Elle a accepté de parler pour « toutes ces femmes qui ne peuvent pas le faire ». Dans le documentaire réalisé par Marie Portolano et Grégoire Huet, diffusé dimanche soir sur M6, l’hématologue Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé de mai 2017 à février 2020, est revenue face caméra sur sa carrière de femme médecin et de professeure, une période qu’elle décrit comme incroyablement difficile, à cause du harcèlement dont elle a été victime.
Au début des années 2000, la praticienne, responsable de l’unité de soins intensifs d’hématologie et de greffe de moelle depuis 1992, ambitionne de devenir professeure en hématologie. Une aspiration qui, à l’époque, n’est pas au goût de nombre de ses confrères hommes.
D’emblée, le président de la CME de l’époque tente de la décrédibiliser publiquement lorsqu’elle lui fait part de ses désirs d’évolution. « Je me souviens il avait dit : “Agnès Buzyn est venue me voir dans mon bureau pour parler de sa candidature comme professeure. C'est drôle, à chaque fois que je la vois arriver dans mon bureau, je l'imagine avec un fouet et des bottes” », rapporte-t-elle, aujourd’hui encore consternée. « C’est incroyable, incroyable qu’on me renvoie à un fantasme sexuel. C’était atroce ».
Quatre ans d’acharnement
En 2004, Agnès Buzyn est finalement nommée PU-PH. Mais malgré son titre, ses qualités et son expérience de plus de 20 ans en tant qu’hématologue, la violence et le harcèlement ne cessent pas, bien au contraire. « Du jour au lendemain, alors que je suis la même personne, que je fais le même métier, le fait d’avoir un titre les rend fous furieux. Je sens une immense agressivité de la part de mes collègues, immense, se remémore-t-elle, émue. J’ai ressenti que les hommes ne supportaient pas d’avoir une femme au-dessus d’eux sur le plan hiérarchique ».
Pendant quatre longues années, l’oncologue se heurte au machisme, voire au sexisme ambiant du milieu hospitalier et devient la cible de ses confrères. « Son ascension est jugée intolérable et en sous-main ses harceleurs vont mettre en œuvre sa chute », commentent même les auteurs du documentaire.
La PU-PH fait les frais de cet acharnement, qui ont raison de sa vocation. « J’ai cru que j’allais mourir, sincèrement ! Ça a été d’une telle violence, d’une telle mise à l’écart. J’étais épuisée, confie-t-elle. Je pense que si je n’avais pas eu des enfants à cette période-là… J’étais vraiment pré-suicidaire ». Une situation intenable qui la pousse finalement à s’extraire et quitter son poste. « Ça devenait tellement fou que j’ai décidé de m’extraire de mon métier de médecin ! »
Toucher vaginal sur une patiente endormie
Un autre témoignage édifiant et face caméra figure dans de ce documentaire. Marine Lorphelin, aujourd’hui médecin généraliste (et miss France 2013), reste encore marquée par ses années d’apprentissage hospitalier. « Le bloc opératoire est dirigé par des hommes qui peuvent avoir des comportements de proximité complètement inadaptés. Ça fait régulièrement des blagues graveleuses, déplore-t-elle, avec parfois des mains sur l’épaule ou dans les cheveux en disant “tu es jolie aujourd’hui” ». Dans le documentaire, l’omnipraticienne pointe les graves dérives – pouvant être qualifiées d’agressions sexuelles – dont se rendent coupables certains praticiens en stage. « Je me suis retrouvée un jour avec plusieurs étudiants au bloc opératoire. C’est là qu’on nous a proposé de faire un toucher vaginal sur une patiente endormie, raconte-t-elle estomaquée. Sur le moment je n’ai pas pu réagir ni pu défendre cette patiente qui n’avait pas donné son consentement. »
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