« AYEZ CONSCIENCE des changements que nous sommes en train de vivre, et tirez-en toutes les conséquences nécessaires ». C’est en ces termes que la ministre de la Santé a ouvert à l’Assemblée nationale l’examen de sa loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Aux députés, Roselyne Bachelot a expliqué qu’elle leur proposait, « pour la première fois, la mise en place d’un véritable système de santé », c’est-à-dire d’une organisation cohérente et articulée de la médecine libérale, de l’hôpital, de la prévention et du médico-social. Elle a fait valoir aussi la dimension « aménagement du territoire » de son projet de loi. Déroulant des arguments désormais bien rôdés, la ministre a évoqué les futures agences régionales de santé (ARS) sur l’air de « l’union fait la force », plaidé pour le renforcement de « l’ancrage territorial des politiques de santé », fait l’apologie de la « coordination » comme des « décloisonnements ».
Confiance et responsabilité pour l’installation.
Au chapitre ultrasensible de l’installation des médecins, pour lequel elle sait qu’elle va se retrouver au cours du débat - ce sera au cours de l’examen du titre II du texte - entre les feux de la profession et ceux de nombreux élus, la ministre a été claire. Il faut changer les règles, a-t-elle dit aux députés, s’interrogeant tout haut : « Alors que la densité médicale est de 830 médecins pour 100 000 habitants à Paris, et seulement de 198 dans l’Eure, peut-on laisser la répartition des médecins sur le territoire se dégrader sans agir ? » ; mais il ne s’agit pas d’aller trop loin, a-t-elle aussitôt ajouté, expliquant : « Les mesures présentées procèdent d’une logique de confiance tout autant que d’efficacité. Notre pari est celui de la responsabilité, de l’implication des médecins libéraux (...). » Elle a insisté au passage sur son attachement à la solution des « maisons ou pôles de santé » qui « même dans les zones sous-dotées (...) n’ont aucun problème de recrutement ». Sentant menacés ses projets pour la biologie médicale (voir « le Quotidien » du 10 février), Roselyne Bachelot a également rapidement cité une « réforme structurelle, profonde » qu’elle juge « impérative et urgente ».
Manifestation
Quant à la nouvelle gouvernance des hôpitaux (qui révise les marges de pilotage des directeurs, des médecins et des élus locaux), contestée de toutes parts, qu’institue son texte, la ministre l’a défendue bec et ongles. « Non, gouverner, ce n’est pas se mêler de tout. Non, gouverner, ce n’est pas harceler. Non, gouverner, ce n’est pas caporaliser », a-t-elle expliqué. Avec un mot particulier pour le sort des praticiens : « Certains vous font croire que ce projet prive des médecins de pouvoir : c’est le contraire ! » Sur le dossier enfin de la proximité des soins, qui préoccupe au premier chef les députés, Roselyne Bachelot n’a pas baissé la garde. « Doit-on condamner (...) certains de nos concitoyens à des soins de qualité discutable, pour des pathologies parfois graves, au nom de la proximité ? Je ne le crois pas. C’est la raison pour laquelle je souhaite que certains hôpitaux convertissent ou fassent évoluer certaines de leurs activités. »
À la représentation nationale qui n’en est qu’à l’orée de semaines de débats, la ministre a demandé de faire preuve de « gravité » et de « responsabilité ». « Évitons les caricatures et les raccourcis », leur a-t-elle demandé.
Enfin, il faut noter que plusieurs syndicats franciliens de la santé et de l’action sociale (CGT, CFTC, FO, SUD) organisent une manifestation régionale ce matin, avec un départ à 10h30 de Port Royal, en direction de l’Assemblée nationale. Ils demandent plusieurs choses : le retrait du projet de loi , l’arrêt de la tarification à l’activité, la préservation de l’emploi et des salaires, des budgets correspondants aux besoins des établissements. Ces syndicats rejettent en outre le rapport Couty, qui signe selon eux « la mort de la politique de secteur ». Les syndicats de personnel de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), opposés au regroupement des hôpitaux et aux Agences régionales de santé, se joignent au mouvement.
› KARINE PIGANEAU
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