La reprise des négos conventionnelles « dans les plus brefs délais » n'est plus la seule demande des syndicats. L'ouverture du secteur II « à tous les médecins libéraux » est désormais une exigence d'au moins trois centrales représentatives (SML, UFML, FMF), signe de la radicalisation des revendications.
Ce nouveau front intervient dans un contexte politique lourd, marqué par l'examen de la proposition de loi (PPL) « visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé », texte porté et défendu par le député (Horizons) Frédéric Valletoux avec le soutien de la majorité. Cette PPL, examinée depuis lundi en séance dans l’Hémicycle, cristallise la colère de la profession avec son cortège de menaces possibles sur la liberté d'installation, l'organisation territoriale ou la permanence des soins. Même si, mercredi 14 juin, les députés ont rejeté l'amendement transpartisan du député PS Guillaume Garot visant à réguler l'installation (par une autorisation de l'ARS), les craintes restent fortes car la bataille est loin d'être terminée.
Depuis une semaine, la tension est même montée d’un cran. Sur le front des honoraires d'abord avec des actions de guérilla tarifaire des généralistes autour de la consultation à 30 euros appliquée d'autorité avec « DE » (Ardennes, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique, etc.). Un effet boule de neige qui inquiète la Cnam et le gouvernement.
Fermeture des cabinets en octobre ?
La tentation de la grève ou de l'exil s'exprime aussi de façon régulière dans la profession. Le 9 juin déjà, le collectif « Médecins pour demain » et l’UFML ont organisé une journée de fermeture des cabinets, en signe de protestation contre la PPL de l’ancien patron de la FHF, Frédéric Valletoux. Cette journée de grève libérale, soutenue par principe par le SML et la FMF, a connu un succès inégal mais a servi de piqûre de rappel et de coup de semonce. « On a fait carton quasi plein, je crois qu’un seul MG sur les 15 du territoire a travaillé ce jour-là. Aujourd’hui, les confrères sont tout à la fois anxieux pour l’avenir de leur exercice, déprimés, mais aussi très remontés », raconte le Dr Stéphane Pertuet, 59 ans, depuis son cabinet de Barentin (Seine-Maritime).
Une colère désormais relayée de concert par plusieurs syndicats (Avenir Spé-Le Bloc, UFML, FMF, SML) qui ont déjà annoncé une grève « illimitée » à partir du vendredi 13 octobre si la loi Valletoux « mortifère » est adoptée. « Cette PPL stigmatise l'ensemble des spécialistes libéraux et représente une attaque du modèle libéral », résume l'union syndicale Avenir Spé-Le Bloc, très majoritaire parmi les disciplines sur plateaux techniques lourds. C'est donc aussi la menace d'un arrêt des blocs opératoires qui est désormais agitée. Parallèlement, l'UFML revendiquait en début de semaine plus de 2 500 promesses de lettres de déconventionnement…
Lignes rouges à ne pas franchir
À ce stade, si deux syndicats représentatifs (la CSMF et MG France) ne rejoignent pas encore ce mot d'ordre de grève programmée, leurs chefs de file respectifs sont eux aussi en alerte. « Si les deux lignes rouges sont franchies, c’est-à-dire l'envoi des médecins libéraux faire des gardes obligatoires à l'hôpital ou la fin de la liberté d'installation, aucun syndicat ne manquera à l'appel de la grève illimitée le 13 octobre », prévient le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. À la tête de MG France, la Dr Agnès Giannotti prévient que « si, à l'automne, la profession n'a aucun signal fort dans le cadrage pour reprendre les négociations conventionnelles, nous rejoindrons ce mouvement ».
Le message est clair. Tout signal punitif supplémentaire risque d’embraser la profession, qui subit déjà les contraintes de la pénurie médicale. Une hypothèse que le ministre de la Santé prend au sérieux. « Ça va être chaud », reconnaissait François Braun en début de semaine, redoutant qu'une courte majorité de députés se rangent à l'idée de remettre en cause la liberté d'installation.
Les syndicats juniors, enfin, sont eux aussi sur le qui-vive. L’ajout officiel, « précipité » à leurs yeux, d’une 4e année au DES de médecine générale pour la rentrée prochaine contribue au mécontentement. Les syndicats d'internes (Isni, Isnar-IMG) se coordonnent « pour déterminer la stratégie à adopter ».
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