un premier temps (généralement au bout de plusieurs mois de carence) des signes aspécifiques avec asthénie, irritabilité, perte de poids, arthralgies et myalgies sont décrits.
-› Des atteintes gingivales sont par la suite décrites avec des gingivites, des gencives violettes, des chutes de dents et une hypertrophie gingivale.
-› Compte tenu d’une anomalie dans l’hydroxylation du procollagène, une fragilisation capillaire survient. Elle est responsable de manifestations hémorragiques multiples. Au niveau cutané, nous assistons à des pétéchies et des hémorragies périfolliculaires sur les jambes essentiellement. Les poils sont fragmentés et enfermés (en tire-bouchon) dans des papules hyperkératosiques folliculaires. Des hémorragies en flammèche se rencontrent au niveau unguéal. Une compression du nerf fémoral secondaire à une hémorragie dans le canal fémoral peut survenir. Des hémorragies sont mises en évidence aussi au niveau du périoste des os longs et dans les articulations donnant (surtout chez l’enfant) des œdèmes douloureux. Le sternum peut s’enfoncer en donnant le rosaire scorbutique (élévations des extrémités des côtes). Des hémorragies, intracérébrales et rétrobulbaires peuvent provoquer le décès du patient.
-› Parallèlement, des surinfections surviennent facilement, et leur guérison est plus lente.
Diagnostics différentiels
-› En ce qui concerne le purpura, on pense à toutes les causes de troubles de la crase sanguine secondaires à des thrombocytopénies, des coagulopathies, la prise d’anticoagulants, des cryoglobulinémies et des vascularites.
-› Les hypertrophies gingivales peuvent être secondaires à un défaut d’hygiène, la prise de certains médicaments comme la ciclosporine, la grossesse ou la leucémie.
Diagnostic positif
-› Le dosage d’acide ascorbique permet d’avoir une idée sur une carence en vitamine C. Cependant, le prélèvement doit être rapidement centrifugé avant d’être acheminé dans un laboratoire de référence sous peine d’avoir un résultat inexact.
-› Le dosage le plus utile (mais difficile à utiliser en routine) est celui de la vitamine C contenue dans les globules blancs, et dont la teneur normale est de 16 mg/l. Dans le cas d’un scorbut, les manifestations cliniques sont mieux corrélées avec la teneur globulaire que la teneur plasmatique.
-› On retrouve également une anémie hypochrome hyposidérémique, car la vitamine C est nécessaire dans l’absorption de fer au niveau de la muqueuse gastro-duodénale.
-› Les radiographies osseuses peuvent être de bons indicateurs chez les enfants exclusivement. Ainsi on met en évidence une perte des trabécules qui aboutit à une image en verre dépoli. Une ligne de cartilage calcifié, irrégulier (ligne blanche de Fraenkel) est parfois visible au niveau métaphysaire. Les marques d’hémorragies sous-périostés anciennes se caractérisent par une surélévation du périoste.
-› Il est également possible d’avoir recours au test de fragilité capillaire ; il n’est pas spécifique, mais peut être facilement réalisé. Il consiste à gonfler un brassard avec une pression intermédiaire entre la systolique et diastolique, et de laisser ce brassard 5 mn. Le test se révèle positif si des pétéchies apparaissent sur l’avant-bras.
Traitement
Sans traitement, la carence en vitamine C peut être fatale.
Sous traitement, les hémorragies spontanées disparaissent dans les 24 heures, par contre la gingivite sera plus longue à disparaître. À titre curatif (en l’absence de vomissements), la vitamine C est administrée à raison de 500 mg per os quatre fois par jour, et ce durant une à deux semaines. Par la suite, à titre préventif, il faut conseiller au patient de consommer des fruits et légumes frais.
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