BPCO

UNE "BRONCHITE" DU FUMEUR

Publié le 07/12/2018
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Souvent jugées bénignes par le patient, les exacerbations aiguës de BPCO comportent un risque vital. Le généraliste se doit de les reconnaître et de juger de l’efficacité de son traitement à 24-72 heures si le patient n’est pas hospitalisé. Les bronchodilatateurs inhalés restent la base du traitement. Les corticostéroïdes ne sont pas systématiques.
Cigarette

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Crédit photo : SPL/PHANIE

Alain T., 53 ans, fume depuis l’âge de 17 ans. Il est traité pour une HTA et il a présenté il y a cinq ans un syndrome coronaire aigu au décours duquel un traitement par bêtabloquants a été initié. L'interrogatoire ne retrouve pas d'antécédents respiratoires bien précis, si ce n’est des « signes de bronchite » en hiver. Le dernier épisode date de février 2018, avec une toux prolongée et un inconfort respiratoire inhabituel traité par antibiotiques et corticostéroïdes oraux. Il n’a pas cessé de fumer ni fait de bilan respiratoire. à l’automne 2018, il consulte en pneumologie à la demande expresse de son médecin, alors qu’il présente à nouveau une fièvre passagère, une toux invalidante post-rhinite, des expectorations muqueuses abondantes et une dyspnée qui l’oblige à interrompre son travail. Les antibiotiques sont restés sans effet. À l'examen, pas de fièvre, sa FR est à 20/min, son pouls à 89 BPM, des râles bronchiques bilatéraux discrets sont retrouvés, une SPO² est à 94 %. Le patient décrit une dyspnée à la montée des escaliers mais il a pu marcher dans le couloir de consultation sans difficulté. La spirométrie effectuée d’emblée montre un déficit ventilatoire obstructif modéré – VEMS à 75 % de la valeur normale et VEMS/CV (rapport de Tiffeneau) à 78 % de la valeur normale. L’inhalation de bêta²-mimétiques ne fait pas progresser le VEMS. Un traitement par bronchodilatateurs inhalés et l’acceptation d’un sevrage tabagique à l’aide de patchs nicotiniques permettent une amélioration de l’état respiratoire.

L'EXACERBATION DE BPCO

Il s’agit bien d’une EA-BPCO. Elle est définie par une majoration des troubles respiratoires (toux, expectoration, dyspnée) qui nécessite une action thérapeutique particulière, bien au-delà de la variation de l’état respiratoire, résolue spontanément ou par les bêta²-mimétiques le plus souvent.

L’exacerbation aiguë est souvent le révélateur de la BPCO chez des patients qui se refusent à considérer leurs troubles chroniques (toux, dyspnée) comme pathologiques. Dans ce cas précis, la spirométrie était utile pour démontrer l’existence d’une BPCO (TVO non réversible). Chez un patient connu préalablement pour une BPCO, la spirométrie pendant une exacerbation aiguë n’apporte rien.

Il faut évoquer à chaque fois un diagnostic différentiel : l’histoire clinique ne permet pas d’évoquer une EP dans l’histoire de ce patient, ni même une pneumopathie infectieuse voire une insuffisance cardiaque. En cas de doute, la radiographie thoracique et le dosage de marqueurs biologiques (D-Dimères, BNP) peuvent aider au diagnostic.

FAUT-IL HOSPITALISER CE PATIENT ?

Il s’agit manifestement d’une exacerbation peu sévère survenant chez un patient présentant une BPCO de stade GOLD II. Les critères de gravité et d’indication à une hospitalisation sont absents. En particulier : âge < 70 ans, obstruction modeste, dyspnée modérée, pas de trouble neurologique évoquant une hypercapnie, pouls cardiaque < 100 BPM, SpO² > 90 % en air ambiant… Ces critères de gravité doivent être réévalués 24 à 72 heures après mise en route du traitement en raison d’évolutions parfois inattendues.

LE TRAITEMENT

→ Pour l’épisode de février 2018 ou le plus récent, il n'y a pas d’indication à une antibiothérapie ni même à une corticothérapie systémique. En effet, les antibiotiques sont réservés au EA-BPCO dont l’origine bactérienne est assez probable (caractère franchement purulent des expectorations) et aux EA-BPCO qui s’aggravent malgré un premier traitement adapté. De même, en présence d’une BPCO jugée sévère avec comorbidités et signes de gravité (patients hospitalisés en règle), l’antibiothérapie est de mise. L’ECBC (examen des crachats) n’est pas utile, sauf en cas d’échec d’une première antibiothérapie qui a échoué ou si le patient est connu pour être porteur chronique de pseudomonas aeruginosa.

→ Pour ce qui est des corticoïdes systémiques, ils ne sont pas systématiques mais réservés aux patients qui ne s’améliorent pas sous traitement optimal, à raison de 30-40 mg/jour de prednisone pendant cinq jours.

→ Chez ce patient, la prescription de bronchodilatateurs de courte durée d’action était indiquée, et en priorité les bêta²-mimétiques. Chez les patients déjà traités, on peut majorer les doses en utilisant si besoin des nébulisations.

LE SUIVI

À distance de l’exacerbation, une réévaluation spirométrique permet de juger de la fonction respiratoire à l’état basal et de mieux préciser le stade GOLD de la maladie. La prescription de bronchodilatateurs de longue durée d’action pourra alors débuter. La poursuite des bêtabloquants n’est pas contre-indiquée, sous réserve qu’ils soient cardiosélectifs. Toute exacerbation est l’occasion d'un sevrage tabagique, d'une vaccination contre la grippe et contre le pneumocoque.

Critères cliniques d’hospitalisation lors d’une EA-BPCO

Sujet âgé (> 70 ans)

• Présence de comorbidités

• BPCO sévère (stade III) ou très sévère (IV)

• Signes cliniques de gravité immédiate (utilisation des muscles respiratoires accessoires, respiration paradoxale, cyanose, FC > 100 ou FR > 30, OMI, altération de la conscience).

• Dégradation rapide ou augmentation marquée des symptômes (dyspnée de repos) ou dégradation majeure par rapport à l’état de base.

• Exacerbations fréquentes ou épisode récent d’évolution défavorable

• Difficulté diagnostique

• Patient isolé, aides à domicile insuffisantes.

Bibliographie

1- Collège des enseignants de pneumologie. Bronchopneumopathie chronique obstructive. Item 205. 2017 http://cep.splf.fr/wp-content/uploads/2017/03/2017_item_205_BPCO.pdf

Dr Robert Barbier (pneumologue, Avignon)

Source : lequotidiendumedecin.fr