Dans le cadre d'un vaste plan contre la fraude sociale, le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, annonçait ce début de semaine, étudier plusieurs pistes de lutte contre la fraude sociale, évaluée à 8 milliards d’euros de prélèvements sociaux dont 3 % à 7 % de certaines dépenses d’Assurance-maladie. Le gouvernement entend ainsi doubler le nombre de redressements d’ici à 2027, avec, comme mesure phare, un projet de fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité. Mais, a priori, l’hypothèse de faire usage de la biométrie pour la carte Vitale, un temps envisagé, ne devrait pas être retenue.
La position des médecins, libéraux comme hospitaliers, a donc été entendue. En effet, les annonces du ministre sont issues d’un rapport des Inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF), qui ont, entre autres, interrogé à la fois des médecins de terrain et leurs représentants syndicaux et ordinaux. Et même si la tournure employée se place davantage du côté de la litote administrative que sur celui d’une position affirmée - « l’usage de la biométrie fait l’objet des plus vives réticences de la part des professionnels de santé, qu’ils exercent en ville ou en établissement » - indique le rapport, le résultat final est on ne peut plus clair. Les praticiens sont franchement hostiles à la création d’une future carte Vitale biométrique. Avec de sérieux arguments à l’appui.
Perte de temps médical, contrôle administratif supplémentaire, risque d'agression
Parmi les inconvénients associés à l’usage de la biométrie, les praticiens citent, sur le volet pratico-pratique : « la perte de temps médical ou paramédical du fait de l’ajout d’un contrôle administratif » (et, le cas échéant, du traitement dérogatoire des rejets), « le caractère intrusif de la mesure alors que c’est une relation de confiance qui fonde les échanges entre patient et soignant », « l’inutilité de cet usage pour la fraction, souvent importante, de patientèle déjà connue par le professionnel » et enfin le caractère « incongru » d’un tel contrôle lorsque le professionnel de santé se déplace au domicile du patient. Bref, les médecins ne sont pas des agents de la force publique. D’autant qu’ils ne font pas mystère de leur crainte de possiblement devoir aussi faire face à de sérieux risques d’incivilité « en cas de rejet du traitement d’authentification ». Voire carrément de se faire agresser.
Et quand bien même les praticiens détecteraient une fraude à l’identité, quelle serait la conduite à tenir ? Ils ne peuvent pas, en pratique, refuser les soins, car ils engageraient ce faisant leur responsabilité disciplinaire. Ni facturer ceux-ci à l’Assurance-maladie puisque dans ce cas, ils pourraient être accusés de participer à la fraude.
Enfin, on relèvera que le dernier argument avancé par les médecins pour condamner le recours au contrôle biométrique de la carte Vitale ne manque pas de saveur dans le contexte conventionnel actuel. Ces derniers font en effet valoir qu’une telle décision ne manquerait pas d’entraîner des investissements supplémentaires dans des logiciels et des matériels, et notamment dans des lecteurs biométriques, qui « les conduiraient à solliciter des aides financières des pouvoirs publics ».
Aide médicale d’État (AME) : dans un centre de PMI en première ligne, deux sénateurs prennent le pouls du terrain
Un partenariat Doctolib/Afflelou ? Les ophtalmos libéraux ne font pas « tchin-tchin »
Enquête sur les restes à charge « invisibles » : 1 500 euros par an et par personne, alerte France Assos Santé
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins