C’est une habituée de l’établissement qui met sous pression les équipes soignantes. À l’hôpital psychiatrique Pierre Janet au Havre, une patiente particulièrement dangereuse sème la terreur parmi les infirmiers et aides-soignants depuis le mois de septembre. Si bien qu’une douzaine d’entre eux ont été mis en arrêt de travail pour coups et blessures. « Cela fait plus de dix ans qu’elle est régulièrement prise en charge ici. Quand elle est en crise, sa violence n’a aucune limite », affirme Mathias Monnier, infirmier et représentant du syndicat Sud.
Âgée d’une trentaine d’années, la patiente serait dotée d’une « musculature imposante » qui complique la tâche des agents hospitaliers qui essaient de la maîtriser, en vain. « Des soignantes se font facilement casser la gueule, elles sont terrorisées. Même des hommes peinent à la gérer », ajoute le syndicaliste. Les dégâts causés chez le personnel ne sont pas que physiques. « C’est quelqu’un qui menace de mort, qui dit : “l’infirmière, je vais me la faire” », témoigne Johann, un aide-soignant qui l’a accompagnée au début de sa prise en charge à Pierre Janet.
Transfert complexe en UMD
Il faut dire que, depuis une dizaine d’années, le parcours de soins de cette patiente semble quelque peu chaotique. « Elle a été diagnostiquée borderline et psychopathe, mais les médecins ne sont pas tous d’accords, confie un autre soignant de l’hôpital sous couvert d’anonymat. Il y a même des psychiatres qui refusent qu’on la prenne en charge car ils considèrent qu’elle ne relève pas de la psychiatrie. » Quand elle n’est pas dans les murs de l’hôpital Pierre Janet, elle fait des allers-retours en prison pour des « bêtises », raconte-t-on. « Elle a déjà croisé et menacé des collègues en ville », ajoute Mathias Monnier.
D’après certains soignants, la patiente n’aurait plus rien à faire à l’hôpital psychiatrique Pierre Janet. « Sa place est en unité pour malades difficiles » (UMD) souffle Johann. Les UMD sont en effet conçues pour renforcer la prise en charge sécurisée des patients faisant l’objet de soins sans consentement, qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui. Sur le papier, ces structures ont plus de moyens que l’hôpital psychiatrique Pierre Janet pour offrir une prise en charge adéquate tout en préservant la sécurité du personnel médical. Le problème, c’est que la France ne compte que 10 UMD pouvant accueillir 640 malades sur le territoire et que certaines sont réticentes à l’idée d’accueillir la patiente qui terrorise les équipes de Pierre Janet au Havre. « Je l’ai emmenée deux fois à l’UMD de Villejuif, (Val-de-Marne). La deuxième fois, les soignants avaient menacé de faire grève si elle revenait », se souvient Johann.
« Ce n’est pas pour autant un monstre »
Si même des UMD refusent cette patiente, où peut-elle aller sans mettre en danger les professionnels de santé ? « Elle est certes très violente, mais la plupart du temps, elle est en larmes. Il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une personne en souffrance, ce n’est pas un monstre », tempère Mathias Monnier. La patiente aurait même indiqué son souhait de retourner dans une UMD où sa prise en charge aurait été optimale. « Elle pouvait appeler son fils régulièrement et la structure lui proposait des activités ludiques, raconte le syndicaliste. Mais ici, à Pierre Janet, nos conditions de travail sont trop chronophages pour qu’on puisse lui offrir une telle prise en charge. »
Désespérée face à la situation, l’équipe soignante a médiatisé l’affaire dans la presse locale pour mettre la pression sur la direction de l’hôpital et l’ARS Normandie. Contacté par Le Quotidien, le Groupe hospitalier du Havre (GHV, dont fait partie l’hôpital Janet) indique qu’une « demande d’admission est en cours auprès des établissements disposant d’unités pour malades difficiles ». Il semblerait qu’une UMD située en Corrèze ait, entretemps, adressé un dossier de pré-admission. En attendant, « des actions de soutien à l’équipe ont été mises en place », précise la direction de l’établissement. Notamment une « augmentation du temps de présence paramédicale de jour comme de nuit », la « participation d'un deuxième médecin au suivi de la patiente » et la possibilité pour les soignants d’être relayés par d’autres professionnels volontaires venant d’autres services.
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