Suppression prévue de la majoration pour les non adhérents

Vers la fin des Associations de gestion agréées (AGA) ?

Publié le 23/10/2020
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C’est la seule mesure contenue dans le projet de loi de finances pour 2021 qui concerne les professionnels libéraux mais elle aura des conséquences importantes pour eux. La disparition progressive de la majoration de 20 % condamne les AGA à se transformer ou à disparaître

Crédit photo : PHANIE

L’article 7 de la loi de finances prévoit la disparition en trois ans de la majoration qui s’applique au bénéfice des travailleurs indépendants lorsqu’ils ne sont pas adhérents d’un « organisme de gestion agréée » (OGA). Voyons quelles en seront les conséquences.

Les OGA (associations agréées pour les professions libérales et centres de gestion agréés pour les commerçants et artisans) ont été créés pour permettre à ces travailleurs indépendants de bénéficier de l’abattement de 20 % qui s’appliquait au revenu imposable des salariés pour tenir compte du fait que, le revenu de ces derniers étant déclaré par des tiers, ils ne pouvaient pas frauder le fisc… sous-entendu, comme le faisaient généralement les indépendants.

Mais, comme l’explique l’exposé des motifs de la loi (voir ci-contre), l’abattement de 20 % fut intégré dans le barème de l’impôt sur le revenu. On pensa alors que les AGA allaient disparaître, l’abattement de 20 % étant la principale, sinon l’unique raison d’adhésion à ces organismes. Pour sauver les OGA, l’administration fiscale eut alors l’idée de remplacer l’abattement de 20 % par une majoration de 25 % du bénéfice des indépendants qui n’adhéreraient pas à un organisme agréé.

Le montage était très discutable (on taxait un revenu fictif) mais personne ne le contesta et il fut validé par le Conseil constitutionnel.

La suppression

Bercy vient manifestement de changer de position. Et les raisons avancées dans l’exposé des motifs ne sont pas vraiment convaincantes, ni compréhensibles : « cette mesure ne se justifie plus au regard des pratiques comptables des entreprises ». Il est vrai que les professionnels libéraux qui n’ont pas d’expert-comptable ont été poussés à utiliser des logiciels de comptabilité leur permettant de télétransmettre leurs déclarations ou, dans le cadre d’une vérification de comptabilité, leurs fichiers des écritures comptables (FEC). Est-ce à dire que la prochaine étape sera la transmission systématique des FEC à l’administration en même temps que la 2035 ?

« Sa suppression s’inscrit dans le cadre de la simplification du régime fiscal des professionnels » : quelle simplification ? Est-ce la fusion des régimes BIC (bénéfices industriels et commerciaux) et BNC (bénéfices non commerciaux) dont on n’entend plus parler depuis 2010 ?

Il faut reconnaître également que, tant dans la tenue de la comptabilité que dans la rédaction de la déclaration 2035, les marges de manœuvre sont maintenant pratiquement inexistantes. Il est loin le temps où les comptables faisaient bénéficier leurs clients des dernières astuces fiscales, par exemple lorsque ceux-ci changeaient de véhicule professionnel ou quand ils achetaient leur local.

Le vote de l’Assemblée

Mais curieusement, la disparition des OGA n’a pas fait l’unanimité parmi les députés qui étaient présents lors de la discussion de l’article 7 du projet de loi de finances devant l’Assemblée nationale.

Pour Mme Lise Magnier, député de la majorité, « les OGA assurent la qualité des déclarations fiscales pour un volume de 47 milliards d’euros déclarés. La suppression de la majoration de 1,25 du bénéfice imposable réduira nécessairement de manière significative le nombre d’adhérents aux OGA et diminuera d’autant le travail de sincérisation (sic) fiscale ». Et elle demande au gouvernement : « Pouvez-vous nous rassurer sur la capacité des services fiscaux à exercer aussi finement le nécessaire contrôle de conformité fiscale ? ».

Quant à Mme Émilie Cariou, pourtant députée LREM et vice-présidente de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, elle fait part de son inquiétude devant la disparition des OGA : « Si l’on supprime l’incitation à adhérer aux OGA, on créera une zone grise propre aux dérives dans la comptabilité des petites entreprises… Le gouvernement doit vraiment trouver un système pour inciter les petites entreprises à faire valider leur comptabilité par un tiers de confiance », c’est-à-dire par les organismes agréés.

Et pourtant, malgré les réticences des députés présents, l’article 7 a été adopté… Jean-Paul Dufregne, député communiste, conclut : « On rentre dans le rang ! ».

Le choix

Par conséquent, à ce stade de la discussion de la loi de finances, la majoration qui s’applique aux non-adhérents d’OGA et qui est actuellement de 25 % passera à 20 % pour les revenus de 2020,15 % pour ceux de 2021 et 10 % pour ceux de 2022. Elle sera totalement supprimée à compter des revenus de 2023.

Si ce processus va jusqu’au bout (ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire…), aurez-vous encore intérêt à adhérer à une AGA ? La réponse est bien entendu négative si vous avez un expert-comptable dont le rôle est pratiquement le même que celui de l’association agréée.

Par contre, si vous n’avez pas d’expert-comptable, vous aurez largement intérêt à conserver votre adhésion ! Pour un coût très faible, (les cotisations sont actuellement de l’ordre de 250 à 350 euros TTC déductibles), les AGA apportent à leurs adhérents un service précieux en matière fiscale et comptable : télédéclaration de la 2035 et de l’attestation, vérification de la déclaration, réunions de formation et d’information, bulletins périodiques, conseils personnalisés, etc.

Et si vos recettes sont inférieures à 72 500 euros, vous aurez doublement intérêt à rester adhérent puisque la réduction d’impôt pour frais de comptabilité et d’adhésion (plafonnée à 915 €) est maintenue.

Jacques Gaston-Carrère abcliberal@orange.fr

Source : Le Quotidien du médecin