Au procès du Mediator, les victimes expriment leur détresse et leur colère

Publié le 23/11/2019
Mediator

Mediator
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Après deux mois de débats techniques, la parole a pour la première fois été donnée aux victimes, jeudi, au procès du Mediator.

Habituellement, les prises de parole s'effectuent debout devant le tribunal, mais jeudi, une chaise a été installée à la barre. Trop fatiguées, essoufflées, la plupart des victimes ont dû témoigner assises.

« Le Mediator m'a fait autant de mal physiquement que psychologiquement », commence Stéphanie, 50 ans en mars. Elle est en larmes, en colère contre les laboratoires Servier. « Ca fait longtemps que j'attends ce moment pour crier mon désespoir ». Stéphanie a pris du Mediator entre 2006 et 2009 à raison de trois comprimés par jour. Il a été prescrit après quinze minutes de consultation par un médecin jugé « peu scrupuleux ». « On disait que ce médicament était extraordinaire. J'ai perdu dix kilos le premier mois ».

Une valvulopathie à 40 ans

Le Mediator, qui était présenté comme un antidiabétique, a largement été prescrit comme coupe-faim. Utilisé par cinq millions de personnes pendant les 33 ans de sa commercialisation, il est tenu pour responsable de centaines de morts.

Quand, en novembre 2009, le Mediator est retiré du marché, Stéphanie reçoit un courrier de la Sécurité sociale, lui demandant de faire des examens. « Le verdict tombe : j'avais 40 ans et on m'apprenait que j'avais un problème cardiaque. » 

Elle souffre de valvulopathie, une lésion des valves cardiaques. Son état s'est récemment aggravé. « J'adorais faire du vélo. Je ne peux plus. » Elle se dit « terrorisée », « perpétuellement angoissée ».

La peur de prendre des médicaments

Puis vient Michel, 76 ans, ancien responsable de chargement dans les plâtreries, qui a pris du Mediator contre le diabète, entre 2003 et 2009. En février 2011, opéré d'une valvulopathie, il s'est fait poser une prothèse mécanique au cœur. Il l'entend le soir. « Quand je me couche, j'entends une pendule. Tic tac. Tic Tac. C'est le Mediator qui me dit : " Je suis là, je suis là " »

Michel interroge: « En Espagne, ils ne vendaient pas le Mediator (la commercialisation a cessé en 2003, NDLR). Pourquoi ils ont continué en France ? ». La plupart des victimes qui ont témoigné ont pris ce médicament dans les années 2000, alors que dès la fin des années 90, des alertes auraient dû conduire à son retrait du marché.

À la barre, Odette, raconte sa « peur » désormais de prendre des médicaments. Patricia, 67 ans, a pris le Mediator de 1994 à 2009, pour perdre du poids après avoir eu trois enfants. Elle a dû renoncer à son travail de gestionnaire dans l'immobilier : elle a été licenciée à cause de ses problèmes de santé. On lui a changé deux valves cardiaques. Servier lui avait proposé 27 000 euros d'indemnisation. L'Office national des indemnisations des victimes d'accidents médicaux (Oniam) lui a accordé 390 000 euros.

Michèle, qui fait beaucoup plus âgée que ses 73 ans, a reçu 562 000 euros de l'Office, après avoir refusé les 137 000 euros des laboratoires. « La vie est difficile et d'un certain côté, vivement la fin », raconte cette ancienne directrice d'administration. Qui relate ses difficultés pour monter les quatorze marches qui permettent d'arriver chez elle. En colère, elle s'en prend ouvertement aux laboratoires Servier qu'elle qualifie de « truands ».

Un avocat des laboratoires, Jacques-Antoine Robert, rappelle que la firme a présenté ses excuses. « On a conscience que c'est très insuffisant », admet-il.

La présidente Sylvie Daunis écoute avec compassion ces victimes venues des quatre coins de France, mais sans fausse promesse. « Le tribunal va essayer de prendre la décision qui sera la moins mauvaise possible », dit-elle.

Avec AFP


Source : lequotidiendumedecin.fr