Nawale Hadouiri, première vice-présidente de l'ISNI

« Un interne choisit une spécialité souvent après une expérience en stage »

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Publié le 29/09/2020
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La première vice-présidente de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) analyse les motivations des jeunes dans les choix de spécialité et juge primordial de développer des stages dans les disciplines délaissées.

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LE QUOTIDIEN : Que vous inspire le classement des choix de postes d'internat ?

NAWALE HADOUIRI : La filiarisation des spécialités a mis en lumière l'engouement pour des disciplines déjà très prisées dans les diplômes d'études spécialisées complémentaires (DESC) comme les maladies infectieuses et la chirurgie plastique.

La grande richesse des diagnostics explique aussi certains choix. Dans le domaine des maladies infectieuses, ce sont souvent des diagnostics peu connus et rares avec des thérapies complexes et variées. Cela peut challenger l'interne et le convaincre ! En dermato, les nouvelles thérapies en oncologie ou la biothérapie attirent également. 

L'ophtalmologie a toujours plu car c'est une spécialité médico-chirurgicale avec beaucoup de gestes techniques. Même si elle est centrée sur un organe, il y a énormément de pathologies qui font appel à des connaissances dermatologiques, neurologiques, etc. La qualité de vie est aussi attrayante.

Quant à la chirurgie plastique, le temps de travail moyen est moins élevé que dans d'autres disciplines chirurgicales comme la chirurgie viscérale. L'aspect financier penche aussi dans la balance sans être prédominant, ça serait hypocrite de dire le contraire.

Certaines spécialités comme la radiologie, l'anapath ou la néphrologie sont en perte de vitesse. La faute à l'intelligence artificielle ?

On entend souvent dire que les radiologues vont disparaître à cause de l'IA alors que c'est faux ! Les radiologues ne vont pas aller pointer à pôle emploi et l'IA ne tuera pas la radiologie, ça sera une aide dans leur pratique. Il est possible que des messages négatifs aient pesé dans les choix. C'est dommage, c'est une spécialité interventionnelle très diverse.

Sur l'anatomie et cytologie pathologiques, je ne pense pas que ce soit l'arrivée de l'IA, mais plutôt une méconnaissance de cette spécialité. Il est rare que des externes passent dans ce type de stage.

La néphrologie, en revanche, peut être délaissée car elle fait partie des spécialités médicales avec un temps de travail très important de l'ordre de 62 heures par semaine.

La médecine du travail, la santé publique et la biologie médicale souffrent d'un manque d'attractivité chronique. Que faut-il faire pour redorer leur image ?

Ce sont des spécialités indispensables avec leurs spécificités et il y a des impératifs démographiques. Nous avons besoin en particulier de praticiens en médecine du travail, y compris des universitaires. Plusieurs subdivisions n'en ont plus du tout. Pour ces trois spécialités peu prisées, c'est le même constat : peu de subdivisions offrent des stages d'externat. Or, un interne choisit une spécialité souvent après une expérience en stage. C'est pourquoi il faut diversifier encore les terrains.

Heureusement, les associations d'internes de santé publique, de médecine du travail et de biologie médicale sont très dynamiques. Elles montrent la diversité de ces spécialités et combattent les idées reçues. Sur la santé publique, il sera très intéressant de regarder l'évolution dans les prochaines années. Cette spécialité a été démystifiée par la crise sanitaire et pourrait susciter un nouvel engouement !

Propos recueillis par Sophie Martos Exergue1. La grande richesse des diagnostics explique certains choix Exergue 2. L'IA ne tuera pas la radiologie

Source : Le Quotidien du médecin