Gardes obligatoires : les médecins libéraux dénoncent les « mensonges », « dérapages » et le « mépris » du patron de la FHF

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Publié le 19/05/2022

Crédit photo : S.Toubon

Comme une ritournelle, libéraux et hospitaliers se renvoient la balle sur la problématique de la continuité et de la permanence des soins. Lors de l'ouverture du salon hospitalier Santexpo à Paris, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, a remis les pieds dans le plat sur ce sujet explosif, entraînant en retour un tir de barrage des médecins de ville. La nomination du nouveau ministre de la Santé devrait donc intervenir dans un contexte de résurgence de la querelle entre l'hôpital et la médecine de ville…   

« Compte tenu de la situation », Frédéric Valletoux a plaidé pour une « obligation de participation de tous les praticiens » à la permanence des soins, à décider « en urgence ». « Chaque praticien devrait s'inscrire sur une ligne de garde ou d'astreinte, en ville (PDS-A) ou à l'hôpital (PDS-ES), lorsqu'elle est jugée indispensable pour l'accès aux soins sur le territoire d'exercice », a cadré le président de la FHF dans son discours. Seuls l'âge ou l'état de santé devraient permettre d'y déroger, et si une place doit être ouverte « d'abord » à la négociation territoriale, la réquisition pourra intervenir « si nécessaire ». Des mesures « très fortes, exceptionnelles », assume le patron de la FHF, considérant qu'on ne peut « plus attendre ». Et de rappeler surtout que 60 % des généralistes libéraux ne participent pas aux gardes… « L'hôpital public ne doit pas être le seul à pallier ces défaillances du système de santé », a-t-il martelé. 

Nouveau pacte social

Ce jeudi, comme un seul homme, les syndicats représentatifs de médecins libéraux* se sont fendus d'une riposte commune, reprochant à Frédéric Valletoux sa sortie « entre mensonges et dérapages ». « [À ses yeux] les maux dont souffre l’hôpital public n’ont qu’une explication : les médecins libéraux qui n’en feraient pas assez », ironisent les syndicats. Ils font valoir que la récente enquête de l'Ordre sur la PDS a montré que le taux de couverture était de 96 % les week-ends et jours fériés, 95 % en soirée et 23 % en nuit profonde – puisque les ARS arrêtent la prise en charge des lignes de permanence de soins la nuit.

« Nous tenons à rappeler que le temps moyen de travail des médecins libéraux dépasse allègrement les 50 heures par semaine et que près de neuf consultations sur dix sont assurées par un médecin libéral », ajoutent les libéraux, sans vouloir pour autant « pointer du doigt les difficultés inhérentes à l'hôpital public ». « La médecine française est malade et nous appelons de nos vœux une refonte en profondeur du système de santé afin d'écrire tous ensemble un nouveau pacte social dont la nation a besoin », soulignent-ils. 

Approche « inutilement clivante »

La conférence nationale des URPS (CN-URPS) a également réagi, de façon encore plus virulente. Elle voit la proposition du patron de la FHF comme une « volonté de placer la médecine libérale sous la coupe de l’hôpital ». « Mais qui compense d’ores et déjà la prise en charge des urgences et des soins non programmés sur les territoires, si ce ne sont les libéraux ? », interroge cette conférence.

Elle voit les déclarations du patron du lobby hospitalier comme un « non-sens », une approche « hors sol » et « inutilement clivante ». Ces propos témoignent « d’un esprit systématique d’opposition, indigne des enjeux auxquels le système de santé est confronté », cingle la structure présidée par le Dr Antoine Leveneur – qui fut (il y a 20 ans) l'un des promoteurs de la fin de l'obligation des gardes en ville. « La situation, tant des hôpitaux, que de la médecine libérale et du secteur médico-social, appelle à la responsabilité et à l’unité, et passe par la reconnaissance du travail de chacun. Le mépris est ici, comme ailleurs, irresponsable », juge la CN-URPS. « Les médecins libéraux ne peuvent être tenus comptables, responsables et réduits demain à de simples supplétifs, pour sauver un hôpital public à bout de souffle, avertit l'instance représentative des Unions. Ils ne peuvent être soumis à des stages obligatoires, à des gardes obligatoires. »

* Avenir Spé/Le Bloc, UFML, CSMF, MG France, FMF, SML


Source : lequotidiendumedecin.fr