Pierre, 44 ans, consulte pour des lésions cutanées planes hypopigmentées au niveau du dos des deux mains. Les lésions ne présentent ni atrophie ni hyperkératose, ni infiltration et ne sont pas prurigineuses. Les limites avec la peau avoisinante sont nettes. Pierre est en bonne santé, ne prend aucun traitement, le reste du revêtement cutané est normal. Il souffre cependant du regard des autres sur ses mains et demande de l'aide.
L’EXAMEN CLINIQUE
À l'examen les lésions de Pierre sont des taches dépigmentées à rebord convexe de 4 cm de diamètre. Le passage avec la peau avoisinante est net. Ces macules achromiques sont typiques d'un vitiligo. Il s'agit du diagnostic le plus probable, les autres macules dépigmentées (nævus achromique, morphée, pityriasis versicolor, eczématides achromiantes) ne sont pas bilatérales, ou ne siègent pas sur les mains ou bien la peau n'a pas une consistance normale. Pierre présente un vitiligo bilatéral et symétrique, forme la plus fréquente de vitiligo (90 % des cas). Le diagnostic repose uniquement sur la clinique. Il n'existe aucun critère biologique spécifique. La biopsie n'est pas nécessaire au diagnostic.
Les lésions peuvent siéger sur tout le corps avec une prédilection sur les zones de frottement au niveau du dos des mains (comme Pierre), des pieds, des plis - coude, genou, aine - et autour des orifices naturels.
QUELLE EST LA PHYSIOPATHOLOGIE ?
Le vitiligo est la conséquence d'une disparition progressive localisée des mélanocytes responsables de la pigmentation cutanée. Le mécanisme de cette disparition est inconnu. La disparition des mélanocytes peut être partielle ou totale après quelques années d'évolution. L'examen de la peau à la lampe à ultra-violets de Wood permet de préciser la persistance ou non de mélanocytes et d’éliminer un diagnostic différentiel. Il permet aussi d’apprécier l’évolutivité de la maladie.
Chez un même patient, il peut exister des taches présentant un déficit total en mélanocytes et d'autres, comme Pierre, où ce déficit est partiel.
-› L’origine auto-immune est la plus largement acceptée. Dans 20 % des cas, le vitiligo est associé à des maladies auto-immunes : hypothyroïdie, maladie de Basedow, thyroïdite de Hashimoto (1).
-› Le vitiligo n'est pas héréditaire, mais une susceptibilité familiale est présente dans 30 % des cas. Une mutation sur le gène NALP1 (NACHT leucine-rich-repeat protein 1) a été identifiée comme corrélée au risque de développer un vitiligo (2).
TENIR COMPTE LE VECU DU PATIENT
Il faut rassurer Pierre, le vitiligo n'est ni grave ni contagieux. Cependant, les répercussions psychiques liées au préjudice esthétique en font toute la gravité. Le vitiligo est une maladie « affichante » créant souvent un mal-être, à l'origine d'un repli sur soi, d'isolement et de dépression. Un soutien psychologique peut être nécessaire. Une information précise doit permettre au patient de connaître le fonctionnement de la peau, de disposer de mots pour parler de sa maladie et de l’expliquer à son entourage. Mais les lésions de vitiligo des extrêmités se repigmentent moins bien que la tête et le cou.
PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES (3)
L'objectif du traitement est la repigmentation. Le traitement local est possible pour les formes localisées. Il fait appel aux corticoïdes (5) d’activité très forte (type clobétasol (Dermoval*)) en dehors du visage.
Les inhibiteurs de la calcineurine en pommade (tacrolimus (Protopic*)) qui n'ont pas d'AMM dans cette indication sont parfois utilisés avec succès.
• La stimulation des mélanocytes résiduels par les UV est une option thérapeutique (puvathérapie, UVBthérapie à bande étroite). La photothérapie ciblée (lampe Excimer) est préférée pour ne pas irradier tout le corps. Le traitement dure plusieurs mois, les rechutes sont fréquentes.
• Exposition solaire progressive dès le printemps.
• En l'absence de réservoir mélanocytaire, une greffe de mélanocytes est proposée dans des indications limitées : surface < 200 à 300 cm², lésion non évolutive depuis 2 ans et non soumise à des traumatismes répétés (3).
• Le maquillage fait partie du traitement, des ateliers de maquillage dispensés par l'association afvitiligo permettent de masquer efficacement les lésions.
EN PRATIQUE DE VILLE
Il est souhaitable qu’un patient présentant des lésions de vitiligo soit adressé en dermatologie avant tout traitement. Le spécialiste confirme le diagnostic, et suit l’évolution. Pour cette raison, il est préférable que les plaques de vitiligo soient naïves de tout traitement. Dans l’intervalle, le patient doit avoir un dosage de TSH, à la recherche d’une thyroïdite.
De manière générale, si le délai de rendez-vous est vraiment long, si les lésions siègent au niveau du corps, si le patient est adulte, les dermocorticoïdes peuvent être prescrits avant la consultation.
Aucune prévention spécifique n’est à suivre, la protection solaire reste celle préconisée pour tout individu, avec un indice plus élevé sur les lésions achromiques.
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