Hôpitaux et service public : l'activité libérale des PH avec dépassements confortée par le Conseil constitutionnel

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Publié le 25/06/2019
conseil etat

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Crédit photo : S. Toubon

C'est une décision qui devrait rassurer les quelque 2 000 praticiens des hôpitaux publics facturant des dépassements d'honoraires dans le cadre de leur activité libérale.

Saisi par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel vient de valider la possibilité pour les praticiens hospitaliers (PH, tous statuts confondus) de facturer des dépassements dans le cadre de leur activité libérale à l'hôpital public et ce sans remettre en cause l'appartenance de ces établissements au service public hospitalier (SPH).  

Le contentieux, déjà ancien, porte sur les obligations attachées au nouveau service public hospitalier (SPH) défini dans la loi de santé de Marisol Touraine (principe de l'interdiction de facturation des dépassements d'honoraires) mais, plus précisément, sur les conditions dérogatoires de l'exercice libéral à l'hôpital public (résultant d'une ordonnance de mise en cohérence de janvier 2017). 

Pas de rupture d'égalité  

Deux cliniques du groupe Elsan (Saint-Cœur à Vendôme et clinique des Grainetières à Saint-Amand-Montrond) et la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) reprochaient à ces dispositions du Code de la santé publique de réserver de facto aux seuls praticiens des hôpitaux publics la possibilité d'exercer, au sein de leur établissement, une activité libérale autorisant les dépassements d'honoraires, sans que ces établissements soient exclus du service public hospitalier (SPH). 

Pour les cliniques et hôpitaux privés en revanche, la loi subordonne l'appartenance au service public hospitalier à l'absence totale de facturation de dépassements d'honoraires. Deux poids, deux mesures ? Toute la question était de savoir si les praticiens des hôpitaux publics peuvent ainsi déroger à l'interdiction de dépassements, sans que soit remise en question l'appartenance au SPH.         

Les cliniques soutenaient en effet qu'il résulte « une double différence de traitement, contraire au principe d'égalité devant la loi ». La première serait établie entre les patients des hôpitaux publics. Selon qu'ils sont soignés par un praticien exerçant ou non à titre libéral, ils ne bénéficieraient pas tous de la garantie d'absence de dépassements d'honoraires.

La seconde différence de traitement distinguerait entre les établissements publics et privés habilités à assurer le service public hospitalier, dans la mesure où seuls les premiers peuvent recruter des médecins autorisés à pratiquer des dépassements d'honoraires dans le cadre de l'exercice d'une activité libérale au sein de l'établissement.

Les parties requérantes faisaient enfin valoir qu'en réservant une telle possibilité de recrutement aux seuls hôpitaux publics, sans l'étendre aux cliniques, ces dispositions rendraient trop difficile l'habilitation de ces dernières à l'exercice du service public hospitalier. D'où la « méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle ».

Les dépassements ont lieu « en dehors du cadre » du SPH 

Dans leur décision, les juges ont validé les dérogations à l'interdiction de facturation de dépassements d'honoraires des PH dans les hôpitaux publics. « Lorsqu'ils exercent une activité libérale au sein de leur établissement, les praticiens des établissements publics de santé n'interviennent pas dans le cadre du service public hospitalier », juge le Conseil constitutionnel. La raison est liée à la possibilité de choix. Le patient accueilli peut bénéficier d'une prestation assurée soit par un médecin exerçant à titre libéral « en dehors du cadre » du service public hospitalier (sans garantie d'absence de dépassements), soit par un praticien intervenant dans le cadre du service public, alors tenu aux tarifs opposables. Dès lors que les patients sont bien informés, il n'y aurait donc aucune différence de traitement entre les patients accueillis à l'hôpital.

Quant aux médecins, le Conseil constitutionnel fait l'analyse suivante. Les praticiens du public qui peuvent bénéficier de la dérogation, en raison de leur statut, « sont tenus de consacrer la totalité de leur activité professionnelle à leurs fonctions hospitalières et universitaires ». Il en va différemment des médecins libéraux employés par une clinique assurant le service public hospitalier « qui n'ont pas nécessairement vocation à y consacrer l'intégralité de leur carrière et qui ne sont pas tenus d'exercer à plein temps leur activité au sein de cet établissement ». Ces derniers peuvent donc exercer d'autres activités médicales autorisant des dépassements, dans le cadre de la médecine de ville par exemple. La différence de traitement reposerait donc sur une différence de situation.

Secteur libéral limité

De surcroît, l'activité libérale des PH est strictement encadrée, rappellent les juges. Par exemple, la durée de l'activité libérale ne doit pas excéder 20 % de la durée de service hospitalier hebdomadaire. Le nombre de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité libérale doit être inférieur au nombre de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité publique. Enfin, aucun lit ni aucune installation médico-technique ne doit être réservé à l'activité libérale, pratique qui permet d'améliorer l'attractivité des carrières hospitalières publiques. Dans la mesure où la possibilité de faire des dépassements contribue à cette attractivité, « la différence de traitement contestée est en rapport direct avec l'objet de la loi », estime le Conseil constitutionnel. 

CQFD : pour les juges, ni le principe d'égalité, ni la liberté d'entreprendre, ni la liberté contractuelle ne sont remis en cause par la pratique de l'exercice libéral à l'hôpital public. 


Source : lequotidiendumedecin.fr