Vous prédisiez il y a un an que cette réforme serait une catastrophe pour les médecins. Le pensez-vous toujours ?
Dr Thierry Lardenois Le haut-commissariat à la réforme des retraites avait dans un premier temps annoncé qu'il s'orienterait vers un régime par points avec une retraite accessible à partir de 62 ans et la possibilité de la bonifier. Nous espérons toujours qu'il retiendra ces recettes déjà appliquées à la Carmf. Une réforme s'impose et il est nécessaire de défendre les plus fragiles. Mais nous avons des réserves sur la formule retenue et la disparition des caisses de retraite.
L’annonce cet été du recouvrement des cotisations retraite par l’URSSAF a agacé le corps médical...
Dr T.L. Nous y voyons la traduction de la méthode Macron, « je fais ce que je veux et j’avance ». Il a décidé de mettre un terme aux caisses de retraite, ce qu'il commence à faire en récupérant leurs cotisations. Nous avons manifesté notre opposition à une telle mesure qui entraînerait la disparition pure et simple de toutes les caisses de retraite de France. La Carmf devrait licencier 60 personnes ! Il est nécessaire de maintenir un régime complémentaire. En Suisse, le régime universel (2 000 euros de retraite) cohabite avec 300 régimes complémentaires, et ce pays se porte très bien !
Les médecins généralistes redoutent d'être les perdants de cette réforme. Ont-ils raison ?
Dr T.L. Si la réforme entrait en vigueur en l’état, nous avons calculé que les cotisations baisseraient de 20 % pour les médecins libéraux. Les pensions diminueraient, elles, de 30 %, à condition que le praticien ait la totalité de ses années de cotisations. Le rapport Delevoye évoque une durée de 44,3 ans ! Cela signifie qu’avec la réforme, un médecin devrait travailler jusqu’à 70 ans pour avoir sa retraite à taux plein. Donc, s’il arrête à 65 ans, il aura environ 30 % de décote supplémentaire. Pour donner un ordre de grandeur, un médecin qui touche en moyenne aujourd’hui 2 663 euros par mois de retraite n’aurait plus que 1 400 euros de pension environ s’il part à 65 ans avec les futurs critères. Un médecin gagne aujourd'hui en moyenne 80 000 euros par an. Il n'en recevrait plus à la retraite que 16 800 (12 x 1400 euros). ça risque de lui faire drôle !
Les jeunes médecins seraient incités à contracter une retraite complémentaire pour garder un niveau de revenu décent...
Dr T.L. On entend effectivement dire que la future génération pourrait se payer une retraite complémentaire avec la baisse des cotisations pour pouvoir arrêter à un âge décent. Mais qui va nous proposer cette pension bonus ? Rothschild ? Que va faire, selon vous, un confrère de 30 ans de sa baisse de cotisations ? Va-t-il choisir d'acheter une BMW ou de placer cet argent sur un fonds de capitalisation ? L’avantage des caisses de retraite, c’est qu’elles pensent à vous avant que vous le fassiez. J’en suis le meilleur exemple. À 30 ans, je ne pensais pas un instant à ma retraite, et je suis heureux que ma caisse m’ait protégé et m’ait permis de mettre de l’argent de côté.
La profession a-t-elle encore des marges de manœuvre ?
Dr T.L. On ne nous a donné jusqu’à présent aucun signe de marge de négociation. Les caisses de retraite ont été exclues dès la seconde séance de discussion, après avoir exprimé leurs inquiétudes. Nous souhaiterions que la réforme s'applique aux Français dont le revenu est inférieur ou égal à un plafond de la Sécurité sociale (soit 40 000 euros par an) et non plus trois. Cela comprendrait 83 % des Français et 100 % des plus fragiles.
Manifesterez-vous ce 16 septembre à Paris contre la réforme des retraites ?
Dr T.L. Je soutiens cette manifestation mais je ne vois pas très bien où elle va nous mener. Il est trop tôt pour mobiliser et le risque est d’aboutir à l'effet inverse de celui désiré. Les Français se diront que la réforme est bonne puisqu'elle ne met que quelques “privilégiés” dans la rue : médecins, avocats, pilotes de ligne... Tant que la réforme n’est pas définitivement écrite, j'essaierai de négocier et de faire valoir nos argument
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