URPS médecins 2015

Qui gouvernera les Unions ?

Publié le 23/10/2015
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Les élections URPS 2015 auront bien rebattu les cartes du jeu syndical. Toujours moins nombreux, les médecins électeurs ont, semble-t-il, voulu donner la prime aux contestataires. Autre enseignement : chez les généralistes, mais aussi chez les chirurgiens, une bonne part des votants affiche une préférence monocatégorielle.Tout cela aura des incidences sur la gouvernance des URPS. Et comme aucune majorité n'émerge clairement dans les Unions, l'attribution des présidences obéira plus que jamais au jeu des alliances...

Crédit photo : GARO/PHANIE

C’est une première place au goût amer. À l’issue des élections aux URPS (voir tous les résultats), la CSMF reste, en effet le syndicat leader en nombre de sièges et de voix tous collèges confondus. Mais la formation conduite par Jean-Paul Ortiz ne peut guère pavoiser puisqu’elle recule dans tous les collèges. Elle perd sept points dans le collège des généralistes. Son audience s’érode de près de cinq points dans le collège AOC, dans lequel, avec 12,37 % des suffrages seulement, elle laisse Le Bloc, hégémonique, truster désormais les deux tiers (66,79 %) des votes. Et si la CSMF garde une majorité relative en nombre de sièges (268 sur 870) et en voix (25,40 %), c’est surtout grâce à sa domination dans le collège spécialités cliniques. Mais là encore, malgré 40,65 % des suffrages, le syndicat perd près de 10 points par rapport à 2010 et sent désormais le souffle de ses concurrents dans sa nuque : le SML à 28,94 % et la FMF à 21,77 %.

Parallèlement, la FMF suit le chemin inverse avec une nette progression qui l’assoit comme le principal vainqueur de cette élection 2015 aux URPS médecins. Le syndicat dirigé par Jean-Paul Hamon progresse fortement dans les collèges généralistes et spécialités cliniques : avec 27,62 % dans le premier, soit plus de 9 % de hausse par rapport à 2010, elle passe devant la CSMF; et elle obtient 21,77 % dans le second, soit près de 7 points de plus.

Dans le collège des généralistes, les résultats semblent bien démontrer un jeu de vases communicants entre CSMF et FMF puisque, de leur côté, MG France et SML se maintiennent à un niveau proche de celui de 2010. Le syndicat de Claude Leicher l’emporte de nouveau dans ce collège, grappillant même de précieux suffrages puisqu’il passe de 29,73 % à 31,29 % par rapport à 2010. Quant au SML, il recule légèrement avec un score de 16,49 % contre 18,97 % il y a cinq ans.

Mini-séisme électoral

Pour expliquer ce mini-séisme électoral, les avis sont bien entendu partagés parmi vos syndicats. À la CSMF on estime que ces résultats sont le signe de l’exaspération et de la désespérance des médecins : « Quand il n’y a plus d’espoir, soit on se replie sur soi en votant pour les syndicats monocatégoriels, soit on vote pour ceux qui veulent tout faire péter » analyse Luc Duquesnel.

Mais pour MG France, vainqueur dans le collège 1, l’explication «?loi de santé » ne tient pas pour comprendre ces résultats : « Les deux variables importantes, c’est la présence sur le terrain et la prise en compte des différences secteur par secteur », explique Claude Leicher. « MG et la FMF ont une forte présence sur le terrain auprès des généralistes. Et notre victoire dans le collège 1, comme celle du Bloc dans le collège AOC, montre bien la tendance des médecins à choisir un syndicat qui parle directement aux spécificités de leur profession », ajoute-t-il.

S’agissant d’une élection locale Jean-Paul Hamon met en avant son travail de terrain pour expliquer ce succès, avec notamment « l’émergence de coordinations » ou l’importance de sa « cellule juridique ».

Enfin, Éric Henry attribue le léger fléchissement de son syndicat à des erreurs passées. Notamment dans le collège 1?: « Les voix perdues sont celles des MEP, parties après la signature de l’avenant 8 », estime-t-il. Malgré tout, le président du SML se félicite des résultats de son syndicat et se réjouit que, cette fois, il ait bataillé sur son nom propre?: « auparavant le SML était souvent accolé à un autre syndicat. On a montré qu’on était un syndicat à part entière », souligne-t-il.

Le « deuxième tour » se prépare en coulisses

Gagnants ou perdants ? Tout le monde n’est évidemment pas d’accord sur l’attribution des labels. Si ce n’est pour dire que la victime certaine de ces élections est le taux de participation. Tout au long de ces vingt dernières années, l’abstention n’a cessé d’augmenter et les élections 2015 accroissent le phénomène avec un taux de participation de 39,92 % là où il était de 44,6 % en 2010.

Après le temps des résultats, place aux alliances. Car le « deuxième tour » de ces élections aux URPS pourrait amplifier le mouvement avec la désignation (a priori pas avant janvier du fait de l'installation des nouvelles régions) des bureaux et présidents des nouvelles Unions. Sur les 26 URPS sortantes, la CSMF en présidait 19. Hormis en Guyane, en Guadeloupe et en Corse et, peut-être, à La Réunion, elle n’est assurée de rien concernant les nouvelles régions élargies. Même si c’est encore en Pays-de-Loire, dans le grand Nord, en Aquitaine-Limousin-Poitou, dans le Centre et le Languedoc-Midi Pyrénées qu’elle est le mieux placée, conservant tout de même une majorité relative des élus.

Partout ailleurs, ce seront les autres syndicats qui se partageront les présidences. Si l’on retient la logique du syndicat arrivé en tête tous collèges confondus, la FMF pourrait ainsi prétendre à la Normandie, à la Bretagne, ou à Paca, le SML à l’Ile-de-France ou à Bourgogne-Franche-Comté, MG France à l’Auvergne... Mais tout dépendra des accords qui vont maintenant se nouer : « Le téléphone n’arrête pas de sonner », confie en effet Éric Henry...

Le président du SML estime qu'à ce jour, rien n'est décidé. Il concède que tout dépendra des affinités au plan local: or le SML et la CSMF en ont noué pas mal dans les URPS ces dernières années. Mais pour le reste, il lache aussi à mots couverts qu'une vraie ligne de démarcation existe désormais entre les partisans du retrait pur et simple de la loi Touraine (FMF, SML, Le Bloc) et les autres (MG France et CSMF)... Tout pourait se décanter mi-novembre autour de la participation ou non des uns et des autres au "Black friday", ce "blocage sanitaire total" prévue sur trois jours par les trois premiers, à partir du vendredi 13 et jusqu'à la manifestation à Paris le lundi 16. A suivre donc dans les semaines qui viennent...


Dossier réalisé par Amandine Le Blanc et Luce Burnod

Source : Le Généraliste: 2734