Comme déjà en 2016, le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a sondé, du 13 octobre au 30 novembre dernier, l'ensemble des médecins et des internes à travers une consultation intitulé « Soigner demain ». Au final, 16 800 médecins, tant libéraux qu’hospitaliers ou salariés, ont répondu au questionnaire en ligne dont 1 355 étudiants internes en médecine. Les résultats ont été présentés jeudi. Quels sont les ressentis de la profession sur le métier, l'avenir du système de santé ou encore la lutte contre les inégalités d'accès aux soins ?
Un métier en manque d'attractivité
Si l'écrasante majorité des médecins ressent toujours de la fierté (pour 86% des praticiens) et du bonheur à exercer (pour 83%), seulement 70 % choisiraient à nouveau d'embrasser ce métier «si c'était à refaire». « Et plus le médecin est jeune, plus ce sentiment s'étiole », a commenté le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Cnom. En effet, chez les internes, seuls 54 % feraient de nouveau ce choix. Pis la crise sanitaire a pu renforcer des sentiments contradictoires : lassitude et anxiété comme accomplissement professionnel et fierté.
Parmi les difficultés exprimées dans leur exercice quotidien, à 80 %, les sondés citent l'accroissement du poids du temps administratif qui cannibalise le temps médical, nuisible pour la relation avec le patient. Et 56 % estiment même que la répartition entre temps médical et temps administratif s’est « beaucoup détériorée » au détriment du premier ces dernières années. Le manque de latitude pour suivre la formation continue ou pour mener à bien leurs missions de prévention contribue au sentiment de perte d'attractivité du métier. Face ces difficultés, le désir « plébiscité » de changement d’exercice en cours de carrière, souhaité par trois médecins sur quatre, n'est pas satisfait en raison des freins nombreux dont le premier est financier (44 %).
Des réformes insuffisantes pour le système de santé
Concernant le système de santé, près de 8 médecins sur 10 considèrent que celui-ci reste de qualité mais a tendance à se détériorer ces dernières années. « Aucune inflexion notable n’est donc intervenue depuis 2016, puisque les médecins étaient alors 82 % à porter ce jugement », a noté l'Ordre. Car sur les différents outils mis en place par les précédentes réformes du système de santé (loi Touraine en 2016 et loi Buzyn en 2019), leurs sentiments sont mitigés. S'ils estiment positive la création des hôpitaux de proximité (à 82 %), la suppression du numerus clausus (à 66 %) ou encore la création des infirmiers en pratique avancée (à 63 %), ils se montrent plus réservés sur la création des groupements hospitaliers territoires (GHT) ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) recueillant l'appréciation positive de 37 et 38%.
Dans le cadre du Ségur de la santé, ils ont majoritairement salué plusieurs dispositifs annoncés comme la simplification des procédures pour libérer le temps médical, la remédicalisation de la gouvernance des hôpitaux ou encore la hausse salariale de professionnels des hôpitaux, des Ehpad et des établissements médico-sociaux et dans une moindre mesure le renforcement du rôle des IPA ou encore l'accélération du développement de la téléconsultation avec le prolongement du dispositif mis en place pendant la crise.
Partage de compétences : oui, mais
Alors comment faire évoluer le système de santé ? Selon le sondage, les médecins sont partagés entre le réformer en profondeur (44 %) et l’adapter avec des aménagements (52 %). Leur priorité absolue est d’accroître le temps médical et de réduire la complexité administrative (82 %). Pour cela, 72 % des médecins (mais les libéraux ne sont que 65 % à le penser) estiment que la redéfinition des périmètres et champs de compétences entre les professions de santé pourrait être une solution. Cette redéfinition présenterait pleins d'avantages dont celui de réaffirmer le rôle du médecin comme coordinateur du parcours de soins du patient (66 %). En effet, 61 % des répondants estiment que ce rôle du généraliste est insuffisant dans l'organisation du système de soins.
Pour améliorer le système de santé, la refonte de la gouvernance que les médecins souhaitent, de façon plus locale, pour mieux prendre en compte la voix des praticiens dans l'organisation de l'offre des soins est une piste avancée par les sondés. Parmi les acteurs qui devraient jouer un rôle plus important dans la santé publique, les médecins ont cité l'Ordre, les syndicats médicaux ou encore les associations d'usagers. S'agissant des futures réformes, la question de la rémunération est l'un des objectifs attendus par les sondés (64 % des libéraux, 59 % des moins de 45 ans).
Pas de contrainte à l'installation
Enfin pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins, une mission prioritaire pour 60 % des médecins, les mesures de contrainte sont profondément rejetées par une grande partie des médecins dont les plus jeunes (83 % des moins de 35 ans le sont, contre 52 % pour les plus de 65 ans). En revanche, la revalorisation des actes en zones sous-dotées et le développement des exercices en sites multiples sont à leurs yeux les deux leviers prioritaires à actionner.
Dans ce cadre, la profession reste divisée sur l'efficacité de la disparition du numerus clausus comme réponse aux inégalités territoriales ou encore la 4e année de DES pour inciter les étudiants à choisir d'exercer dans des territoires en tension. Enfin la télémédecine n'apparaît pas non plus comme une solution partagée pour lutter contre les déserts médicaux. 55 % pensent en effet que cette pratique à distance ne permettra pas d’améliorer l’accès aux soins. Les généralistes (36 %) et les libéraux (34 %) sont ceux qui y croient le moins. C’est dans les territoires ruraux que les médecins en doutent le plus : la Bourgogne Franche-Comté et les Pays de la Loire (65 %) ou la Normandie (62 %).
L'Ordre entend à présent s'appuyer sur ces résultats pour formuler des propositions en vue de la campagne présidentielle.
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