Résultats mitigés sur les indicateurs cliniques (14 sont bien orientés, 11 sont en baisse), rémunération stable des médecins libéraux autour de 5 000 euros : après une décennie de fonctionnement, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) cherche un deuxième souffle. Si son intérêt pour l'amélioration des pratiques est réel, des voix s'élèvent pour réformer le dispositif.
Dix ans après sa création, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) s'essouffle-t-elle déjà ? Cette version française du « P4P » britannique (paiement à la performance), destinée à faire évoluer les pratiques médicales pour atteindre les objectifs de santé définis par la convention médicale, peine à trouver son rythme de croisière.
Après une année 2020 atypique « percutée » par la crise (ce qui avait conduit à des mesures exceptionnelles de maintien des rémunérations), le bilan de la Cnam révèle certes une « reprise positive » pour une majorité d’indicateurs : 14 sur 25 vont dans le sens du progrès (lire tableau complet page 12). Mais les résultats 2021 restent contrastés, avec des tendances préoccupantes (sur la prévention ou l'efficience des prescriptions notamment) et surtout des rémunérations qui végètent.
Des pratiques qui font le yo-yo
Côté positif, en matière de suivi des pathologies chroniques, la Cnam salue la progression « significative » des dosages d’HbA1c (+ 2 points) dans le diabète, avec une stabilité des autres critères associés à cette pathologie (+0,1 pour le fond d'œil et -0,3 pour le dépistage de la maladie rénale chronique avec 42,2 % de patients dépistés). La pratique est correctement orientée dans l'HTA ou le risque cardiovasculaire. Le dépistage de la maladie rénale chronique chez les patients hypertendus s’améliore ainsi de 0,8 point (avec 36 % des praticiens dépassant l’objectif cible) et la prévention secondaire du risque cardio progresse « sensiblement » pour atteindre 45 % des patients. En revanche, la surveillance d'un traitement par anti vitamine K connaît un nouveau recul de 0,6 point.
En revanche, le bloc prioritaire, celui de la prévention, déjà historiquement décevant, continue de produire des résultats inégaux. Certes, l'effet pandémie a enfin créé une dynamique favorable du côté de la vaccination antigrippale avec les deux indicateurs (+65 ans et sujets à risque) qui demeurent à un « niveau supérieur à celui observé avec la crise sanitaire », se réjouit la caisse même si ces deux items reculent en 2021. Sur le dépistage, les progrès sont toujours très timides dans le cancer du sein (+0,2 point) et du col de l'utérus (+0,3) et plus significatifs dans le cancer colorectal (+3,8 points soit 453 000 patients mieux traités). Même hétérogénéité sur l’iatrogénie médicamenteuse avec des résultats corrects en matière d'antibiothérapie mais médiocres sur les traitements par benzodiazépines, hypnotiques ou anxiolytiques.
Macron ouvert aux changements
Dans ce contexte, l'Assurance-maladie vient de distribuer une prime moyenne de « 4 891 euros » pour les généralistes et MEP, en légère baisse par rapport à 2020 (4 909 euros), même si ce montant rattrape juste le niveau d'avant épidémie. Pour les généralistes seuls (hors MEP), le bonus moyen grimpe à 5 057 euros, dans les mêmes eaux que l'an passé 5 091 euros… De quoi apporter de l'eau au moulin de ceux qui constatent que la Rosp stagne.
Mise en place par la Sécu pour favoriser l'amélioration durable des pratiques, et compléter le paiement à l’acte quasi exclusif, la Rosp peut-elle se régénérer ? Faut-il, au-delà, rouvrir le chantier de la diversification des modes de rémunération en médecine libérale ? Emmanuel Macron semble en tout cas ouvert à des évolutions. À Mulhouse, mi-avril, le candidat en campagne avait jugé que notre système « ne rémunère pas du tout la prévention » conduisant « parfois à prendre en charge trop tardivement les pathologies ». Il avait évoqué une rémunération – à négocier – autour « d'objectifs de santé publique », à l'échelle des territoires, en tenant compte des caractéristiques de la population.
Depuis les dernières élections aux URPS, la quasi-totalité des syndicats réclament aussi des changements, quand ce n'est pas la suppression de la Rosp en raison, expliquent ses adversaires, de sa complexité, de son manque de lisibilité ou des biais induits. La FMF fait partie de ceux qui appellent à une suppression pure et simple du dispositif. « Trop d'items tuent la Rosp, résume le Dr Corinne Le Sauder, sa présidente. Il vaudrait mieux des consultations de prévention à la place et la mise en place de groupes qualité financés par l'Assurance-maladie pour améliorer les pratiques médicales. »
Le SML plaide de son côté pour une « refonte » du mécanisme, en le recentrant sur quelques indicateurs simples (diabète, obésité, alcool, tabac, sexualité…). « Le système serait plus lisible et pertinent et accessible à l'ensemble des spécialités médicales », argumente, son président, le Dr Philippe Vermesch. Même vœu de simplification du côté de MG France. Le syndicat de généralistes réclame « moins d'indicateurs, plus concentrés sur des objectifs de santé publique identifiés comme prioritaires par les partenaires conventionnels ». « Il faut décider ensuite de suivre ces indicateurs sur une durée d'un an ou deux ans puis les changer s'ils sont atteints », suggère le Dr Jacques Battistoni. Les Généralistes-CSMF plaident également en faveur d'un dispositif plus simple avec moins d'indicateurs. « Ce travail de tri et de mise à jour doit se faire avec le Collège de la médecine générale », explique son patron, le Dr Luc Duquesnel.
Plutôt satisfait du bilan Rosp 202, (lire l'interview p 14), le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme a commencé à ouvrir le chantier de la refonte avec des groupes de travail. Une réflexion qui alimentera les négociations de la prochaine convention médicale qui devrait débuter après l'été.