Affaire des prothèses PIP

Le chirurgien assigné en justice se défend

Publié le 21/06/2012
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Crédit photo : AFP

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« EDWIGE AVAIT DEMANDÉ à sa sœur, dans ses dernières dispositions écrites quelques jours avant sa mort, qu’on poursuive tous les responsables ». Selon Me Isabelle Colombani, sa cliente Katia Colombo respecte à la lettre les dernières volontés d’Edwige Ligoneche, décédée en novembre 2011. Elle a engagé une procédure au pénale contre la société varoise PIP au tribunal de Marseille. Parallèlement, elle assigne en référé le chirurgien qui a posé les prothèses défectueuses, le Dr Denis Boucq, une procédure d’urgence. Elle lui réclame 320 000 euros de dommages et intérêts. « La patiente est morte. On pourrait penser qu’il n’y a plus d’urgence. Mais cela permettra de statuer plus rapidement : le juge de Marseille aura l’intégralité de l’expertise », explique l’avocate au Quotidien.

Le chirurgien niçois, loin d’être ébranlé par cette mise en accusation, n’a pas de mots assez durs pour condamner la démarche et voit dans l’urgence invoquée des motifs financiers. « Mme Colombo souhaite une provision de 37 000 euros, en acompte des 322 000 euros » explique-t-il au « Quotidien ». « Katia Colombo trahit les volontés de sa sœur. Sur son lit de mort, Edwige Ligoneche aurait dit à sa sœur : "tu poursuivras en justice PIP ou l’AFSSAPS mais tu laisseras le Dr Boucq pour lequel j’ai beaucoup d’estime », poursuit-il. Une version que soutient totalement Alexandra Blachère, présidente de l’association PPP (porteuses de prothèses PIP, 2 100 adhérentes). « Je comprends le besoin de la famille d’avoir un coupable tout de suite. Mais Edwige ne voulait pas poursuivre le Dr Boucq. Katia m’a dit au début qu’il avait bien de la chance qu’Edwige lui ait demandé de ne pas le poursuivre. Nous nous interrogeons sur les raisons de ce revirement », explique Mme Blachère.

« Mensonges » contre « tromperie ».

Sur le fond, Me Isabelle Colombani attaque le Dr Denis Boucq pour manquement professionnel. Le Dr Boucq aurait fait signer à Edwige Ligoneche un document stipulant qu’on lui remplaçait ses prothèses PIP par des implants d’une autre marque. « Or lorsqu’on lui a enlevé ses prothèses en 2011, c’étaient des PIP. C’est presque un délit de tromperie ! », avance Me Isabelle Colombani.

« Ça n’a ni queue ni tête », balaie le chirurgien. « Il s’agit d’une coquille de secrétariat sur un consentement éclairé en 2006. En 2009, le contrat stipulait la société PIP. Edwige connaissait la marque de ses prothèses et m’a toujours gardé sa confiance », poursuit-il.

Il se défend aussi d’avoir connu la défectuosité des prothèses PIP. Avant que l’AFSSAPS ne sonne l’alerte en mars 2010 « je ne pouvais pas me douter qu’elles étaient mauvaises : en 2001 et 2009, j’ai opéré 120 patientes. Je n’ai eu qu’une rupture avant celle de Mme Ligoneche », assure-t-il. Le Dr Boucq rappelle « qu’à l’heure actuelle, aucune corrélation scientifique » ne permet de faire le lien entre le lymphome de Mme Ligoneche et le gel de silicone PIP.

Le chirurgien sera-t-il le premier médecin condamné dans l’affaire PIP ? L’affaire sera plaidée le 19 juillet, le jugement rendu sous huitaine. « C’est un coup d’épée dans l’eau », répond le Dr Boucq.

Sur une trentaine de dossiers ouverts à ce jour au Sou médical - groupe MACSF - qui assure 200 des 900 chirurgiens plasticiens exerçant en France, Nicolas Gombault, directeur général, n’a observé aucune condamnation de praticiens. « Les contentieux sont trop jeunes », explique-t-il. Mais il est convaincu que la responsabilité des sociétaires ne sera pas engagée. « Ils ont été aussi trompés par la société PIP. Les avocats mettent en cause les médecins avec la société PIP par acquit de conscience et pour que l’expertise soit contradictoire », précise-t-il.

L’association PPP a renoncé à poursuivre les chirurgiens. « Les responsables, ce sont la société PIP, l’organisme certificateur allemand TÜV et l’État », conclut Alexandra Blachère.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9146