Thierry Beaudet, président de la Mutualité française

« Proposer aux médecins la possibilité d'entrer dans un réseau de soins serait utile »

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Publié le 18/06/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Agnès Buzyn a qualifié l'accord sur le reste à charge zéro signé pendant votre congrès d'« historique et équilibré ». Partagez-vous ce sentiment ?

THIERRY BEAUDET : Il s'agit d'un accord utile qui résulte d'une vraie concertation et de négociations conventionnelles. La Mutualité tient sur deux jambes : nous exerçons une activité d'assurance santé mais aussi d'offreur de soins, notamment sur la dentisterie, l'optique et l'audioprothèse. Pour équilibrer les deux plateaux de la balance, la réforme du reste à charge zéro ne devait pas peser trop lourdement sur les cotisations et ne pas compromettre les réalisations mutualistes sur le soin. Sur le papier, je suis globalement satisfait de l'accord, qui semble équilibré. Je reste toutefois prudent. Attendons de voir ce que cela va donner dans la vraie vie. 

Mais cette réforme se traduira-t-elle par une augmentation des cotisations en 2019 et dans les années suivantes ?

En 2019, non. En 2020, j'ai envie de dire non… Et en 2021, j'ai envie de dire "j'espère que non", mais je n'en suis pas certain ! Une chose est sûre : en 2001, l'ensemble des complémentaires santé remboursaient 15 milliards d'euros de frais de soins. En 2016, on passe à 26 milliards d'euros. Cela représente une augmentation de près de 80 % de nos dépenses. Or, il n'y a pas de recette magique. Quand nos dépenses augmentent, nos cotisations doivent faire de même. Hors effet éventuel du reste à charge zéro, ce sera le cas en 2019.

Pour Emmanuel Macron, les tarifications à l'activité et à l'acte sont « trop systématiques ». Êtes-vous d'accord ?

Je suis favorable à la diversification des modes de rémunération. Je ne dis pas que les tarifications à l'activité et à l'acte n'ont pas de valeur mais, seules, elles sont facteurs d'inflation des actes et donc des dépenses. Introduire des rémunérations forfaitaires à dimension qualitative me paraît utile, notamment pour la médecine de ville. 

La Mutualité est favorable aux réseaux de soins. Doit-on les ouvrir aux médecins ?

Notre ambition est de proposer à nos adhérents des équipements de qualité à des tarifs maîtrisés. Lorsque j'étais président de la MGEN, nous avions négocié un accord-cadre avec les dentistes de la CNSD sur l'application d'un tarif maîtrisé sur des prothèses de qualité. Dans son cabinet, chaque professionnel pouvait se reconnaître dans l'accord ou non. C'était une démarche vertueuse, intelligente et respectueuse de l'intérêt de chacun.

Prenons maintenant l'exemple d'un professeur. La voix est son outil de travail. Ce ne serait pas absurde que sa mutuelle négocie pour lui une consultation [médicale, NDLR] de prévention ad hoc qui n'est pas prise en charge par l'assurance-maladie. Et ce serait pertinent de discuter de ses sujets directement avec les professionnels de santé. Le récent accord entre la CSMF et Klesia me paraît relever de cette logique. Pour moi, proposer aux médecins la possibilité d'entrer dans un réseau de soins serait utile !

Vous venez de signer un accord avec l'Association des maires de France pour améliorer l'accès aux soins des Français. Vous misez notamment sur les centres de santé. La médecine salariée est-elle une voie d'avenir ?

La médecine salariée est une solution pour pallier la pénurie de médecins généralistes, mais ce n'est pas la seule. À Laval, la Mutualité a aidé la mairie et des médecins retraités à monter un centre de santé. Ces anciens libéraux voulaient devenir salariés ! À Niort, des médecins de ville en exercice isolé souhaitaient être accompagnés pour bâtir leur maison de santé. À leur demande, on a recruté un pharmacien pour occuper un poste à temps partiel de coordonnateur de la structure. À Clermont-Ferrand, des médecins de ville ont monté seuls une maison de santé. Ils cherchaient en vain des dentistes. Grâce à un partenariat, des dentistes salariés de la Mutualité ont investi la structure, qui tourne donc avec un mode d'exercice hybride.

Nous encourageons la pratique collective, l'exercice regroupé et l'organisation de coopérations médicales. Nous sommes disponibles pour travailler avec les professionnels de santé.

 

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez Il n'y a pas de recette magique. Quand nos dépenses augmentent, nos cotisations doivent faire de même Je ne dis pas que les tarifications à l'activité et à l'acte n'ont pas de valeur mais, seu

Source : Le Quotidien du médecin: 9674