Compléments de rémunération versés aux hospitaliers outre-mer : le grand bazar, selon la Cour des comptes

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Publié le 20/09/2023
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Mis en place dans les années 50, les compléments de rémunération accordés aux fonctionnaires en outre-mer — en particulier aux hospitaliers — reposent sur un dispositif « complexe »« générateur d’inégalités entre les agents », expose un référé de la Cour des comptes. « Mal mesuré sur le plan budgétaire », le dispositif peine à répondre à ses objectifs initiaux, estime l’institution de la rue Cambon.

Pour rappel, ces compléments de rémunération (majorations de traitement, indemnités associées, etc.) visaient à l’origine à compenser le différentiel de coût de la vie entre la métropole et les territoires ultramarins mais aussi à « couvrir les frais liés à l’installation et prendre en compte les sujétions propres à la vie outre-mer (conditions de vie, éloignement, isolement) », précise la Cour des comptes. Autre objectif : développer l’attractivité des emplois, en attirant les métropolitains et les jeunes diplômés locaux dans ces territoires.

« Inintelligible et inéquitable »

Mais ce dispositif est devenu « inintelligible et inéquitable », considère la Cour qui déplore un « inextricable maquis législatif et réglementaire ». Tout d’abord parce que les modalités d’attribution et de calcul de ces compléments de rémunération varient pour les agents publics d’un même territoire, en fonction de leur administration de rattachement. Mais aussi parce que leur extension aux fonctions publiques territoriale et hospitalière a « renforcé le manque de lisibilité globale du dispositif », estime la Cour qui milite pour une simplification du régime de ces compléments de rémunération.

La « dispersion et la sédimentation des textes » sont source d’iniquités entre les agents, dénonce encore l’institution. À titre d’exemple, au sein de la fonction publique d’État, certains agents reçoivent des aides au logement ou des primes spécifiques, ce qui n’est pas le cas dans les autres versants de la fonction publique.

Dans le champ hospitalier, des pratiques locales de sur-rémunération « sont susceptibles d’excéder celles auxquelles peuvent prétendre les agents de la fonction publique de l’État », ce qui « met à mal le principe de parité entre fonctions publiques comme celui d’égalité de traitement entre les agents », estime la Cour des comptes.

« Dérive budgétaire »

Les sages alertent ensuite sur le risque de « dérive budgétaire ». La juste appréciation du coût du dispositif impose une connaissance précise des effectifs de la fonction publique affectés dans chaque territoire ultramarin. Or, pour la fonction publique hospitalière, on constate un différentiel de plusieurs centaines de personnes entre les données communiquées par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction générale de l’offre de soins (DGOS). Les volumes d’effectifs varient en effet de 29 832 à 30 400.

De surcroît, 70 ans après leur mise en place, les compléments de rémunération peinent à réduire le différentiel de coût de la vie avec la métropole. Le dispositif irait même « à l’encontre de l’objectif initialement souhaité » puisqu’il participe indirectement à entretenir, voire augmenter, ces surcoûts. Les compléments de rémunération « créent un marché de consommation garanti, permettant aux importateurs et aux distributeurs de maintenir un niveau de prix élevé, dans un contexte de faiblesse de la concurrence due à la structure oligopolistique des secteurs de la distribution », analyse l’institution.

Pour une stratégie globale d'attractivité

Le dispositif ne parvient pas non plus à compenser le manque d’attractivité de ces territoires qui peinent chaque année à attirer des fonctionnaires. Malgré l’application de dispositifs indemnitaires favorables, Mayotte et la Guyane apparaissent « très largement comme les deux territoires les moins attractifs »

La Cour milite donc pour une approche « plus globale » afin de prendre en compte l’ensemble des aspects du mode de vie dans les territoires ultramarins : éloignement et isolement, sécurité, accès au logement, scolarisation, système de santé et accès aux soins, emploi du conjoint, valorisation du séjour outre-mer dans le parcours de carrière. Elle propose de s’inspirer de la charte interministérielle de la mobilité outre-mer, dont l’ambition est « de traiter ces différentes composantes de l’attractivité », au-delà des seules incitations financières.


Source : lequotidiendumedecin.fr