Pénurie de masques, pressions supposées sur des experts : deux médecins demandent à Véran de poursuivre le Pr Salomon devant l'Ordre

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Publié le 15/12/2020
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Crédit photo : S.Toubon

Pointé du doigt par la commission d’enquête du Sénat, pour sa responsabilité présumée dans l’affaire de la pénurie de masques, le Pr Jérôme Salomon doit-il être poursuivi devant l'Ordre des médecins ? C'est la requête de deux médecins (un généraliste et un urgentiste) du collectif C19, représentés par Me Fabrice Di Vizio.

Dans un courrier adressé au ministre de la Santé, les praticiens demandent à Olivier Véran de saisir l'Ordre afin de poursuivre le directeur général de la santé (devant la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre de Paris). « La plainte ne pouvait pas être déposée par les médecins eux-mêmes car le Pr Salomon est un médecin chargé de service public. Seuls le ministre, l'ARS, le préfet, le procureur de la République ou l'Ordre lui-même peuvent le faire », explique l'avocat.

Égalité de traitement

Dans la lettre que « Le Quotidien » a pu consulter, les deux médecins s'appuient sur les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur la gestion de crise, le 10 décembre. Les sénateurs estiment dans leur rapport que le DGS a exercé une « pression directe » sur l'agence Santé publique France « pour minimiser les besoins en masques ».

Pour Me Di Vizio, l'attitude du Pr Salomon ayant abouti « à la politique du gouvernement en matière de gestion des stocks de masques et à l'absence de constitution d'un stock stratégique » violerait plusieurs obligations déontologiques qui incombent à tout médecin : devoir de moralité et de probité, obligation de respect de la vie et de la personne humaine, obligation de confraternité. « Mes clients n'acceptent pas que leur confrère mente et déconsidère la profession. Ils souhaitent rappeler que le code de déontologie médicale s'applique à tous les médecins, même pour ceux qui ont évolué vers des postes à très hautes responsabilités. Il faut une égalité de traitement entre les médecins », indique Me Di Vizio.

Contraindre le ministre

À travers cette demande, le collectif C19 souhaite donc qu'Olivier Véran, lui-même médecin, se positionne sur cette affaire en entamant une procédure contre son DGS. « Face au directeur général de la santé accusé par une commission d'enquête sénatoriale, le ministre de la Santé va-t-il se saisir du dossier ou va-t-il regarder ailleurs ? Est-ce que la probité professionnelle du médecin est une faculté ou une obligation ? », tempête Me Di Vizio. Quoi qu'il en soit, le collectif C19 veut aller jusqu'au bout de son combat, en saisissant le Conseil d'État si « le ministre n'accède pas à la demande des confrères dans un délai de deux mois »

Interrogé la semaine dernière, Olivier Véran avait déclaré s'être « entretenu » avec le Pr Jérôme Salomon. « Il m'a indiqué que les échanges d'e-mails, auxquels il est fait allusion dans le rapport (...), il les a lui-même transmis à la commission d'enquête parlementaire. » La DGS a pour sa part assuré dans un communiqué qu'« aucune pression n’a été exercée sur le groupe d'experts »


Source : lequotidiendumedecin.fr