ROSP et forfaits : ce qui a changé

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Publié le 22/06/2018
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Outre la revalorisation du C à 25 euros, la convention 2016 a entraîné une importante refonte des rémunérations forfaitaires des médecins. Cette année, les généralistes ont touché pour la première fois une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) remaniée, avec un forfait structure isolé et une partie du nouveau forfait patientèle médecin traitant (FPMT). Certains généralistes s’y perdent et s’inquiètent d’avoir perdu au change. Décryptage.
Ouverture

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Crédit photo : ADAM GAULT/SPL/PHANIE

Une ROSP recentrée sur les indicateurs cliniques

Les généralistes exclusifs ont reçu le 25 avril dernier 4 621 euros en moyenne au titre de la nouvelle ROSP clinique 2017. L'année précédente, les indicateurs cliniques de l'ancienne ROSP leur avaient rapporté 4 672 euros sur une prime globale de 6 983 euros.

Créée en 2011 avec un volet santé publique et un autre consacré à l'organisation du cabinet, la ROSP version 2016 comprend désormais 29 indicateurs cliniques au lieu de 22 et est séparée du forfait structure. L'antibiorésistance, les dépistages des cancers du sein et colorectal ou encore la part des patients diabétiques traités par metformine font partie des nouveaux items. Devant les "mauvais" résultats des médecins, la Cnam a déclenché la clause de sauvegarde, prévue pour la première année de la convention. Cette mesure a permis aux généralistes de toucher en moyenne sensiblement la même chose qu'en 2016. La clause a été reconduite d'un an (versement en 2019) à la demande des syndicats.

Les indicateurs de prévention et d’efficience ont particulièrement pêché cette année. Le dépistage du cancer du sein est en baisse de 1,2 point et la prescription de génériques pour l'asthme et l'incontinence urinaire dans le volet efficience sont dans le rouge (-0,4 et -4,8 points). Plusieurs facteurs expliquent ces baisses, selon la Cnam. Les objectifs cibles de chaque indicateur déjà existant n’avaient pas été changés depuis 2011 et ont été revus à la hausse. Pour l’efficience, les taux d’atteinte tournaient en effet autour de 100 % ces dernières années car beaucoup de molécules sont passées dans le répertoire des génériques. De plus, les items de prévention représentent plus de points et sont plus lents à progresser.

Un groupe de travail technique réunissant les partenaires conventionnels a déjà acté quelques changements. Les objectifs intermédiaires et cibles seront revus à la baisse. Plus de médecins seront donc rémunérés selon le niveau atteint. Les objectifs intermédiaires seront modifiés de façon à ce que 70 % des praticiens puissent les atteindre (contre 30 % auparavant). Pour les objectifs cibles, la barre est également moins haute. 20 % des généralistes pourront atteindre le maximum de l'objectif, d'après les simulations de la Cnam, contre 10 % l'an dernier. Les seuils de déclenchement de chaque indicateur seront également assouplis. L'item sera validé à partir de dix boîtes prescrites au lieu de 20 et à partir de cinq patients concernés contre dix auparavant. Enfin, sur le volet efficience, les deux items de prescription de génériques pour l'asthme et l'incontinence urinaire, jugés peu pertinents, seront neutralisés et remplacés. Grâce à ces ajustements, la Cnam prévoit une dépense de 237,3 millions d’euros pour 2018, soit sensiblement la même chose que les deux dernières années.

Forfait structure amplifié

Le 19 juin, 1 454 euros ont été versés au titre du forfait structure. L'an passé, ses indicateurs étaient intégrés à la ROSP et avaient rapporté 1 546 euros en moyenne aux généralistes.

L’Assurance maladie a permis, à titre exceptionnel pour 2017, aux médecins n'ayant rempli que quatre indicateurs au lieu de cinq dans le volet nécessaire au déclenchement du forfait, de pouvoir tout de même en bénéficier. L'indicateur de compatibilité du logiciel métier avec le dossier médical partagé (DMP) a en effet posé problème. Certains médecins n’ont pas mis leur logiciel en conformité avec le DMP et devront le faire pour l’an prochain. La Cnam communiquera auprès des médecins en septembre sur ce sujet pour qu'ils aient le temps de mettre à jour leur système informatique. De plus, le forfait structure est amené à prendre de l'ampleur. L'avenant télémédecine va le gonfler de 75 points (525 euros) pour s’équiper en matériel. D'autre part, le nombre de points total augmentera progressivement. De 250 maximum en 2017 (1 750 euros), le forfait sera porté à 535 points en 2018 (3 745 euros) et 735 points en 2019 (5 145 euros).

Le forfait patientèle simplifié

Un seul forfait patientèle médecin traitant (FPMT) est désormais versé à la place des anciens forfait médecin traitant (FMT), rémunération médecin traitant (RMT) et la majoration personnes âgées (MPA) sur la patientèle médecin traitant. Un seul versement trimestriel est donc réalisé au lieu de trois en avril (en juin à partir de 2019), septembre et novembre et mars.

