En pleine crise du Covid, les prestataires de santé à domicile (PSAD) crient leur colère. Ces acteurs, fortement mobilisés depuis l'épidémie pour favoriser le retour à domicile des patients, se sentent totalement « méprisés » et « ignorés » par les pouvoirs publics. La publication d'un projet d'avis, jeudi dernier, du CEPS (Comité économique des produits de santé) a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Ce texte programme une baisse tarifaire, à compter d'avril, de 115 millions d’euros sur le traitement à domicile de l’apnée du sommeil, une activité dont les prix ont été déjà réduits de 36 % en 10 ans, selon Charles-Henri des Villettes.
Le président de la Fédération des PSAD (FEDEPSAD) rappelle que le secteur a déjà subi une diminution tarifaire de 9 % en début d'année sur la prise en charge des patients sous insulinothérapie par pompe, soit 40 millions d'euros. « En 9 ans, le CEPS a imposé plus de 700 millions de baisse tarifaire. Je ne connais aucun secteur qui subit une telle baisse », ajoute-t-il. Appareils respiratoires pour l'apnée du sommeil (masques à PPC), pompes à insuline, perfusions, orthèses ou fauteuils roulants… Les PSAD prennent en charge deux millions de patients dans le cadre de maladies chroniques, de la perte d'autonomie liée à l'âge ou du handicap. Cette activité représente 4 milliards d'euros, dont 90 % sont remboursés par l'assurance-maladie.
Logique comptable
Pour réguler les dépenses, le CEPS se base sur la logique du prix/volume, un modèle appliqué aux prix des médicaments. Or cette méthode « ne prend pas en considération l’effet positif induit sur les dépenses à travers le développement des alternatives à l’hospitalisation, ainsi que des hospitalisations et réhospitalisations évitées, lesquelles génèrent des économies substantielles », argumente la fédération. Par ailleurs, les PSAD doivent faire face à une augmentation du nombre de patients (entre 5 et 7 %) induite par le vieillissement de la population, la prévalence des maladies chroniques et surtout le développement de la prise en charge à domicile impulsée par Ma Santé 2022.
Afin d'éviter cette gestion « comptable », qui risque d'impacter la qualité de la prise en charge des patients et l'emploi du secteur, la fédération réclame un moratoire des baisses tarifaires et au préalable, un retour à la politique conventionnelle avec la négociation d'un nouvel accord-cadre avec le CEPS (l'ancien est caduc depuis 2015). Selon Charles-Henri des Villettes, le principe d'un nouvel accord avait déjà été acté en 2019 par l'ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Les PSAD souhaitent notamment un accord pluriannuel pour donner de la visibilité aux acteurs, une régulation coconstruite s'appuyant sur des diagnostics partagés et une maîtrise des dépenses élaborée préférentiellement avec des mécanismes autres que les baisses tarifaires comme le paiement à la performance. « Nous attendons un signal fort du ministre de la Santé », conclut Charles-Henri des Villettes.
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