Comment réduire le poids de la tarification à l'acte, jugée inadaptée à la coordination des soins et au suivi des patients chroniques ? Pour vérifier la mise en application de cet objectif des pouvoirs publics, la société de conseil Proxicare a mis en place un observatoire des financements innovants en santé.
Les résultats de sa deuxième édition (2022), qui a passé au crible 114 expérimentations (de type article 51, ETAPES, etc.) – pour 1 000 000 patients concernés – révèlent plusieurs tendances fortes et éclairent sur l'opportunité de généraliser certains dispositifs.
L'exercice coordonné plébiscité sous toutes ses formes
Premier enseignement : la coordination entre professionnels de santé est au cœur de ces expérimentations mobilisant des financements innovants. 70 % des projets valorisent l'exercice coordonné, dans une logique de parcours intégré (contre 38 % l'an passé). 39 % de ces coordinations sont dites « renforcées » et mobilisent plusieurs professionnels autour de patients chroniques à risques et/ou de fragilités spécifiques. 24 % des projets reposent sur un appui externe à l’équipe. Dans 8 % des coopérations, dites usuelles, le financement sert à rémunérer une coordination assurée directement par le médecin traitant lui-même et son patient.
Pathologies chroniques ciblées et …nouvelles prestations fréquentes
Dans 55 % des cas, les expérimentations visent une pathologie chronique (diabète, pathologies cardiovasculaires, rénales, respiratoires, etc.) ou liées au vieillissement (dépendance, dénutrition, iatrogénie). C'est 3 % de plus que l'an passé. En progression également, les projets qui ciblent la santé mentale (10 %).
Autre enseignement : sur les 114 expérimentations étudiées, 74 intègrent la prise en charge de nouvelles prestations non prises en charge par l’Assurance-maladie dans le droit commun (soit 65 % au total versus 54 % en 2021). L'observatoire Proxicare révèle ici un renforcement des projets destinés à rémunérer des interventions de psychologues (35 projets), des diététiciens (26) ou des séances d’activité physique adaptée (22). « Au-delà du discours sur le besoin de prévention, les acteurs de santé soulignent que cela doit s’accompagner de gestes concrets comme le financement de nouveaux types d’actes et de prestations », analyse Véronique Lacam-Denoël, fondatrice de Proxicare.
Beaucoup de forfaits par patient, encore peu à la patientèle
Pour payer les équipes qui portent ces projets, les modes de rémunération se traduisent dans la quasi-totalité des cas par des rémunérations forfaitaires (111 sur les 114 projets analysés) : 87 % des expérimentations proposent des forfaits « par patient » (+6 points en un an), facturables par bénéficiaire inclus dans un parcours de soins, et seulement 13 % pour une patientèle ou population donnée. « Cela montre bien que le parcours de soins est le pivot de ces expérimentations, analyse Véronique Lacam-Denoël. Les logiques de paiement à la patientèle doivent encore convaincre ».
Part variable complexe à gérer
Plus original, l'observatoire signale que près d'un projet sur cinq propose une rémunération modulée sous forme de prime à la qualité, sécurité et/ou à la performance, souvent complémentaire à des rémunérations de base. Au total, 18 % des projets prévoient une telle part variable basée sur des indicateurs de l’état de santé, soit du patient soit d’un groupe de patients.
Mais selon les témoignages des porteurs de projet, « la mise en place de ces nouvelles modalités de financement occasionne une véritable transformation opérationnelle d’autant plus qu’elle implique souvent de gérer un double flux de facturation », explique Émilie Delpit, directrice associée de Proxicare. Un processus qui reste aujourd'hui « manuel, donc chronophage et sources d’erreurs ». Pour pérenniser ces expérimentations, recommande cette experte, une réflexion doit « être portée sur un processus de facturation simplifié et automatisé au maximum ».
4,3 millions par projet en moyenne
Pour financer ces dispositifs innovants, une enveloppe moyenne de 4,3 millions d'euros par projet est octroyée, en hausse de 7,5 %. Mais les dix projets innovants les plus dotés représentent plus de 230 millions d'euros. Parmi ces derniers, les expérimentations ministérielles d'incitation à la prise en charge partagée (IPEP, où un groupement de professionnels volontaires définit des actions au service de leur patientèle), les financements intégrés à l'« épisode de soins » (EDS) pour les prothèses de hanche et de genou ou encore les nouveaux projets Cocon (parcours de soins précoces et coordonnés du nouveau-né vulnérable).
D'autres concernent les soins primaires de ville ou à domicile comme l’expérimentation de suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux, celui d'Équilibres (Équipes d’infirmières libres, responsables et solidaires), Drad (Dispositifs renforcés de soutien au domicile pour les personnes âgées) ou encore Ipso (nouveau contrat médecin traitant en Île-de-France).
Réussite sous conditions
Interrogés par l'observatoire, huit porteurs de projet ont identifié trois facteurs de réussite : les outils associés aux nouveaux modes de paiement, la gouvernance et le choix de l'entité qui porte ce projet. Le défi est d’autant plus délicat lorsque l’Assurance-maladie confie au porteur de projet « la responsabilité de redistribuer les forfaits aux professionnels de santé », explique Émilie Delpit. Ce rôle de « concentrateur de paiement » est particulièrement « complexe » et suppose que « les compétences, ressources et l’outillage dont il dispose soient adaptés, ce qui n’est pas toujours le cas ».
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