Le nouveau forfait patientèle, calculé l'année précédente au 31 décembre, regroupe l'ancien FMT de cinq euros par an et par patient hors ALD, la RMT de 40 euros par an pour les patients en ALD et la MPA de cinq euros pour les consultations de patients de plus de 80 ans. Seule la MPA hors patientèle médecin traitant est isolée et versée en juin, août et novembre. Par rapport à l’ancienne formule, les médecins traitants d’un enfant de moins de six ans reçoivent six euros par an et par enfant. Le forfait est passé de cinq à 42 euros pour les plus de 80 ans. Pour les patients en ALD, le montant est désormais de 42 euros (70 pour les plus de 80 ans). Une majoration est également possible pour ceux dont plus de 7 % de la patientèle bénéficie de la CMU-C. Le FPMT devrait donc être plus intéressant que les anciens forfaits, c'est en tout cas ce qu'avait avancé l'Assurance maladie lors des négociations conventionnelles, en annonçant 15 000 euros par an en moyenne par généraliste.

ROSP enfant encore marginale

La ROSP du médecin traitant de l'enfant a vu le jour avec l’avenant 1 signé en décembre 2016. Elle contient des indicateurs de prévention pour les patients de moins de 16 ans (asthme, obésité, vaccination, dépistage des troubles sensoriels…) pour un total de 305 points (maximum 2 135 euros).

La prime moyenne versée pour la première fois le 26 juin aux médecins traitants des enfants sera d’une petite centaine d’euros. Cette rémunération est symbolique puisque fin avril, un médecin traitant avait été déclaré pour trois millions d’enfants de moins de 16 ans sur une cible de 13 millions.

NICOLAS REVEL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CNAM « La ROSP doit être préservée »

Les généralistes n'ont pas toujours identifié les divers versements de la Cnam liés à la nouvelle ROSP. Comprenez-vous leur désarroi ?

Nicolas Revel Nous vivons une année de transition, marquée par une recomposition du bloc des rémunérations forfaitaires. Les repères ont été modifiés, ce qui entraîne forcément de l'incompréhension. Même si nous essuyons les plâtres, cette nouvelle architecture a gagné en cohérence. Dès l'année prochaine, les choses seront stabilisées et prendront tout leur sens.

ROSP clinique, forfait patientèle, forfait structure et ROSP médecin traitant de l'enfant... Cette dispersion ne produit-elle pas une confusion ?

N. R. Il y avait avant une dispersion plus importante ! Les médecins recevaient un forfait médecin traitant, une RMT, des majorations pour personnes âgées (MPA), et la ROSP. Nous avons distingué trois grands éléments : une ROSP recentrée sur des aspects cliniques, un forfait structure qui concernera toutes les spécialités et pourra être demain le levier de l'exercice coordonné – les deux étant versés une fois par an au printemps – et un forfait patientèle regroupant des éléments jusqu'alors dispersés et dont le versement sera trimestriel.

En 2018, un généraliste exclusif touchera-t-il en moyenne plus ou moins que les 6 983 euros perçus au titre de la ROSP en 2017 ?

N. R. Il est trop tôt pour le dire. D'une part, le montant de la ROSP clinique – 4 621 euros en moyenne pour les généralistes exclusifs – a été maintenu grâce à la clause de sauvegarde. Il y a autant de gagnants que de perdants. D'autre part, le nouveau forfait structure qui remplace l'ancien bloc organisation de la ROSP a donné un résultat un peu inférieur en 2018 (à 1 454 euros). Nous avons pourtant assoupli les prérequis demandés afin de permettre à davantage de généralistes de percevoir ce forfait structure. Il est normal qu'il y ait un temps d'appropriation. Nous allons maintenir ce forfait qui bénéficiera d'un investissement supplémentaire de 100 millions d'euros l'an prochain. Enfin, le forfait patientèle – revu et enrichi – complétera la rémunération des généralistes, car c'est bien sur ces trois piliers qu'on doit fonctionner.

Pourquoi avoir accepté de reconduire la clause de sauvegarde en 2019 ?

N. R. Nous avons constitué un groupe de travail pour voir ce que nous devions corriger sur les indicateurs ou les objectifs cibles à atteindre. Nous avons identifié les correctifs qui devraient nous permettre de conserver l'année prochaine une rémunération de 240 millions d'euros par an. Il était important de rassurer les médecins en leur garantissant qu'il n'y aurait pas globalement de baisse de la prime l'an prochain. Notre intention n'a jamais été d'aboutir à une perte de rémunération avec la refonte de la ROSP.

La ROSP est de plus en plus critiquée. Certains pays anglo-saxons reviennent sur ce principe. Ce système de rémunération a-t-il un avenir ?

N. R. Je le pense. Nous avons travaillé à cette nouvelle ROSP avec le Collège de la médecine générale qui a proposé des indicateurs et le principe d'une ROSP évolutive. La ROSP reste minoritaire dans la rémunération des généralistes mais elle doit être préservée. Elle a du sens et a déjà amené de nombreuses améliorations de santé publique en France. Il existe un consensus pour dire qu'il faut sortir d'une rémunération centrée exclusivement sur l'acte. Il y a lieu de rémunérer l'organisation de la structure, le suivi de la patientèle mais aussi la qualité des pratiques. 

Propos recueillis par Christophe Gattuso


Camille Roux

Source : Le Généraliste: 2840