Mr Albert V. 75 ans, diabétique depuis 20 ans, traité par metformine et hypertendu depuis 10 ans, traité par énalapril. Veuf depuis deux ans, éloigné de ses enfants, il se nourrit très mal mais garde un poids correct. Il a beaucoup souffert cet hiver de sa polyarthrose. Il vient me consulter avec ses résultats biologiques trimestriels : HbA1c à 7,5 %, glycémie à jeun à 1,30g/l, créatinémie à 30mg/ml qui a doublé en trois mois ainsi que la micro-albuminurie. Tout en prenant sa TA (150/90 mmHg), je l'interroge. « J'ai pris beaucoup d'anti-inflammatoires : même la nuit, tant j'avais mal aux articulations, et le paracétamol, ça me fait pas grand-chose ». Je lui explique que sa fonction rénale a probablement été altérée par les AINS et qu’il faudrait compléter le bilan.
Comment analyser ce cas ?
Ce patient est à risque d'insuffisance rénale chronique à cause de son HTA, de son diabète et de sa prise chronique de médicaments néphrotoxiques représentés ici par les AINS. Le problème est de savoir comment poser le diagnostic d’insuffisance rénale chronique chez ce patient dénutri de 75 ans. Pour mémoire, concernant la créatinine, il suffit de multiplier par 8,84 le chiffre en mg pour obtenir des mmoles.
-› Ce patient a donc une créatinémie à 265,2 mmoles/l. Il peut s'agir d'une insuffisance rénale fonctionnelle chez ce patient âgé qui se nourrit mal ou d'une insuffisance rénale aiguë médicamenteuse. Cependant, sont en faveur d'une IRC : le diabète, l'HTA, la prise chronique de ses antalgiques (AINS) et l'existence antérieure d'une micro-albuminurie. Une anémie normochrome normocytaire arégénérative et/ou une hypocalcémie (non mentionnés dans cette observation) et/ou une hyperphosphorémie, et/ou une hyperparathyroïdie secondaire renforceraient encore l'hypothèse d'une IRC, sans oublier un déficit en 25 OH D3. Mais ce patient dénutri pourrait manquer de vit B12, de folates et/ou de calcium ce qui modifierait les données biologiques.
Comment définir une insuffisance rénale ?
En pratique courante, on "estime" (par opposition à "on mesure") le débit de filtration glomérulaire (DFG) par la formule de Cockcroft et Gault 5 corrigée à la surface corporelle (1,73m2) sauf chez le malade obèse (IMC › 30) et chez le sujet de plus de 75 ans pour lesquels la formule est inconnue ou peu évaluée. A noter que la formule MDRD (pour « Modified Diet in Renal Disease study ») est pour l’instant abandonée. Pour chaque demande de créatinémie, l'âge le poids et le sexe du patient devraient être transmis au biologiste pour qu'il puisse "estimer" le DFG.
La créatinémie est un marqueur imparfait du DFG. Elle garde cependant une valeur d'alerte. En effet, 85 % des adultes avec un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73m2 ont une créatinémie supérieure à 15,4 g/l (137 mmol) pour les hommes et supérieure à 11g/l (104 mmol) chez les femmes.
-› L’IR légère (stade I) est définie par un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73m2. L'IR modérée (stade II) est définie par un DFG compris entre 30 et 59. L’IR sévère (stade III) par un DFG compris entre 29 et 15. Et l’IR terminale (stade IV) par un DFG inférieur à 15. Mais une maladie rénale chronique peut coexister avec un DFG supérieur ou à 60 ; dans ce cas, elle est définie par des marqueurs d'atteinte rénale persistant depuis plus de trois mois.
Quels sont les marqueurs d'atteinte rénale ?
Ces marqueurs sont biologiques urinaires et échographiques.
-› Concernant les marqueurs biologiques, il s'agit de l'albuminurie, de la protéinurie, de la microalbuminurie chez le diabétique ou l’hypertendu, de l'hématurie et de la leucocyturie. Théoriquement, l'albuminurie physiologique doit être comprise entre 0 et 50 mg/24h, la microalbuminurie entre 50 et 300 mg/24h, la protéinurie franche supérieure à 300 mg/24h. En pratique, ces dosages se font sur échantillon ; c'est pourquoi on demande aussi la créatinurie. Un rapport « protéinurie sur créatininurie » supérieur à 200 (mg/g) et un rapport « albuminurie sur créatininurie » supérieur à 2 (mg/micromol) signent une IRC, même si le DFG est normal.
L'hématurie est pathologique quand les GR sont supérieurs à 10 000 par ml ; la leucocyturie est pathologique quand les GB son supérieurs à 10 000 par ml.
-› Concernant les marqueurs échographiques, l'asymétrie, de taille, les contours bosselés, les reins trop gros ou trop petits, une lithiase ou une hydronéphrose doivent être recherchés.
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