Pr Olivier Saint-Lary, président du CNGE

« À terme, cette évolution améliorera l’attractivité de la spécialité »

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Publié le 19/06/2023
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Le président du CNGE et membre de la mission de concertation sur l’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale, le Pr Olivier Saint-Lary, revient sur les préconisations du rapport et la suite à y donner.

Crédit photo : R. MEIGNEUX/ PHANIE

Au-delà des modalités de mise en place, la mission a-t-elle permis de confirmer l’intérêt de cette 4e année ?

Pr Olivier Saint-Lary : Nous avons auditionné une quarantaine de structures et la grande majorité étaient très favorables à l’ajout de cette année supplémentaire. Le premier argument était pédagogique. Il est compliqué, sur une spécialité aussi complexe et large que la médecine générale, de se dire qu’on peut y être bien formé en beaucoup moins de temps que d’autres spécialités. Par ailleurs, dans le cadre de la formation actuelle, il n’y a que deux semestres véritablement professionnalisants. Beaucoup de travaux montrent également que plus les internes ont l’opportunité de découvrir leur métier et leur territoire, plus ils s’installent facilement et rapidement. Découvrir pendant deux semestres supplémentaires les territoires est donc de nature à être facilitant pour l’installation. Mais, pour que les installations se fassent, il faut que la découverte soit positive et que le docteur junior se retrouve dans des conditions attractives. Nous avons donc aussi écouté les craintes des structures jeunes. Nous avons établi un certain nombre de préconisations qui allaient dans le sens de leurs demandes et sur lesquelles les arbitrages rendus nous semblent assez favorables.

Cette 4e année se fait dans un contexte compliqué sur l’accès aux soins, avec des menaces de coercition notamment. Vous soulignez pourtant qu’aucune des structures auditionnées n’y est favorable…

Pr O. S.-L. : Les échanges avec l’ensemble des structures ont été très constructifs sur ce point et notamment ceux avec les représentants des collectivités territoriales. Ils ont été très sincères sur leurs besoins et, en même temps, ils ont conscience des limites d’un système coercitif et de ses effets pervers. Les conclusions du rapport et les arbitrages ministériels vont dans le sens d’une incitation et d’une prime pour ceux qui iront en zone sous-dense. Mais la question ne s’arrête pas à l’aspect financier, d’autres éléments doivent être travaillés avec les élus : logements, locaux, transports, etc.

Le renforcement de l’encadrement de la formation en médecine générale est une des clés pour la réussite de cette 4e année. Le rapport fait des préconisations. Avez-vous obtenu des engagements du ministère sur ce point ?

Pr O. S.-L. : Concernant les enseignants de médecine générale, la mission rappelle qu’il faut un plan de nomination quinquennal pour que la 4e année se mette en place dans de bonnes conditions. Nous avons fait des propositions dans le rapport, reçues favorablement sur le principe. Mais il faudra rester vigilant. Les départements de médecine générale devront aussi être parfaitement mobilisés et proposer des candidatures nombreuses. Par exemple sur les enseignants associés, il y a eu un travail exceptionnel avec un nombre de dépôts de candidature record cette année. Pour les MSU, un groupe de travail sous l’égide de la DGOS a été mis en place depuis quelques mois. Les constats et les propositions semblent aujourd’hui partagés par l’ensemble des acteurs. La solution qui se dégage est celle d’un budget dédié à la formation des MSU dans le cadre de l’Agence nationale du DPC. Un budget qui soit sanctuarisé et non fongible avec les autres formations DPC. Cela nécessitera de nouveaux arrêtés à la fin de l’année. Mais, en attendant, il faut absolument que des mesures dérogatoires soient mises en place dans les semaines à venir pour la deuxième partie de l’année. Car, on le voit, les formations de MSU sur le premier semestre 2023 ne sont pas au niveau de ce qu’elles étaient les années précédentes.

Le rapport proposait une ouverture de la PDSA aux internes, le ministère a finalement décidé d’une obligation. Êtes-vous surpris ?

Pr O. S.-L. : C’est le seul point sur lequel le ministère a souhaité aller au-delà de notre recommandation. Notre proposition était de permettre, pour les docteurs juniors, la découverte de la PDSA dans un cadre sécurisant et financé. Cela nous paraissait déjà une première étape très intéressante. Mais c’est un sujet auquel le ministre est très attaché, ainsi qu’à des questions d’égalité entre la ville et l’hôpital et entre les différentes spécialités. Il y a donc eu un arbitrage du cabinet pour aller plus loin.

Le rapport préconisait une publication des textes réglementaires avant mai 2023. Ce retard dans le calendrier est-il inquiétant ?

Pr O. S.-L. : Les étudiants sont inquiets et nous les comprenons sur ce point. D’autant plus qu’on ne peut pas s’exonérer du contexte. Ils viennent de vivre un certain nombre de réformes dans lesquelles, parfois, les promesses n’ont pas toujours été parfaitement respectées. Ils sont donc méfiants et vigilants. Mais il y a un engagement fort du ministre pour que les arbitrages pris aujourd’hui soient tenus.

Les étudiants craignent que cette mesure soit préjudiciable pour l’attractivité de la médecine générale. Qu’en pensez-vous ?

Pr O. S.-L. : Je crains qu’entre les négociations conventionnelles qui inquiètent beaucoup, les propositions de loi et les amendements coercitifs, le contexte global ne soit pas très favorable à l’attractivité de la médecine générale aujourd’hui. Les effets d’annonce dans la presse, lors du lancement de la mission sur la 4e année, ont pu aussi être un repoussoir absolu. Mais quand on regarde le contenu de ce que va être cette 4e année, il y a une reconnaissance institutionnelle et de l’université de toute la richesse de la formation d’un médecin généraliste. On met également fin à une inégalité de traitement entre DES. En 2004, lors de la réforme de la spécialité, il y avait une réticence sur la mise en place du concours. Et regardons où nous en sommes aujourd’hui. Cette exigence de qualité pour la médecine générale, à l’instar des autres spécialités, a porté ses fruits et la spécialité est beaucoup plus attractive maintenant qu’en 2004. Augmenter le niveau de qualité exigé, c’est un peu le même esprit aujourd’hui. Il y a une adaptation mais, à terme, je suis persuadé que c’est une très belle opportunité pour améliorer l’attractivité de la médecine générale.


Source : lequotidiendumedecin.fr