« La santé ne peut pas être réduite en un schéma national et vertical se déclinant de la même manière. Il faut plus d'autonomie dans les territoires pour construire avec les acteurs locaux des réponses adaptées », a lancé Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française (FNMF), lors de la présentation du premier baromètre Santé-Social, réalisé en partenariat avec l'Association des maires de France (AMF), qui alerte sur l'aggravation de la désertification médicale.
Cette offensive concerne en premier lieu l'accès aux soins dont la gestion ne relève pas directement des maires ou des collectivités territoriales. Pourtant, « les élus jouent souvent un rôle indispensable de coordination entre le territoire et l’offre de santé implantée sur celui-ci », assure François Baroin, président de l'AMF, pour qui « le désert médical » est une réalité qui ne peut être ignorée par les édiles.
Fortes disparités
De fait, selon le baromètre, 7,4 millions de Français (soit plus d'un sur dix) résident dans un commune où l'accès à un généraliste est « potentiellement limité » (contre 5,7 millions en 2016).
Surtout, la densité médicale se révèle extrêmement variable en 2019 entre les départements les moins bien dotés (seulement 94 généralistes pour 100 000 habitants dans l’Eure, 96 en Seine-et-Marne, 108 dans le Cher) et les départements les mieux pourvus (un maximum de 248 généralistes pour 100 000 habitants dans les Hautes-Alpes, 242 à Paris, 181 dans les Bouches-du-Rhône). Conséquence, « 5,2 millions de Français ont consulté en dehors du parcours de soins coordonné en 2019. Ces Français n'ont pas pu consulter leur médecin traitant car ils n'en ont pas pour la moitié d'entre eux », explique Séverine Salgado, directrice santé de la FNMF.
Les inégalités d'accès aux soins sont criantes aussi sur le plan financier. La proportion de médecins spécialistes de secteur I ou pratiquant des tarifs maîtrisés varie de 33 % à Paris à 100 % en Haute-Loire et dans la Creuse.
Équipe traitante ?
Dans ce contexte, le président de l'AMF appelle l'État à un « big bang médical territorial », en tirant les leçons de la mobilisation contre le Covid. Lors du déclenchement de la crise sanitaire, les élus locaux se sont fortement mobilisés avec d'autres acteurs – comme les entreprises – pour soutenir logistiquement la médecine de ville sur le plan logistique (masques, EPI). Pour François Baroin, l'essai doit être transformé. « Il nous faut de nouveaux véhicules législatifs pour que les maires ou les intercommunalités puissent acheter un scanner pour l'hôpital, un nouvel outil demandé par tel ou tel service (...), être des cofinanceurs de la médecine généraliste et hospitalière et des co-employeurs à partir du moment où le territoire décide que la santé devient prioritaire. »
De son côté, le président de la Mutualité est convaincu qu'il faut accompagner les médecins pour sortir de l'exercice isolé. « Nous proposons de créer des espaces pluridisciplinaires de santé et d'accélérer l'association, le transfert de tâches. Quand on se place du point de vue des Français, c'est l'idée de remplacer le principe du médecin traitant par une équipe médicale traitante pour mieux assurer l'accès aux professionnels de santé. »
Le leader mutualiste écarte toute idée de mode d'exercice médical « imposé » (salarié en centre de santé par exemple). « Ce sont les professionnels eux-mêmes qui choisissent leur organisation. Les élus locaux sont en première ligne et les mutualistes peuvent aussi apporter des solutions concrètes », a-t-il insisté.
Dans ce cadre, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées en 2016 par la loi Touraine et mises en avant par le gouvernement, doivent rester « un outil » de coordination parmi d'autres. Pour Thierry Beaudet, « le risque est qu'on invente un machin où on ferait de la coordination sans que les Français en voient le bénéfice immédiat. »
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre