LES MÉDECINS hospitaliers détiennent un pouvoir redoutable du point de vue de l’administration : le codage de leur activité détermine les recettes de leur établissement. Des milliards d’euros passent chaque année entre leurs mains. Les contrôles menés en 2007 et 2008 ont révélé des erreurs de codage : des établissements ont dû rembourser des indus.
Depuis le 1er mars, la bible des praticiens hospitaliers s’est singulièrement épaissie : les groupements homogènes de séjours (GHS) sont passés de 790 à 2 290. À cette liste, qui instaure quatre niveaux de sévérité de prises en charge, s’ajoute celle des diagnostics associés - le ministère de la Santé en a retenu 3 000. La combinaison du GHS et des éventuels diagnostics associés fixe le tarif empoché par l’hôpital ou la clinique. Le risque d’erreur augmente parmi ces milliers de codes possibles. Le rôle du médecin, hier déterminant, est devenu tout à fait crucial.
La patronne de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), au ministère de la Santé, appelle les médecins « à leurs responsabilités ». « Certains établissements doivent faire un effort considérable sur la qualité du codage, prévient Annie Podeur. Il ne s’agit pas de faire des médecins des bureaucrates ou des gestionnaires. Mais les médecins ne peuvent se désintéresser du codage, car les recettes hospitalières en dépendent ».
La tenue du dossier patient, en particulier, sera scrutée de près. Maryse Chodorge, directrice de l’Agence technique de l’information et de l’hospitalisation (ATIH), le confirme : « Les diagnostics associés doivent être correctement décrits. Il faut qu’il y ait une trace visible des consultations et des prescriptions antérieures pour le contrôleur de l’assurance maladie ».
Retenue sur salaire
Les pratiques, le Dr Alain Ricci en convient volontiers, doivent changer. « Ce n’est pas encore rentré dans les murs de bien coder, estime le président du Syndicat national des médecins d’information médicale. Il faut suivre à la lettre les obligations fixées par décret pour la tenue du dossier patient. Si on n’y met pas toutes les pièces, c’est la mort de l’établissement : un mauvais codage peut entraîner une variation des recettes de 10 % ». Avec la nouvelle classification tarifaire, plus de droit à l’erreur, donc.
L’été dernier, un tout petit groupe de médecins voulant défendre l’activité libérale à l’hôpital a réussi à paralyser l’AP-HP, premier CHU de France, avec une grève du codage. Un mouvement similaire a été lancé en février 2009 par deux intersyndicats de PH (CPH et INPH), mais de l’avis de la DHOS, la mobilisation est infime, et les retombées sont nulles. Il n’empêche que ce pouvoir d’entrave du corps médical demeure, et inquiète.
Les directeurs d’hôpital public, jusqu’à présent démunis en cas de grève du codage, devraient bientôt disposer d’une arme pour mettre au pas les médecins récalcitrants : la retenue sur salaire. C’est en tout cas ce que prévoit le projet de loi. Les députés ont voté cette disposition il y a deux semaines (titre I, article 8). Reste à voir ce que décideront les sénateurs.
D’après le texte, « la transmission de l’information médicale fait partie des obligations de service au même titre que la mission de soins », rappelle Annie Podeur. Un directeur d’hôpital, de façon anonyme, livre son sentiment: « Aujourd’hui, nous n’avons aucun moyen de pression sur les médecins, c’est problématique. C’est bien de créer une sanction, mais il faudrait aussi relier les revenus des médecins à leur activité. Voilà qui les motiverait davantage ».
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