Prescription par les pharmaciens : premier feu vert des députés

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Publié le 14/03/2019

Voilà une décision qui devrait faire couler beaucoup d'encre. Les députés ont adopté mercredi en commission un amendement au projet de loi santé autorisant les pharmaciens à délivrer sous certaines conditions des médicaments normalement sous ordonnance pour des pathologies bénignes comme des cystites ou angines.

L'amendement adopté à l'initiative du rapporteur Thomas Mesnier (LREM) « vise à permettre aux pharmaciens(...) de délivrer selon un protocole mis en place par la Haute autorité de santé des médicaments dont la liste serait fixée par arrêté dans le cadre de pathologies bénignes du quotidien », a expliqué le député devant la commission des Affaires sociales. 

Cela se ferait « dans le cadre d'un exercice coordonné » (en maisons, centres de santé ou en communautés professionnelles territoriales de santé) et « sous réserve d'une formation ad hoc des pharmaciens sur des protocoles et d'un lien obligatoire réalisé auprès du médecin traitant », a précisé le député de Charente. Dans un entretien au Généraliste, le Dr Mesnier avait défendu cette mesure qui doit selon lui « sécuriser certaines pratiques, aussi bien d’un point de vue légal que scientifique ».

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a exprimé son souhait « de réussir à avancer sur le sujet » tout en exprimant des « réserves ». Elle souhaite donner du temps à la négociation avec les syndicats de médecins, qui sont opposés à la mesure, « pour trouver une voie de sortie par le haut ».

Possibilité d'adapter les traitements

Un autre amendement du rapporteur a été adopté pour permettre aux pharmaciens de changer de médicament notamment lorsque celui prescrit connaît une rupture d'approvisionnement susceptible de mettre en jeu le pronostic vital du patient, sans l'accord préalable du prescripteur, mais conformément aux recommandations de l'Agence nationale de sécurité du médicament.

Les députés ont aussi prévu de permettre aux infirmiers d'adapter des traitements en fonction des résultats d'analyses de biologie médicale des patients. « Cette possibilité devra s'inscrire dans le cadre d'une équipe de soins primaires ou d'une communauté territoriale de santé », et « le médecin traitant devra être informé de cette adaptation de posologie », précise l'exposé des motifs de l'amendement.

La prescription confiée aux officinaux est décriée par les syndicats de médecins libéraux. Estimant que les pharmaciens n'ont pas à remplacer les médecins, MG France a affirmé qu'il s'opposerait à la rédaction des protocoles. « Nous refusons qu'au prétexte d'aider les patients, ceux-ci se voient prescrire des médicaments sans examen clinique, sans diagnostic et sans connaissance des éléments médicaux de leur dossier », affirme le syndicat de généralistes. Pour le SML, la mesure adoptée en commission des affaires sociales, « va faire naître un risque de perte de chances pour de nombreux patients ».

Interrogés dans le cadre d'une récente enquête en ligne, les lecteurs du Généraliste étaient également réticents à cette mesure. Selon 72 % des 295 répondants, la prescription par le pharmacien constitue « une menace » pour leur profession. Reste à savoir si la mesure restera dans le texte qui sera adopté en séance plénière la semaine prochaine.


Source : lequotidiendumedecin.fr