La CSMF réclame trois milliards d'euros pour la médecine de ville et propose son programme « Ma santé 2022-2027 »

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Publié le 24/02/2022
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Après deux mandats à la tête de la centrale polycatégorielle, le Dr Jean-Paul Ortiz quittera ses fonctions le 12 mars.

Après deux mandats à la tête de la centrale polycatégorielle, le Dr Jean-Paul Ortiz quittera ses fonctions le 12 mars.
Crédit photo : S. Toubon

« La médecine de ville est en plein délitement ». C'est par ces mots difficiles que le président de la CSMF a entamé ce jeudi sa dernière intervention devant la presse. Après deux mandats à la tête de la centrale polycatégorielle, le Dr Jean-Paul Ortiz quittera ses fonctions le 12 mars. 

Le tableau que le néphrologue brosse de la profession est plutôt sombre. « Fatigués, éreintés, épuisés par ces deux années de dur combat, les généralistes se sentent méprisésignorés », a-t-il affirmé. Les spécialistes ne sont guère mieux lotis. Certaines spécialités – cancérologues ou ophtalmos – ont perdu jusqu'à 15 % de leurs revenus, une situation résultant des déprogrammations dans les cliniques.

Cette crise « majeure » se traduit par une diminution du nombre de praticiens libéraux exclusifs en activité, impactant l'accès aux soins, selon la CSMF. C'est dans ce contexte que le premier syndicat médical a avancé une plateforme de propositions « Ma Santé 2022-2027 », clin d'œil au plan santé d'Emmanuel Macron (Ma santé 2022).

Porte d'entrée de proximité

La question de l'accès aux soins demeure centrale. Dans un contexte de pénurie médicale, le patron de la centrale polycatégorielle récuse tout système « inégalitaire, à deux vitesses » avec, d'un côté, « des officiers de santé ou leurs équivalents » prenant en charge les patients éloignés des grandes villes et, de l'autre, « des docteurs en médecine uniquement accessibles dans les centres urbains ou pour les populations les plus fortunées ». Pour fonctionner, le système de santé doit reposer sur une « gradation » des soins avec la médecine de ville comme « porte d'entrée de proximité ». « L'hôpital doit se recentrer exclusivement sur la mission de recours, d'excellence, et référence qu'il n'aurait jamais dû quitter », résume le néphrologue.

À cet effet, la médecine libérale doit être « revalorisée et réorganisée » pour prendre en charge les demandes de soins de premier et deuxième recours. Dans ce cadre, la Confédération souhaite l'intégration du samedi matin dans la permanence des soins ambulatoire (PDS-A) et la valorisation des astreintes des spécialistes dans les établissements privés. Et en journée, l'acte régulé et réorienté vers un généraliste acceptant de participer au service d'accès aux soins (SAS) devrait être valorisé de 15 euros/acte, plaide la CSMF. Elle propose aussi de permettre aux spécialistes sollicités par un généraliste (ou un médecin régulateur du SAS) d'appliquer la majoration d'urgence de 15 euros « pour un rendez-vous dans un délai maximum de cinq jours au lieu de 48 heures actuellement ».

Consultations d'observance

Souhaitant tirer les leçons d'un système de santé « trop curatif », le syndicat réclame des « consultations longues de prévention » à des âges clés de la vie (adolescence, quarantaine, cinquantaine, etc.), autour de thématiques de santé publique (conduites addictives, dépistage, prévention primaire de maladies cardiovasculaires, etc.). Couplées à des « consultations d'observance » et à de l'éducation thérapeutique, ces consultations majorées pourraient être « largement financées », soutient le Dr Ortiz.

La coordination entre généralistes et spécialistes est une autre priorité pour éviter les redondances. Quant à la coopération avec les autres professionnels de santé, la CSMF n'est pas hostile, sous réserve d'une « conférence de consensus » sur les évolutions des contours de métiers. « Tout autre mécanisme autoritaire est voué à l'échec et aux conflits », insiste le Dr Ortiz.

Assistants médicaux et IPA en renfort

Opposée « à tout modèle unique » de coordination, la centrale appelle à soutenir toutes « les initiatives locales » via le fonds d'intervention régional (FIR). Et pour les équipes de soins spécialisés (ESS) en projet, un investissement « modéré » de 100 000 euros par équipe permettrait de se déployer dans les plus brefs délais, en dehors du cadre expérimental, estime la CSMF.

Tout comme le SML ou MG France, la CSMF réclame le déploiement « large » des assistants médicaux grâce à la refonte du dispositif actuel « complexe et contraignant », ainsi que l'arrivée des infirmières de pratique avancée (IPA) dans les cabinets de groupe. « Cela permettra aux médecins de se rencentrer sur des consultations plus lourdes en déléguant une partie du suivi des pathologies chroniques », justifie le Dr Ortiz. Mais cette coordination organisée suppose de valoriser fortement l'expertise médicale. « Un médecin qui déléguerait ses actes simples se retrouverait rapidement en situation difficile, il ne lui resterait que des consultations moins nombreuses, plus longues, plus complexes mais… toujours à 25 euros », met en garde le Dr Ortiz.

Des consultations de 30 à 100 euros

En matière de refonte des consultations, la CSMF propose de réévaluer son schéma connu autour de quatre niveaux de tarifs lisibles. La consultation de référence à 30 euros s'appliquerait au suivi habituel d'un patient connu (niveau 1). L'avis ponctuel de consultant – mais aussi la prise en charge d'un patient qui change de médecin traitant avec constitution du volet de synthèse – serait payée au niveau 2, à 60 euros. Un tarif de 75 euros (niveau 3) valoriserait les consultations complexes (psychiatrie, neurologie, endocrinologie) et la visite longue à domicile. Les consultations très complexes (consultations d'annonce en cancérologie, synthèse, coordination) seraient honorées « autour de 100 euros ». Accessibles à l'ensemble des médecins cliniciens, ces quatre niveaux restent « indépendants » des dépassements d'honoraires. « Le secteur II perdure, soutient le président de la CSMF. Si on négocie ces niveaux de tarifs, beaucoup de dépassements diminueront ».

Pour mettre en musique ces réformes, l'investissement devra être « massif », assume le Dr Jean-Paul Ortiz. « Une nouvelle convention médicale ne pourra pas avoir l'accord des médecins libéraux sans un budget estimé à trois milliards d'euros, dont 1,7 milliard pour les revalorisations des consultations. »


Source : lequotidiendumedecin.fr