« DANS UN CONTEXTE que les épidémiologistes appellent une guerre, il ne faudrait pas oublier que les professionnels de santé libéraux sont en première ligne. » La mise en garde est formulée par le Dr Frédéric Prudhomme, vice président de l’Union régionale des médecins libéraux (URML) d’Ile-de-France, l’une des organisations du secteur ambulatoire montées au créneau ces jours derniers pour déplorer une certaine forme d’abandon par les pouvoirs publics.
Outre cette URML, plusieurs syndicats médicaux ont dénoncé à la fois la faiblesse des messages délivrés aux généralistes (1) et l’insuffisance de l’équipement (notamment en masques) des cabinets. Rappelant que des milliers de professionnels libéraux ont récemment reçu une formation grippe aviaire, ils ont aussi regretté que nul n’ait tiré parti de cette expertise. Et souligné que c’est bien tard à leurs yeux – hier seulement – que la ministre de la Santé a officiellement reçu les représentants des médecins libéraux pour une réunion d’information sur la grippe A.
C’est le syndicat Union Généraliste qui, le 1er mai, a ouvert le feu avec une « lettre ouverte » très politique à la ministre de la Santé. « On sent bien que devant le danger de la contagion, vous allez redécouvrir la place des médecins généralistes libéraux auprès de leurs patients sur tout le territoire français », y ironisent les Drs Jean-Paul Hamon et Claude Bronner, coprésidents, pour ajouter aussitôt : « Peut-être à cette occasion vous apparaîtra pleinement la médiocrité des moyens mis à leur disposition pour accomplir leurs tâches au quotidien. » Le lendemain, MG France prenait le taureau par les cornes en annonçant dans un communiqué qu’il mettait en place lui-même « une cellule d’accompagnement destinée aux médecins généralistes », un « système de veille chargé de recueillir l’information de proximité auprès des confrères, et de leur diffuser des informations validées et actualisées ». De son côté, l’UNOF (branche généraliste de la Confédération des syndicats médicaux français – CSMF) souhaitait que « les autorités de santé réactivent les messages spécifiques et les moyens à l’adresse des professionnels de santé de proximité ».
Isolement.
Pourquoi la ville s’est-elle sentie bien seule face à H1N1 ? Parce qu’elle a trouvé tout d’abord qu’il manquait un échelon dans la politique mise en uvre par les pouvoirs publics : elle-même. « On dit aux Français d’appeler le 15, mais qu’est-ce que je fais quand j’ai face à moi un patient qui a de la fièvre, qui me dit tout à coup qu’il revient de New York et qui vient de passer un quart d’heure dans ma salle d’attente ? », s’interroge le Dr José Clavero qui préside le collège formation de l’URML d’Ile-de-France. Jean-Paul Hamon (élu à l’Union) évoque, lui, du « bricolage » et avoue se sentir « un petit peu seul quand (il n’a) même pas de masques à donner à ses patients si quelqu’un tousse dans (sa) salle d’attente ». « Dans nos cabinets, nous avons constamment des demandes, renchérit le Dr Marie-Laure Alby, présidente de la section généraliste de la même URML : " Est-ce que je dois prendre du tamiflu ? " , " Prescrivez-moi ci ! ", " Prescrivez-moi ça ! " Nous sommes sous-équipés pour répondre à ces questions. Quant au matériel, nous avons reçu un kit pandémie grippal il y a deux ans. Il nous permet de faire face à une journée d’affluence mais nous n’avons pas d’information très précise sur ce qui se passe ensuite… » Or « ensuite », en cas de pandémie, ça peut vouloir dire « très vite » et là, la ville sait que les limites du passage par les centres 15 seront très vite atteintes. « S’il y a 100 ou 150 appels, comme cela a été le cas pour la grippe aviaire avec un oiseau malade dans l’Ain, un centre 15 est immédiatement saturé, fait valoir le Dr Alby. A priori , en cas de pandémie grippale, il faudra traiter les patients en ambulatoire. »
Alors que les systèmes et les relais d’information des libéraux existent – dans plusieurs départements, des extensions du pan blanc aux professionnels de premier recours ont été établies –, les professionnels de la ville (médecins mais aussi infirmières, pharmaciens et kinés) regrettent que les pouvoirs publics ne les aient pas actionnés pour H1N1.
(1) La DGS diffuse des informations ciblées à l’adresse suivante : https://dgs-urgent.sante.gouv.fr
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